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11 septembre 2011
11 septembre : une perspective
Les attentats terroristes qui ont frappé les États-Unis le 11 septembre 2001 ne sont à l'évidence pas assez lointains pour qu'un recul suffisant puisse être pris ; au vu des nombreux commentaires prononcés ou écrits ces jours dans les médias, la lecture de cet événement reste profondément marquée par le prisme de l'opposition à la guerre en Irak, au point que le contexte de l'époque tend à disparaître sous les arguments, les condamnations et les arguties. La clarté qui prévalait au lendemain des attaques - perçues comme un acte de guerre s'inscrivant dans le djihad déclaré par Al-Qaïda - a largement disparu. La transformation même de la guerre, comme cette journée l'a illustrée avec fracas, n'a pas pénétré les esprits.
Pourtant, comme on pouvait déjà le mesurer à l'époque, le détournement de 4 avions de ligne par 19 djihadistes afin d'en faire des missiles guidés reste un événement charnière, le révélateur d'un basculement : l'État-nation contemporain n'est plus le maître de la guerre, et des organisations non étatiques sont désormais capables de lui porter des coups très durs, au cœur même de sa puissance politique, économique et militaire. Le fait que l'attaque la plus meurtrière menée sur sol américain depuis le 11 septembre 2001 ait été une fusillade sur une base militaire montre certes le fruit du resserrement des mesures de sécurité, mais plus encore l'effet de l'exportation du conflit vers d'autres régions.
Ce vacillement de l'État par l'épée, à l'exemple de la superpuissance américaine, s'est dans l'intervalle notablement élargi. L'État-providence à l'européenne est aujourd'hui à bout de souffle, et doit s'imposer des coupes budgétaires qui, loin d'opposer le beurre aux canons, vont réduire l'un comme les autres. L'autocratie arabo-musulmane est ébranlée par la colère des peuples, révoltés par le manque à la fois de prospérité et de justice, et seules les pétromonarchies semblent pour l'heure juguler la révolution qui les menace. La légitimité des États, à travers la sécurité qu'ils peuvent garantir, les services qu'ils peuvent offrir, les revendications qu'ils peuvent intégrer, les conditions-cadres qu'ils peuvent préserver, est toujours plus menacée.
A propos du 11 septembre et de ses suites, c'est donc la lutte entre États et non États pour la conquête et/ou la maîtrise des esprits, des marchés et des espaces - faisant partie des enjeux du conflit - qui devrait constituer la principale grille de lecture. A cet égard, pour la coalition d'États occidentaux en lutte face aux réseaux djihadistes, il faut relever que la campagne d'Afghanistan - qui ne permet pas de parvenir à des résultats majeurs - constitue un investissement disproportionné de ressources, alors que la campagne d'Irak - qui a occasionné une immense attrition des djihadistes dans leur légitimité comme dans leur capacité - s'est avérée nettement plus rentable. L'endurance des États reste cependant leur principale faiblesse.
A cet égard, il est évident que les aspects financiers et économiques ont fortement gagné en importance ces dernières années. Contrairement à ce que l'on peut souvent lire, les dépenses liées à ces campagnes n'ont pas d'effet déterminant sur l'évolution des finances publiques, puisque même aux États-Unis la part de la défense dans le budget ne dépasse pas 20%, ce qui est historiquement bas en temps de guerre. En revanche, dès lors que les dépenses sociales propulsent un État dans la spirale du surendettement, et que viennent se greffer sur ce déséquilibre une balance commerciale fortement déficitaire, une croissance économique en panne et des établissements bancaires sous-capitalisés, il ne faut pas compter sur une capacité sérieuse de maîtriser quoi que ce soit.
Publié par Ludovic Monnerat le 11 septembre 2011 à 23:15