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18 avril 2010
Les fondamentaux de la défense
Il n'est jamais agréable d'être accusé de « dire n'importe quoi », mais il n'est pas grave de l'être sur la base de propos tronqués et mal interprétés. C'est la situation devant laquelle je me trouve : Philippe Barraud, sur www.commentaires.com, a en effet proprement éreinté une brève colonne publiée par le soussigné dans l'édition d'hier de 24 Heures, à la demande de son rédacteur en chef, sur le thème de la politique de sécurité. Ce texte était cependant une version élaguée et mise à jour d'un article bien plus long écrit pour la Revue Militaire Suisse, et posant quelques fondamentaux en matière de politique de sécurité et donc de défense. Il n'est pas disponible en ligne, à la différence de l'original dans la RMS, mais voici les passages incriminés :
« Il faut le constater: l'Etat-nation helvétique comme entité clairement délimitée, reposant sur une large unité à la fois géographique, populaire et décisionnelle, disparaît peu à peu. La Suisse du XXIe siècle a de moins en moins à voir avec les 41 285 km² de son territoire dit national. Se concentrer sur celui-ci est aussi logique qu'évaluer une partie d'échecs à l'aune d'une fraction de l'échiquier.
Un Etat moderne comme le nôtre se transforme et voit son existence s'inscrire toujours plus dans des espaces inédits, éloignés des montagnes et des lacs qui pourtant l'incarnent. Pour en tracer les frontières et les reliefs véritables, il nous faut des cartes nouvelles, décrivant le terrain sémantique et l'espace cybernétique, les transversales financières et les nœuds énergétiques, les terrains-clefs identitaires, les vulnérabilités juridiques, ou encore les points d'appui diplomatiques. »
Le commentaire de Philippe Barraud ne fait pas dans la dentelle :
« Ces propos sont effarants. On est entre le délire psychédélique et le pacifisme sans frontières - sans oublier une furieuse contradiction: puisque, nous dit M. Monnerat, la Suisse n'existe plus (Ben Vautier est dépassé !), à quoi bon réfléchir aux missions de son armée, ou mieux, à quoi bon une armée, à quoi bon une Confédération, puisqu'on va se fusionner dans le Grand Tout? »
Il va de soi que cette interprétation de mes propos ne correspond en rien à mes réflexions. Accoutumé par nécessité à redresser les torts, et critique hautement estimé des errements de notre classe politique comme médiatique, Philippe Barraud aura sans doute péché par précipitation en associant immédiatement mes réflexions au credo des globalistes militants, pour lesquels la Suisse et ses valeurs traditionnelles sont un frein vers l'accomplissement de l'Histoire.
Il suffit de lire l'article de la RMS pour voir quels sont, à mon sens, les fondamentaux en matière de défense :
- La mission fondamentale de l'armée - défendre le pays et sa population - ne change pas, et il n'y a pas de défense valable si celle-ci n'est pas indépendante.
- La défense du pays ne peut se limiter à la défense du territoire national, elle doit prendre en compte tous les intérêts stratégiques de la Suisse.
- La définition de ces intérêts, aujourd'hui et demain, doit être posée avant d'élaborer une politique de sécurité ou un plan directeur de l'armée.
- L'armée, en tant que composante coercitive de cette politique, doit être orientée face aux menaces stratégiques, et non devenir une supplétive des forces civiles.
Voici pour préciser certains aspects. Du reste, on ne peut que suivre à 100% Philippe Barraud lorsqu'il affirme que, entre États, c'est « chacun pour soi » : l'histoire est là pour démontrer la constance de cette vérité. Il n'y a donc pas lieu de voir dans la brève colonne publiée dans 24 Heures une autre perspective.
Publié par Ludovic Monnerat le 18 avril 2010 à 21:31