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12 février 2010
Malplaquet, Fontenoy, Rossbach : les batailles-mères du choc et de la manœuvre au XVIIIe siècle
La quatrième communication a été présentée par le Professeur Jean-Pierre Bois, professeur émérite d'histoire moderne de l'Université de Nantes.
Ces trois batailles sont considérées ici uniquement sous l'angle tactique : Malplaquet est une bataille où l'on voit l'utilisation du feu ; Fontenoy montre comment est utilisé et mis en défaut le choc ; alors que Rossbach voit l'initiation d'une manœuvre qui transforme l'art de la guerre. Ces batailles ont été retenues par les militaires comme objets d'étude privilégiés pour leur réflexion au sujet de cet art.
Malplaquet, une non victoire française, se déroule à la fin de la guerre de Succession d'Espagne, alors que la France est en situation difficile et se doit d'arrêter une invasion alliée en détachant une armée de secours. Fontenoy, une victoire française, se déroule alors que la France est dans une dynamique victorieuse, pendant la guerre de Succession d'Autriche, lorsque les Alliés tentent de prendre à revers l'armée française assiégeant Tournai. Rossbach, une déroute française, se déroule au début de la guerre de Sept Ans, alors que la France est en bonne posture, mais quand Frédéric II va au-devant des Français pour arrêter leur armée malgré une infériorité numérique.
A Malplaquet, les Français commandés par Villars puis Boufflers prennent position dans une trouée, l'infanterie en ligne sur 4 rangs de profondeur, répétée à environ 300 mètres en arrière, puis la cavalerie - qui n'est plus déterminante pour le combat - encore derrière. Les Alliés commandés par Marlborough, le prince Eugène et Orange prennent, en ligne, une position relativement comparable. L'infanterie de ligne progresse par bataillon jusqu'à arriver à portée de l'adversaire, afin d'ouvrir le feu ; le résultat du feu déterminera ensuite le déroulement de la mêlée. A Malplaquet, excepté une mêlée dans un coin, la bataille s'est résumée à une immense fusillade (des « tireries », selon de Saxe), aboutissant à 30'000 hommes tués, blessés ou disparus. Après une journée de la sorte, les deux armées - utilisant un feu égal - restent sur leurs positions, et les Français attendent le lendemain un nouvel assaut allié qui ne viendra pas.
Les discussions sur la bataille de Malplaquet aboutiront à donner une plus grande importance au fer, c'est-à-dire au choc.
A Fontenoy, Maurice de Saxe a placé son armée en ligne d'angle, ce qui lui donne une meilleure vision de ses troupes, mais il a également fortifié les villages (Antoing, Fontenoy) et édifié quelques fortins, tout en installant de très fortes positions d'artillerie, car il attend la montée en ligne des Alliés. Ceux-ci, qui ont l'initiative, sous le commandement de Waldeck (Hollandais), Königsegg (Hollandais et Autrichiens) et Cumberland (Anglais et Hanovriens), attaquent effectivement en ligne, et sont repoussés à coups de canon, jusqu'à ce que les Anglais - avant tout en raison du terrain - attaquent en colonne, ce qui aboutit au choc. La ligne française ne résiste pas et subit des pertes importantes. Mais la colonne anglaise s'enfonce tellement qu'elle subit soudain l'action combinée de l'artillerie française, de front, de la cavalerie et de l'infanterie française sur les deux flancs, ce qui met hors de combat une colonne de 15'000 hommes.
Les discussions sur la bataille de Fontenoy ont montré que le choc, à son tour, n'est pas nécessairement décisif.
A Rossbach, les Français - affaiblis par un double commandement reflétant la composition des troupes - sont arrêtés par l'armée prussienne de Frédéric II disposée sur une colline, et prennent des positions renforcées. Le lendemain, les Français opèrent un mouvement tournant en vue de prendre l'armée de Frédéric II à revers. Ce mouvement, mis en œuvre trop lentement, est repéré et observé par les Prussiens, qui repositionnent leur armée en conséquence et mènent une charge furieuse contre la cavalerie française, puis contre l'infanterie française située derrière. Les Français sont mis en déroute. Les pertes en tués ne sont pas énormes, mais les Français perdront tout de même 10'000 hommes - avant tout prisonniers, signe de l'importance prise par la manœuvre.
Publié par Ludovic Monnerat le 12 février 2010 à 14:46