« La bataille de Novare (1513) : une victoire chevaleresque | Accueil | Malplaquet, Fontenoy, Rossbach : les batailles-mères du choc et de la manœuvre au XVIIIe siècle »
12 février 2010
L'évolution de la tactique des hussards au XVIIIe siècle en Europe
La troisième communication est présentée par le Professeur Ferenc Tóth, maître de conférences d'histoire moderne à l'Université protestante réformée Gáspár Károli, Budapest.
Les hussards sont aujourd'hui un symbole national hongrois, mais constituent pourtant un phénomène européen. On désigne par ce terme une cavalerie légère d'inspiration ottomane, apparue en Hongrie par le biais de la noblesse serbe, que les conquêtes des Ottomans ont progressivement repoussée toujours plus au nord. A l'origine, les hussards sont avant tout faits pour affronter les spahis ottomans, et sont équipés de lances comme de sabres pour pratiquer la manœuvre et le choc. Plus tard, la cavalerie hongroise constituera une évolution de ces hussards, et aura pour mission de protéger la très vaste frontière - véritable no man's land - avec l'Empire ottoman.
La fréquence croissante des armes à feu au XVIIe siècle - notamment des pistolets - aboutit à une évolution des tactiques, entraînant ainsi à la fin de ce siècle chez les hussards hongrois la disparition des lances et renforçant la place du sabre. Les hussards polonais, connus dès la même époque lors des guerres du Nord comme à l'occasion du deuxième siège de Vienne, sont globalement similaires. La normalisation des hussards se produit en parallèle, avec la formation du premier régiment de hussards hongrois dans l'armée impériale en 1672.
D'autres armées - dont l'armée royale française - créent ponctuellement des régiments similaires, surtout à partir de la guerre de Succession d'Espagne, régiments alimentés avant tout par des déserteurs des troupes hongroises, ceci en raison de la guerre d'indépendance mettant aux prises l'armée impériale et des rebelles sur le territoire de l'Empire. La guerre austro-turque de 1737-1739, plutôt méconnue, a cependant un impact majeur sur l'évolution des hussards : il n'y a eu durant ce conflit presque aucune bataille, mais des « affaires », c'est-à-dire des opérations de petite guerre, ainsi que l'application de la tactique de la terre brûlée, qui ont tout de même provoqué la perte de dizaines de milliers de soldats. Le manque de régiments de hussards dans les troupes impériales - 3 régiments seulement, pour une armée de 50'000 hommes - est alors criant.
Lors de la guerre de Succession d'Autriche, les troupes impériales auront ainsi bien davantage de troupes hongroises sous forme de hussards (11 régiments au total, soit 35'000 hommes en période de guerre), qui vont jouer un rôle décisif pour sauver la situation de la reine Marie-Thérèse, dans la guerre qui l'a notamment opposée à la couronne de France. Ce sont du reste les expériences néfastes vécues face aux hussards hongrois lors de ce conflit qui vont décider les Français à introduire de nombreux régiments de hussards et à réglementer leur fonctionnement comme leur emploi.
Les hussards impériaux ont également des succès initiaux lors de la guerre de Sept Ans, avec des coups d'éclat comme la prise de Berlin. C'est du coup la Prusse qui prend au sérieux la menace des hussards, et qui se met à former ses propres régiments de troupes légères à cheval, alors que Frédéric II pour sa part considère ces régiments comme des écoles de guerre propres à former les officiers. L'effet de ces réformes se verra lors de la guerre de Succession de Bavière, où ces nouveaux régiments prussiens feront la preuve de leur supériorité. Cette arme est donc en pleine évolution, l'art militaire des hussards devient de plus en plus complexe, dans un développement tout à fait comparable aux grands changements de l'époque.
Publié par Ludovic Monnerat le 12 février 2010 à 14:44