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3 novembre 2009
Le choix de l'approche prospective
L'une des grandes difficultés de la planification de défense réside dans la dimension prospective qu'elle doit nécessairement intégrer. Comment prévoir l'avenir de façon suffisamment précise pour en tirer des éléments tangibles et raisonnablement sûrs, sur lesquels il est possible de construire un modèle d'armée ? Il existe différentes approches pour ce faire, qui bien entendu n'ont de valeur que si les fonctions stratégiques confiées aux forces armées sont clairement et durablement définies. Si ce n'est pas le cas, ou si ces fonctions ont une pondération périmée, on ne fait qu'esquisser l'avenir à travers le filigrane du passé. Ce qui, au demeurant, est loin d'être rare.
Une première approche consiste à définir un ensemble d'événements, décrits et ordonnés en fonction de leur probabilité et de leur impact sur la Suisse. Cette approche a été utilisée pour le Plan directeur de l'Armée XXI, et elle a permis d'aboutir à une réponse capacitaire basée sur une disponibilité échelonnée. Elle présente l'immense avantage d'équilibrer dans le temps les prestations attendue de l'armée, à l'inverse du culte des engagements probables qui découle des pressions budgétaires à courte vue. Mais elle vaut surtout pour le rôle stratégique de l'armée et la pondération de ses missions - bien moins pour l'appréhension des mécaniques opératives et des prestations tactiques à mettre en œuvre.
Une autre approche consiste à établir plusieurs scénarios détaillés. Cette approche est simple, logique, séduisante - et fausse. Elle a été appelée à grands cris durant la réforme Armée XXI, précisément parce qu'elle répond à des questions concrètes, mais elle souffre d'une faiblesse fatale : les éléments qui lui donnent en apparence toute sa valeur sont trop précis pour correspondre à l'incertitude de la prospective. On devrait multiplier les scénarios au-delà du raisonnable pour retrouver un flou statistique compatible avec cette incertitude. A moins d'avoir des renseignements très précis et des acteurs en tout point prévisible, ce qui est rare en-dehors des conflits symétriques, et de toute manière bien périssable.
Une troisième approche, rarement utilisée, consiste à décrire les différentes formes de conflits susceptibles d'être menés. Elle représente un compromis entre l'immédiateté trop précise des scénarios et la perspective large de l'ensemble d'événements, en se focalisant sur la mécanique des actions et des effets, ainsi que sur le rythme de leur mise en œuvre. Bien entendu, il ne faut pas se limiter ici aux conflits de haute intensité ou aux luttes asymétriques mobilisant des adversaires belligérants, mais bien intégrer la guerre de l'information comme la guerre économique, qui se jouent sur des terrains autrement plus complexes et incertains, mais dont les méthodes restent stables.
Publié par Ludovic Monnerat le 3 novembre 2009 à 22:21