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6 octobre 2009
Entre la discorde et le doute
Le désaccord rendu public entre l'administration Obama et le commandant des forces coalisées en Afghanistan sur la stratégie à adopter dans le pays, afin d'éviter de perdre le conflit ouvert avec succès voici 8 ans, est intéressant à plus d'un titre. Visiblement, les maîtres politiques du général McChrystal auraient nettement préféré que celui-ci exprime ses doutes sur certaines hypothèses opérationnelles via sa voie hiérarchique, non à l'invitation d'un "think tank" appartenant à l'allié britannique, et alors même que les pertes américaines sur place sont plus élevées que jamais. Quand le franc-parler dérange, c'est rarement bon signe.
Les disputes entre chefs des armées et généraux en charge d'opérations de combat ou de stabilisation ne sont pas chose nouvelle, loin s'en faut. Mais McChrystal, qui a certainement l'appui de son chef direct (Petraeus), n'est pas un vieux faucon à la MacArthur, et Obama n'est pas un Truman en train d'éviter une escalade incontrôlable. C'est plutôt l'inverse : alors que la communauté internationale s'essouffle de plus en plus à tenter de transformer l'Afghanistan en aire de civilisation et de prospérité, il s'agit plutôt de songer à changer de cap pour éviter la défaite, c'est-à-dire l'épuisement moral et donc l'abandon. Même si les préoccupations politiques de Washington sont plutôt domestiques.
Ce débat rappelle aussi que l'Afghanistan, jadis présenté comme la "bonne guerre" par opposition à la "mauvaise guerre" d'Irak, n'est pas près d'être un succès. A la différence de l'Irak, dont les villes et la population n'ont finalement offert aucun sanctuaire aux combattants islamistes du coup massacrés par dizaines de milliers, l'Afghanistan offre des refuges montagneux à la pelle qui permettent aux talibans et à leurs alliés de se soustraire aux coups de la coalition, au besoin en traversant une frontière éminemment virtuelle, et donc de durer, tout en maintenant une présence à la fois menaçante et influente sur les populations civiles. Ce qui constitue en général la manière pour le faible de vaincre le fort.
Enfin, le désaveu de ses généraux souligne toujours plus crûment l'absence de succès tangible remporté par Barack Obama sur la scène internationale. Des voix toujours plus nombreuses s'élèvent pour dire que le Président acclamé par l'humanité entière - à en croire ses supporters - ressemble davantage à Carter qu'à Kennedy. Alors que le premier anniversaire de son élection approche, il est bien sûr un peu tôt pour juger un homme qui a effectivement suscité des espoirs au-delà du possible. Du reste, les élections qui se profilent et le recul démocrate qui s'annonce forment un jugement autrement pertinent. Mais un air amène et de beaux discours ne peuvent tenir lieu d'action stratégique.
Ceci étant, la discorde et le doute forment un mélange particulièrement corrosif pour les équipes dirigeantes.
Publié par Ludovic Monnerat le 6 octobre 2009 à 22:10