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17 septembre 2009
Engagements à l'étranger : la croisée des chemins
Les débats parlementaires de cette semaine le soulignent avec force : il manque encore et toujours à la Suisse une approche stable et pragmatique concernant les engagements de l'armée à l'étranger. Les missions de promotion de la paix sont soutenues par une majorité fragile, alors même qu'elles n'engagent de contingent que dans des zones sans grand risque. Les missions visant à protéger les intérêts du pays, quant à elles, sont âprement disputées et à la merci de toute scorie idéologique. C'est tout un pan de la politique de sécurité définie par le Conseil fédéral et avalisée par le Parlement qui peine à être mis en œuvre.
Employer des moyens militaires hors des frontières n'est bien entendu pas une fin en soi. D'une part, c'est souvent le seul moyen de préserver ou de restaurer des conditions de sécurité minimales, à même de permettre le fonctionnement d'une société ou l'utilisation d'un espace donné ; en d'autres termes, une contribution nationale à un effort généralement multinational de stabilisation ou de normalisation. D'autre part, c'est l'occasion d'utiliser des fonctions opérationnelles dans des situations de crise où les risques et les dangers réduisent fortement la permissivité de l'environnement, c'est-à-dire des conditions s'approchant du combat et des contextes que les méthodes actuelles de direction d'exercice (simulateurs lasers multiples, etc.) ne peuvent que ponctuellement esquisser.
Cette dualité profitable a été développée de façon étonnante au cours de la décennie écoulée. Alors qu'en 1999 les soldats suisses envoyés en mission de stabilisation n'étaient pas armés et devaient être protégés par leurs collègues étrangers un brin ironiques, ils forment en 2009 des détachements d'infanterie polyvalents, équipés de véhicules blindés et d'armes modernes, utilisés régulièrement comme réserve d'intervention générale par un commandement multinational comme celui de la KFOR. Et ceci sans la moindre bavure, sans le moindre dépassement du mandat national, à l'inverse de ce qu'annonçaient les adversaires traditionnels de telles missions.
Mais la régression pourrait bien aujourd'hui succéder au développement. Après la Bosnie, les nations occidentales ont décidé de fortement réduire leur présence militaire au Kosovo, ce qui aura immanquablement des conséquences similaires sur le contingent suisse déployé au sein de la KFOR. Or, la Suisse se trouve à court de missions multinationales situées dans des environnements modérément risqués, là où le maintien de la paix peut clairement être distingué de son imposition potentielle. Et l'on ne peut guère compter sur une majorité stable pour engager des moyens militaires significatifs en vue de protéger nos propres intérêts dans des zones de crise. De sorte qu'un retour au statu quo ante est une voie probable.
Nous sommes à la croisée des chemins, dans ce domaine où se recoupent la politique étrangère et la stratégie militaire. D'après les informations actuellement disponibles, le prochain Rapport sur la politique de sécurité ne devrait pas connaître de changement sur ce plan, et donc ne sera guère en mesure de surmonter cette mise en échec permanente. Et comme une armée que l'on n'engage pas dans des tâches difficiles est vouée à l'obsolescence et à la calcification, nous n'avons guère d'autre choix que de repenser la palette et les modalités des engagements armés au-delà des frontières.
Publié par Ludovic Monnerat le 17 septembre 2009 à 22:44