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22 mars 2007
La politique étrangère et de défense britannique
Ce soir a eu lieu à Verte Rive l'assemblée générale annuelle du Centre d'Histoire et de Prospective Militaire, sous la présidence du brigadier Michel Chabloz. L'assemblée proprement dite a été suivie par un exposé sur la politique étrangère et de défense britannique, présentée par Pierre Razoux, connu du public suisse et renommé pour ses travaux d'histoire militaire. En voici un résumé.
Les principes fondamentaux de cette politique peuvent être énumérés ainsi :
- Equilibre entre les États-Unis et l'Europe, avec le maintien de la "relation spéciale". Ceci implique de tout faire pour éviter d'être au pied du mur, de devoir choisir entre USA et UE, mais aussi de conserver l'OTAN comme lien transatlantique ;
- Renforcement du multilatéralisme, notamment à des fins commerciales, et donc ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier, mais favoriser une concurrence entre structures de pouvoir (G8, ONU, OSCE, etc.) ;
- Maintien des liens privilégiés au sein du Commonwealth, dans une perspective avant tout commerciale, et notamment avec le Canada, l'Australie et l'Inde ;
- Maintien de relations correctes avec la Russie et avec la Chine, même si cela entraîne des difficultés avec les États-Unis ;
- Aptitude à s'appuyer sur des têtes de pont régionales, c'est-à -dire des acteurs-clefs, notamment via la Defense Diplomacy, avec des partenaires choisis pour leur position, souvent de part et d'autre d'un continent (Géorgie, Sierra Leone, Kenya, Oman, Brunei, Chili, Belize).
Pour concrétiser cette recherche de l'équilibre, les Britanniques utilisent une boîte à outil bien fournie et combinent politique, industrie, économie, institutions ou encore armée. Ils cherchent ainsi à donner constamment des gages à la fois aux États-Unis et à l'Europe : engagement dans la mission européenne "ARTEMIS" au Congo parallèlement au déclenchement de "IRAQI FREEDOM", annonce du maintien des troupes en Irak fin 2003 parallèlement au soutien d'un centre de planification autonome en Europe, engagement dans les programmes JSF et Eurofighter, Apache et A400M, Amraam + Tomahawk et Meteor + Storm Shadow, dans le consortium GPS et dans le programme Skynet.
Certes, ce grand écart peut parfois s'avérer très difficile, et donc douloureux. Il en va systématiquement ainsi pour trois domaines dans lesquels les Britanniques sont totalement dépendants des Américains, et donc des domaines qui sont des tabous (For UK-US Eyes Only) pour leurs partenaires européens : la dissuasion nucléaire, le renseignement et l'espace. Toutefois, la Grande-Bretagne a également les moyens de faire comprendre à son allié américain que les divergences peuvent amener des réactions, comme l'ont montré les accords de St-Malo fin 1998 : afin de mettre en garde les États-Unis à propos de leurs errements dans les Balkans, mais aussi de renforcer l'Europe dans l'hypothèse où les États-Unis se recentrent sur le Pacifique, un rapprochement plus spectaculaire que significatif avec la France a été opéré à cette occasion. Ceci bénéficiant aussi d'intérêts communs entre la France et la Grande-Bretagne, comme entre un Chirac affaibli et un Blair fraîchement arrivé au pouvoir.
Ce dernier étant aujourd'hui sur le départ, les conséquences de son remplacement par Gordon Brown ont été esquissées. En vue des élections de 2009 et compte tenu de sa légitimité réduite, le nouveau premier ministre britannique devrait ainsi mener une politique étrangère et de défense populiste, avec un retrait presque complet d'Irak (ce qui implique des gages envers les États-Unis, comme le renforcement des moyens en Afghanistan, qui est de toute manière un enjeu majeur pour Londres vu que la crédibilité de l'OTAN, et donc la force du lien transtlantique sont en jeu), une démarcation vis-à -vis des États-Unis, ainsi que globalement "moins d'Europe" (ralentissement dans la PESC et la défense européenne, mais renforcement de la coopération dans la sécurité intérieure, la sécurité énergétique, la protection de l'environnement et la poursuite de l'élargissement).
La Grande-Bretagne conserve donc une position particulière a bien des égards, même si elle a fortement évolué vis-à -vis du continent depuis les années 60.
Publié par Ludovic Monnerat le 22 mars 2007 à 23:40
Commentaires
Question: la Grande-Bretagne, est-elle souveraine sur son feu nucléaire?
Publié par fass57 le 23 mars 2007 à 10:35
Cette question a été posée en plénum, et la réponse sans équivoque est oui. Mais les Etats-Unis fournissent le matériel, et donc connaissent le ciblage...
Publié par Ludovic Monnerat le 23 mars 2007 à 10:47
Merci pour l'info.
Publié par fass57 le 23 mars 2007 à 10:48
Les Trident des Vanguard sont de conception américaine, mais selon le dernier Air et Cosmos, ils sont fabriqué outre manche.
Pour les tétes nucléaires, elles sont 100 pour 100 british.
Publié par Frédéric le 25 mars 2007 à 19:56
D'après Pierre Razoux, pourtant, les États-Unis fournissent clefs en mains la capacité, et l'entretien des missiles se fait par exemple dans des bases américaines, après leur "transport" par le SNLE britannique.
Publié par Ludovic Monnerat le 25 mars 2007 à 23:52
Je vais me renseigner sur le suget. Selon le mag, les missiles en question ont étaient construit entre 1999 et 2005 et il vrai que je ne voient pas d'établissement britannique capable de construire de telle engin.
Publié par Frédéric le 26 mars 2007 à 9:07
Mea culpa, toujours vérifier les sources, bien qu'A&C soit d'habitude trés sérieux :
http://en.wikipedia.org/wiki/Polaris_Sales_Agreement
Les 58 missiles sont fabriqué en effet outre Atlantique et le Royaume Uni à payer 5 % des frais de devellopement.
Publié par Frédéric le 26 mars 2007 à 9:14