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28 décembre 2006

La guerre dans la tête

Les séquelles immatérielles des opérations de combat et de stabilisation sont aujourd'hui l'une des préoccupations des armées occidentales. On peut voir dans cet article sur les anciens combattants russes en Afghanistan un exemple du prix payé par les militaires individuels lorsqu'ils sont lancés dans un conflit impossible à remporter, dans l'indifférence de leur nation et dans des conditions à même d'assurer la prolifération des cas de stress post-traumatique :

Soviet troops spent a decade fighting in Afghanistan. About 900,000 Soviet men and women served there. As many as 15,000 of them died. Another 75,000 were wounded. An average tour was 110 weeks.
To this day many of the survivors cannot forget their Afghan experiences. As many as 6,000 of them still come every year to Rusa, to one of the five veteran's rehab centres across Russia.

Il est assez intéressant de comparer cette réalité avec ce reportage sur les troupes britanniques en Irak, paru hier dans Le Monde. On y voit en effet ce qu'une armée professionnelle moderne, confrontée à un conflit de basse intensité prenant la forme d'une campagne de contre-insurrection, est capable de faire : se concentrer sur la mission, sans trop d'états d'âme, trouver sa motivation dans ses propres rangs et dans le métier exercé, sans velléités politiques. Et avec un tempo opérationnel, des rotations hors du théâtre et des aménagements qui rendent la vie supportable. Rien à voir avec le cauchemar de 2 ans vécu par les conscrits soviétiques face aux moudjahiddins...

Aujourd'hui, les formations militaires occidentales engagées en Irak et en Afghanistan en sortent grandies : l'expérience acquise, les tactiques améliorées, la sélection effectuée, l'équipement éprouvé, l'interopérabilité accrue ou l'ouverture culturelle font bien plus que compenser les pertes subies en morts, blessés et traumatisés. Les commandants tactiques, les officiers subalternes et les sous-officiers en tirent un bénéfice personnel et institutionnel qui fera sentir ses effets ces 20 prochaines années, et qui permet déjà de mettre largement au rebut les conceptions et les habitudes héritées du face-à -face symétrique de la guerre froide. A tel point d'ailleurs que les armées non engagées dans ces opérations doivent aujourd'hui mettre les bouchées doubles, si j'ose écrire, pour ne pas prendre un retard qui réduirait à néant tout espoir d'interopérabilité.

Mais tout ceci reste largement suspendu au résultat perçu de la campagne. Ce que ne dit pas l'article sur les Russes et que je soupçonne fortement, c'est que le retrait d'Afghanistan effectué en fin de compte par l'Armée Rouge a pesé lourdement sur le psychisme des soldats. N'est-on pas prêt à davantage accepter les pertes, les blessures, les mutilations, bref les horreurs d'une guerre si celle-ci a été remportée, si le sacrifice est justifié par les effets obtenus ? Voilà qui fournit un éclairage différent sur la situation des troupes actuellement engagées, et sur l'importance d'un succès perçu comme tel. Voilà qui montre également les enjeux à plus long terme derrière la décision de poursuivre ou d'interrompre une campagne, et plus précisément de l'aptitude à durer.

Publié par Ludovic Monnerat le 28 décembre 2006 à 21:46

Commentaires

"A tel point d'ailleurs que les armées non engagées dans ces opérations doivent aujourd'hui mettre les bouchées doubles, si j'ose écrire, pour ne pas prendre un retard qui réduirait à néant tout espoir d'interopérabilité."

Je propose d'attaquer le Lichtenstein, sans déclaration de guerre ni mandat international bien entendu ;-)

Enfin, sympa pour les irakiens dont le pays sert, si j'ai bien compris, de terrain d'entraînement grandeur nature!

Publié par fass57 le 29 décembre 2006 à 0:58

"...Enfin, sympa pour les irakiens dont le pays sert, si j'ai bien compris, de terrain d'entraînement grandeur nature!..."

Vous donnez raison à ceux qui pensent que seules les Femmes peuvent faire plusieurs choses à la fois.

Heureusement que nos stratèges avaient un fort côté féminin car on serait toujours à la course à pied et au tire à la fronde ;-)

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 29 décembre 2006 à 2:42

Je ne pense pas que l'entraînement grandeur nature ait été la principale raison de l'opération "Iraqi Freedom" : ne mettons pas la charrue avant les chameaux ! :-)

Ceci dit, il est logique de se pencher sur l'expérience opérationnelle découlant de ces missions. On dit par exemple que l'Afghanistan depuis 2002 sont les "Jeux Olympiques" des forces spéciales...

Publié par Ludovic Monnerat le 29 décembre 2006 à 9:14

Effectivement :-)

Il serait en effet intéressant de connaître les vrais raisons de l'intervention contre l'Irak.

Sinon, je ne suis pas sûr que toutes les autorités militaires trouvent positif ce type d'engagement. Je pense évidemment à ces généraux US qui renaclent de plus en plus à voir leur armée gaspillée ou encore au chef d'état-major de l'armée britannique, très pessimiste quant à l'évolution sur ces théâtres d'opération.

Mais c'est vrai, l'expérience glanée dans ces conditions très dures sera peut-être utile dans le futur, avec notamment toute une génération d'officiers ayant connu le feu.

Publié par fass57 le 29 décembre 2006 à 12:06

Apparemment, selon cet article...

http://www.ft.com/cms/s/53c613d0-96b1-11db-8ba1-0000779e2340.html

... il semblerait que Colin Powell estime que l'armée américaine est "about broken" et que le général Abizaid aimerait bien quitter l'Irak autrement qu'accroché au patin d'un hélicoptère!

En outre, l'ancien président Ford avait critiqué l'actuel locataire de la Maison Blanche, en disant que l'invasion de l'Irak était "contraire aux intérêts nationaux".

Publié par fass57 le 29 décembre 2006 à 21:13

Mais il n'est de pire sourd qui ne veut entendre. Cela me rappelle étrangement les discussions sur la guerre du Vietnam. Je crois qu'il y a chez certains d'entre nous en Suisse une véritable religion de l'Amérique. Ses adeptes sont pour moi des gens qui doivent absolument sentir une Force Supérieure du Bien et c'est l'Amérique à leurs yeux. Et rien ne peut changer leurs convictions. Les arguments qu'on essaie de leur opposer sont pour eux immédiatement assimilés à des inventions des Forces du Mal. Du temps de la guerre du Vietnam, il y avait exactement les mêmes comportements aveugles.Tant pis pour eux.

Publié par Roland le 29 décembre 2006 à 21:50

En même temps, je suis curieux de voir quelle crédibilité on peut accorder aux somptueux crétins peuplant les écrans télés et les colonnes des journaux, sachant que ces types étaient aux commandes quand les problèmes que nous affrontons actuellement étaient en gestation, et qu'ils sont eux-même totalement dépassés par les bouleversements en cours.
Ces ignares masquent leur peur et leur incompétence sous une couche d'arrogance. Le rapport Baker en est un magnifique exemple. Tous les vieux cons des années 70-80-90 sont ressortis de la naphtaline et donnent des leçons à Bush sur des problèmes qu'ils ont contribué à créer et qu'ils seraient bien en peine de régler.

Publié par Stauffenberg le 29 décembre 2006 à 22:24

Je suis partisan que la politique du pire.
Les USA ne peuvent pas gagner la guerre contre les djihadistes en Irak, redonnant un sanctuaire à ceux ci?
Trés bien, demain, ils attaqueront l'Europe de plus belle, ouvrant les yeux des derniers naifs et permettant une réponse rigoureuse permettant de nous redonnant notre souveraineté politique sur notre sol historique.
Aprés analyse, il faut que la pression islamique devienne insupportable pour tout Européen , une pression qui doit montée plus rapidement que l'immigration/invasion que nous subissons.
L'Europe sera un trés bon terrain d'entrainement pour toute les armées de notre continent.
Y compris en Suisse, si j'ai bien compris.

Publié par Three piglets le 29 décembre 2006 à 22:34

Le fait marquant de l'année 2006 n'est pas que l'Amérique ne sache plus comment quitter Bagdad. Ce n'est pas non plus que les électeurs américains aient si bien compris la gravité de la situation qu'ils ont redonné le contrôle du Congrès aux démocrates. Ce n'est pas même que toute l'élite politique du pays ait sommé George Bush de réviser sa politique étrangère.

Ce qui marquera 2007 et bien d'autres années à venir, c'est le recul général de l'influence internationale des Etats-Unis. L'Amérique peut encore encourager l'Ethiopie à aller renverser des islamistes en Somalie mais, en douze mois, elle a dû avouer son impuissance devant la Corée du Nord, prendre son parti du basculement à gauche de l'Amérique latine, se contenter d'une fausse condamnation des ambitions nucléaires de l'Iran par le Conseil de sécurité et rester, désormais, bras croisés face au grand retour de la Russie.
Bernard Guetta, in " le Temps" d'aujourd'hui.
Bonne année...

Publié par Roland le 30 décembre 2006 à 11:15

Roland, nous sommes sur la même longueur d'ondes et je rappele que le fait que les USA interviennent par partenaires interposés est une politique qui a rncontré bcp de déboires: pour mémoire ce sont les USA qui ont soutenu de manière inconditionelle en leur temps les Talibans contre les Russes et Saddam Hussein contre les Iraniens. On sait ce qui en a résulté....

Publié par Ofrens le 30 décembre 2006 à 16:18

D'un point de vue "médiatique", j'ai franchement l'impression que la pendaison de Sadam Hussein soit une erreur, surtout le jour de l'aïd ? C'est une provocation ? Qu'en pensez-vous ?

Publié par Juan_Rico le 30 décembre 2006 à 20:06

Bonne question, difficile de faire plus maladroit en tout cas....

Publié par Ofrens le 30 décembre 2006 à 20:18

Cette situation est historiquement et politiquement très intéressante!

Cette situation bien pourrie nous a amené à réfléchir...

Dans un de nos clubs, nous avons récemment joué à un kriegspiel dont le thème était une France en cours de "normalisation islamique", avec un théatre de combat allant de Biarritz à Lille. Dans cette zone "Marron" , des troupes étrangères passées par l Italie et L'Espagne étaient en train de normaliser le pays conquis avec l aide d une cinquième colonne infiltrée et mal identifiée car mixte (anciens gauchistes alliés objectifs des islamistes venant d'Afrique du nord) , tandis que le pays "Bleu" Nord-Ouest, et Ouest de la France était en train de recevoir de l aide massive (Troupes aguerries et logistique) d outre Atlantique. Un Front était sur le point de s ouvir par l Est de la Bulgarie à Hambourg par des troupes Russes.
Un jet de dés avait fait tirer un ultimatum iranien par tir d armes nucléaires pour empêcher la libération des territoires conquis... Tandis q un autre jet de dés avaient fait sortir une insurrection massive non maîtrisée en Angleterre...

Cette simulation a été très intéressante, car en fait nous nous sommes rendus compte rapidement que nous ne possédons absolument pas la logique militaro-politique ni la mentalité de combattant adaptée à ce genre de confrontation.

Devant un "choc de civilisations " de ce type, il nous faudra un nouveau César ou un nouveau Napoléon avec des moyens logistiques dynamiques et lourds.
Tout en employant les méthodes de Massu en Algérie! Et cela à la puissance 100!!!

Eh oui! il n y a pas que dans les Etat-Majors que l on délire!!!

Publié par Ar Brezonneg le 30 décembre 2006 à 22:42

Ils ne pouvaient pas choisir meilleur moment. Le sacrifice de l'agneau si doux, au paradis il va pouvoir en gazer quelques uns une seconde fois. On va assister certainement à un boom de l'immigration stellaire dans les mois à venir ;-)

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 30 décembre 2006 à 22:51

@ ar Brezonneg : Vous jouez à Vinci ou à diplomacy ?
Pourriez-vous me conseiller un club par chez moi à Angers, (j'en cherche justement un, je suis un grand fan de jeux de plateau) ?
Vous pouvez me joindre via mon blog :
http://avenirdufutur.hautetfort.com

Publié par Juan_Rico le 30 décembre 2006 à 23:08

@ Juan_Rico

"Pourriez-vous me conseiller un club par chez moi à Angers, (j'en cherche justement un, je suis un grand fan de jeux de plateau) ?"

Il ne s agit pas de ces jeux de simulation informatique ou de "jeux réseau" en vogue!

Nous considérons qu ils sont trop "rigides", peu évolutifs. Ils ne correspondent pas assez à des situation "calibrées " de terrain car ne font que reprendre des situations historiques dejà très connues, des prodromes aux conséquences....

Non, ce genre de Kriegspiel auquel je fais allusion fait partie de ceux qui permettent d élaborer des "avenirs incertains" pour analyser à posteriori des enchainement stratégiques et tactiques tels que ceux que l on enseigne au CID! En fait, nous cherchons surtout à "entrevoir" des enchaînements probables et plausibles à partir d hypothèses de la réalité concrète. Par exemple, en prenant pour hypothèse un "cliché" de l état actuel d un système politique (société, Etat, etc...). C est un peu ce qui se faisaitt dans certaines "Think tanks" telles que Brooks, Rand et les autres, naguère!

L intérét de ces kriegspiels est d explorer des scénarii que certains ne veulent pas ou plus étudier car très politiquement incorrects!
Je rappelerai seulement qu'en 1940, l Armée française à perdu une première bataille car son Etat Major de l époque avait systématiquement refusé de se livrer à ces "jeux" auxquels les Officiers allemands se livraient depuis très longtemps!

Et notre drame à venir c'est que une fois de plus dans la guerre de Civilisations dans laquelle nous sommes impliqués, c'est que nous nous refusons à réfléchir de manière innovante sur nos méthodes par autosatisfaction et par pacifisme....

Si cela vous intéresse, dans votre ville je vous conseillerais seulement de rechercher (premier effort...) , puis de prendre contact (deuxième effort) avec d anciens officiers...

Publié par Ar Brezonneg le 31 décembre 2006 à 16:12