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24 juin 2006
Les identités et le football
D'aucuns ont beau l'appeler les jeux du cirque, je trouve bien davantage d'intérêt que cela au Mondial de football qui se déroule en ce moment. Ces derniers jours, le nombre de drapeaux suisses qui ornait les lieux que j'ai traversés a ainsi dépassé tout que j'avais pu voir par le passé à l'occasion d'une manifestation sportive ; de quoi se demander si le phénomène, justement, ne dépasse pas ce cadre. Est-ce qu'un sport aussi populaire que le football, autour duquel se cristallisent parfois des antagonismes nationaux, ne contribue pas à préserver les identités traditionnelles face à un monde qui tend à les morceler ? Est-ce que le parcours digne d'éloges de l'équipe suisse ne révèle-t-il pas, dans la réaction du public helvétique, les convictions d'une majorité silencieuse, par opposition aux péroraisons de la minorité façonnant en temps normal l'actualité ?
Publié par Ludovic Monnerat le 24 juin 2006 à 19:47
Commentaires
Bof, oui et non, tout est question de mesure... Pour moi qui suis à Londres, je peux dire que dans la classe moyenne intello centre gauche, toutes ces croix de St. Georges font un peu malaise car elle a longtemps été monopolisée par l'extrême-droite xénophobe (pour qui l'Union Jack, c'est déjà le multiculturalisme). Moi je trouve plutôt bienvenu de ne pas le lui laisser, et sympathique ce déploiement tant que ça se passe dans la bonne humeur. Il y a aussi quelques drapeaux brésiliens ou portuguais aux fenêtres ou sur les voitures, d'ailleurs.
D'un autre côté je trouve assez inappropriés les soupçons d'anti-patriotisme qui ont été émis à l'égard de l'Ecossais Gordon Brown, sommé d'afficher son soutien à l'équipe d'Angleterre (il ne s'est quand même pas crucifié en peinture, comme la pub avec Wayne Rooney qu'on a dû montrer dans les médias). Ou les annulations de vacances en Ecosse parce que le chef du gouvernement a fait de la provoc' en soutenant Trinidad et Tobago contre l'Angleterre...
Publié par François Brutsch le 24 juin 2006 à 20:30
Les mentalités ont évolué. Quand on pense qu'expo 02 avait banni tous les drapeaux suisses!
Le patriotisme n'est plus du tout ringard!
Publié par Sugus le 24 juin 2006 à 21:49
Aussi prononcé qu'il soit, dans un sens ou un autre, le phénomène est surtout très limité dans le temps. Celles et ceux qui ont partagé les joies sur une place publique ou un café ne se diront pas même bonjour d'ici deux mois. Une autre actualité à forte identification (tour de france, star academy, championnat de foot national, etc) aura eu raison de cette complicité que l'on retrouvera, c'est certain, au coup d'envoi de l'eurofoot à venir.
Publié par LolZ le 24 juin 2006 à 21:51
Les jeux du cirque défoulent et l'empire romain implose sous le poids des barbares! Il y a tant de similitudes...
Publié par elf le 24 juin 2006 à 22:25
l'équpe de foot de Suisse a l'air d'être composée de Suisses, ce qui semble normal...
mais dans l'équipe "de France", à part 2 ou 3 exceptions, il n'y a que des joueurs d'origine africaine (d'Afrique Noire ou du Nord)... jouant pour la plupart dans des clubs hors de France
et dans l'équipe du Togo, il y a des joueurs nés en France, vivant et jouant dans des clubs français !
de toutes façons, les joueurs "français" ne chantent pas la Marseillaise... ce que font avec ferveur les joueurs "togolais" vivant en France et satisfaits d'y être...
le XXI° siècle est différent du XX° et d'une certaine façon, ce n'est peut être pas plus mal...
Publié par JPC le 24 juin 2006 à 22:52
Quand j'entends patriotisme, je pense: amour, service et défense de mon pays, fierté de ses valeurs etc. malgré ses défauts. Idéal. Désintérêt.
Quand j'entends football (ou sport de compétition en général), je pense: chauvinisme d'un pays sans défaut. Canalisation salutaire du nationalisme le plus agressif. Défense d'intérêts particuliers (marché des droits de retransmission, etc.).
Mais je pense aussi bien sûr: beauté d'un spectacle, intelligence d'une stratégie, esprit d'équipe, ouverture au monde, complicité, réconciliation nationale, médiocrité transcendée.
Publié par Guillaume Barry le 24 juin 2006 à 23:43
"Est-ce que le parcours digne d'éloges de l'équipe suisse ne révèle-t-il pas, dans la réaction du public helvétique, les convictions d'une majorité silencieuse ... ?"
Il doit forcément avoir la réponse dans cette étude :)
http://www.unige.ch/ses/socio/news/documents/SOCIOGRAPH_1.pdf
dommage seulement qu'elle n'ait pas été rédigée dans une langue nationale....
Publié par Ti le 25 juin 2006 à 2:22
@JPC,
J'ose espérer que vous ne partagez pas les convictions profondes de Luis Aragones (Thierry Henry ce "Noir de merde"), quand bien même vos propos pourraient le faire penser.
Parce que franchement, selon vous, ça ressemble à quoi, un vrai Français, et avoir l'air Suisse, c'est être blanc ?
Ne vous en déplaise, si vous cherchez bien, vous verrez qu'il y a plus de joueurs naturalisés dans la Nati que dans l'équipe de France...
Publié par Damien le 25 juin 2006 à 3:04
Comme Damien pour JPC: le principe de la Coupe du Monde est de voir s'affronter des équipes composées exclusivement de ressortissants du pays. C'est pourquoi on les appelle "équipes nationales": par définition elles ne comptent aucun mercenaire étranger (mais certains Suisses de la Nati jouent ordinairement dans des clubs anglais).
Maintenant comment qualifier le fait de donner un certificat de bons Suisses à des ressortissants de l'ex-Yougoslavie naturalisés, mais de juger "Français" entre guillemets des Noirs ayant pourtant acquis cette nationalité par la naturalisation, la naissance en France (droit du sol, comme aux USA) voire tout simplement par leurs parents?
Publié par François Brutsch le 25 juin 2006 à 14:08
justement, le foot (et le sport en général) est un bon moyen pour aborder ces problèmes plus importants de "défense nationale"
comme LM l'a souvent souligné on se trouve maintenant dans une bataille des idées qui tourne autour de la défense de certaines valeurs
toute la problématique ancienne est transformée : les bons Français n'ont pas à se battre contre les Boches,
mais les gens qui vivent en France (ou en Suisse) doivent se battre contre un ennemi plus sournois, qui s'est déjà introduit chez nous, et qu'il faut combattre en faisant renaitre une identité nationale intégrée dans la défense du monde libre
en France, Ségolène sème la zizanie chez ses camarades en décriant cette perte d'identité nationale qui s'est accentuée avec l'arrèt de la conscription obligatoire
une personne d'origine aficaine peut être un bon Français... à condition d'adhérer aux valeurs de la France, ce qui n'est pas le cas pour beaucoup de personnes d'origine africaine en France (cf les émeutes des banlieues)
cette oeuvre contre nature qu'est l'Union Européenne aggrave tout en cherchant à détruire les identités nationales
un exemple : après les jeux, tout le monde faisait le décompte des médailles, mais seuls les eurocrates osaient prétendre que c'était l'UE qui obtenait le + de médailles ! alors que les Français, et les autres comptaient "leurs" médailles !!!
Publié par JPC le 25 juin 2006 à 15:38
Non. C'est juste du football. Puisqu'on est Suisses, on est pour les rouges. Et si les rouges (et blancs) gagnent, on est content. Et comme il y a (c'est l'aspect inquiétant) apparemment peu de raisons d'être content, on klaxonne. Tout le reste est de la récupération politique du sport dont l'histoire est à la fois longue et peu glorieuse.
Publié par Alex le 25 juin 2006 à 23:18
C'est parce qu'ils sont contents qu'ils klaxonnent?!? Donc, ces gens ne sont contents que 2-3 soirs toutes les 2 ans? Mazette!
Je me réjouis alors de ne pas en faire partie: j'ai bien plus de raisons d'être content et bien d'autres façons de le montrer!
Publié par LolZ le 26 juin 2006 à 0:27
Il ya des réserves de patriotisme insoupconnées dans nos pays. Les matchs de foot sont une de leurs seules occasions de se manifester sans être trop stigmatisées.
Publié par l'homme dans la lune le 26 juin 2006 à 1:03
Le patriotisme "petit drapeau - petit football" ferait bien de se transférer vers les urnes ou le service à la nation! J'en ai soupé de ces pseudo-patriotes qui se sentent suisses l'espace d'un mundial, à carburer à la cardoche et aux pommes-chips. Qu'ils aillent aussi accomplir ne serait-ce que leur devoir d'élécteurs. On ne va pas ici parler service militaire... Ca tiendrait de la science-fiction.
Vous l'avez compris, je hais cette fièvre hélvétique qui défèrlent sur la Suisse comme un rendu de lendemain d'hier!!
Publié par dahuvariable le 26 juin 2006 à 12:02
Nous sommes dans la dialectique proche/lointain. Contrairement à ce que nous racontent les hérauts du métissage et du confusionisme, les peuples ne semblent pas considérer que l'identité idéale est de ne pas en avoir ; et le football est un support (futile) des identités nationales.
Publié par F. Boizard le 26 juin 2006 à 20:23
Je viens d'arriver à Genève et j'ai traversé la ville pendant Suisse-Ukraine. Il y avait certes de l'ambiance dans les bistrots, mais pour les drapeaux, bernique (quelques coiffes d'Indien tout au plus)! Peut-être le Sonderfall? Rien à voir avec Londres en tout cas... ;-)
Publié par François Brutsch le 27 juin 2006 à 1:06
À Lucerne, plusieurs institutions offrent des retransmissions en direct sur de grands écrans disposés en différents lieux publics (KKL, gare, hôtels). La couleur rouge est très présente. Le Röstigraben, peut-être?
Publié par ajm le 27 juin 2006 à 6:54
Je n'ai pas entendu klaxonner, je suppose que la Suisse a perdu! Petites ambitions, petits résultats! J'aime pô l'foot!
Publié par dahuvariable le 27 juin 2006 à 8:39
Conversation ce matin entre Lucerne et Zurich:
Lucernois:
Es war aber schon sehr gut, dass die Schweizer es
soweit gebracht haben, finde ich. Und dass die Leute so rot-patriotisch mitvibriert haben. Super schön gsyy. Hät mer wörkli guet gfalle, als
Banause. :-)
Zurichois:
Ganz meine Meinung. Es ist isch würkli schön gsi was für ä Freud di eus gschenkt händ!!!
Amen.
Publié par ajm le 27 juin 2006 à 10:06
@ajm, j'aime bien les différences d'accent. ;-))
Publié par Sisyphe le 28 juin 2006 à 11:17
Moi aussi! Ces différences sont vraiment attendrissantes, quelque part - «heimelig» est le mot juste, je dirais. Elles ajoutent à la richesse culturelle d'un pays, et ainsi à la valeur de son patriotisme - elles contribuent donc en fait davantage à la cohésion d'une population que ne peut le faire une langue uniformisée. Je trouve.
Ainsi, c'était une grave erreur d'avoir à tel point enterré les dialectes en France, au profit d'un français urbanisé qui est aujourd'hui menacé par les pires sabirs de son histoire, car les gens aiment les dialectes - c'est humain. Et c'est une ânerie monumentale que commet l'instruction publique suisse aujourd'hui en répétant aveuglément cette erreur et en exigeant que seul le hochdeutsch soit utilisé dans les écoles alémaniques.
Publié par ajm le 28 juin 2006 à 11:45
A AJM :
C'est un point de vue très discutable...
Certains Alémaniques remarquent qu'il est parfois difficile de communiquer avec certains de leurs compatriotes. D'autre part, les dialectes peuvent également favoriser un repli sur soi, plutôt qu'une ouverture sur le monde. Un ami haut-valaisan m'a également raconté que dans le milieu économique, certains Alémaniques avaient de la peine à faire passer leurs idées auprès de collègues allemands, parce qu'ils ne maîtrisaient pas suffisamment le Hochdeutsch ou craignaient de mal s'exprimer (donc dans ce cas, le recours au dialecte est exclu).
Enfin, dans le contexte Suisse, si les Romands doivent faire un effort pour maîtriser l'allemand (Hochdeutsch - parce que plus profitable) les Alémaniques doivent également faire un pas dans notre direction. J'ai expérimenté à maintes fois ce système et je dois reconnaître que c'est un bon compromis. Dans ce cadre, je suis d'avis que l'apprentissage du Hochdeutsch est à la fois utile et nécessaire!
Il ne s'agit pas de gommer les particularismes, mais de favoriser la communication.
Alex
Publié par Alex le 28 juin 2006 à 13:40
Les Alémaniques que je connais (je vis parmi eux depuis plus de trente ans - mes enfants sont «suisses-allemands») n'ont jamais émis ce genre de remarques en termes de «manque de compréhension». Quelques patois (notamment haut-valaisans et grisonnais) exceptés, parce qu'ils résultent d'un mélange de langues et/ou d'un isolement excessif, les dialectes alémaniques sont tous interchangeables pour ce qui est de la compréhension. Les Suisses, à ce niveau aussi, sont très volontiers raisonnables.
Il y a quelques émissions de radio (alémanique) qui se penchent sur les différences vraiment marquées, sur les termes et expressions propres à certaines régions, qui donnent la parole à des gens qui ont soigné leur dialecte jusqu'à faire un spectacle en soi d'expressions sinon communes. Elles ont un grand succès, autant que je puisse en juger. Bientôt, dans 20 ans, tout cela aura disparu, comme en France, et il ne restera que ce «haut allemand» suisse bizarre, que les Allemands prennent de toute manière pour du suisse-allemand. Triste.
Ce que vous dites provient de préjugés romands du siècle passé, ou de celui d'avant. Aujourd'hui, tous les Suisses-alémaniques qui ont quoi que ce soit à faire dans «le milieu économique» s'expriment sans problème en bon allemand, quoiqu'avec un accent «suisse». Mais en fait, à part au nord, où les Allemands cultivent un staccato de très haute tenue, les Allemands aussi parlent leur dialecte ensemble et ceux du Sud de l'Allemagne peuvent fort bien être confondus avec les dialectes suisses. Et il est d'ailleurs même considéré comme de mauvais aloi, pour un Suisse, d'imiter trop parfaitement un accent allemand. Et ce risque augmente à mesure que l'on s'éloigne de son propre accent, lequel, en Suisse, correspond à un dialecte.
Si les Romands préfèrent l'allemand au suisse-allemand, c'est leur choix, ou leur problème. Ou du moins ce devrait l'être. J'ai moi aussi vécu souvent ces situations si embarrassantes où des Suisses se contraignent, par politesse, à parler un allemand scolaire et simplifié pour faire croire à des Romands qu'ils savent leur langue. Il y a des exceptions bien sûr - le Parlement, les hautes écoles, la diplomatie - mais d'une manière générale, le dialecte accompagne partout la détente, l'entente, l'harmonie, la bonne humeur, l'émotion, la fraternité. En Suisse, et ailleurs. Et ce n'est pas par hasard.
Sacrifier la pratique de dialectes gomme bien davantage que des particularismes, c'est une moins-value d'humanité.
Publié par ajm le 28 juin 2006 à 16:04
"Ce que vous dites provient de préjugés romands du siècle passé". Propos raporté par un camarade alémanique actif dans les milieux de l'économie baloise...
Ce n'est pas un préjugé, mais parfois une réalité !
Autre fait rapporté par un ami, pilote cette fois, qui indiquait que certains membres du personnel au sol de Kloten n'étaient pas capables (ou ne voulaient pas) s'exprimer dans une autre langue que le Schweizerdeutsch. Expérience plus ou moins similaire racontée par une connaissance arrivant bien plus tard que prévu à Kloten. Des expériences vraiment UNIQUE!!
Personnellement, si je condamne cette attitude, je remercie les Alémaniques qui font l'effort de parler le bon allemand. La cohésion du pays passe aussi par là .
Alex
Publié par Alex le 28 juin 2006 à 17:17
Ah. C'est le même effet que décrit Bruce Bawer, un New-Yorkais vivant en Europe, dans son dernier livre (While Europe Slept). De même que les Américains, sachant que les Européens les prennent volontiers pour des incultes (même s'ils détiennent un doctorat, comme Bawer), jouent le jeu et lâchent dans la conversation de petites phrases qui confirment ces préjugés pour mettre à l'aise leurs interlocuteurs européens, votre camarade alémanique, remarquant que vous n'étiez pas à l'aise avec son dialecte, vous rassurait en vous disant que même lui, parfois, il a de la peine!
Et cela peut arriver bien sûr. Tenez, moi, qui me débrouille pas trop mal en français, pas plus tard que cet après-midi, j'ai totalement calé devant la demande de ma fille de 12 ans qui voulait savoir ce que disait un chanteur français passant à la radio.
Il y a certes des gens, dont le suisse-allemand, en l'occurrence, est peut-être la deuxième ou troisième langue, d'ailleurs, qui se refusent à parler le bon allemand en plus. Et c'est regrettable. Mais personnellement, Alex, je ne vous remercie pas de ne pas faire l'effort d'apprendre le dialecte usuel des deux tiers de vos compatriotes.
Publié par ajm le 28 juin 2006 à 17:58
« votre camarade alémanique, remarquant que vous n'étiez pas à l'aise avec son dialecte, vous rassurait en vous disant que même lui, parfois, il a de la peine! »
S'il vou plait arrêtez de faire de l'interprétation abusive. Ce dernier, parfaitement bilingue, est un ami d'enfance!
Alex
Publié par Alex le 29 juin 2006 à 8:42
Ah, dans ce cas, je m'incline volontiers, bien sûr.
Publié par ajm le 29 juin 2006 à 10:12
Merci
Publié par Alex le 29 juin 2006 à 10:30
de rien
Publié par ajm le 29 juin 2006 à 10:40