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7 juin 2006
La belligérance médiatique
Le rôle des médias dans les conflits de notre ère a été analysé hier par François Brutsch, sur Un Swissroll ; il montre ainsi les deux méthodes revenant à "donner des armes à l'adversaire", soit la trahison de ses propres valeurs (ressembler à l'autre) d'une part, et la négation du combat à mener (oublier l'autre) d'autre part. Pour François, "l'esprit critique doit aussi veiller à ne pas se laisser instrumentaliser par l'adversaire, ni manipuler par le combat politique mené de l'intérieur". Il s'agit bien entendu là d'une pensée corrosive, puisque nous vivons dans des sociétés où l'esprit critique, souvent ressenti comme individualiste et frondeur, est tenu en très haute estime, voire même en adoration. Affirmer que l'obéissance doit parfois prendre le pas sur la liberté est rare à un tel sujet, et pourtant nécessaire.
Pour ma part, j'irai plus loin encore : dans la mesure où la plupart des conflits qui impliquent des démocraties reposent sur les opinions publiques, les acteurs affectant celles-ci de façon délibérée ont automatiquement, qu'ils l'acceptent ou non, le statut de belligérant. Les Etats, les ONG, les médias, les entreprises privées luttent pour la conquête des esprits au même titre que les armées, les réseaux terroristes ou les guérillas. En d'autres termes, tous portent une responsabilité dans le sens véhiculé par leurs actions, leurs déclarations, ou même leur inaction et leur silence. Dès lors que la décision ne peut plus être emportée sur le champ de bataille, puisque celui-ci s'est élargi aux sociétés entières, nous sommes tous devenus à la fois cibles et vecteurs, victimes et acteurs, concitoyens du village global, commensaux à la table de l'espèce humaine. A jamais privés de l'innocence que donnent l'isolement et l'ignorance.
Dans ce contexte, il est surprenant que les médias n'aient pas encore pris acte de leur influence et de leur responsabilité pour remettre en cause leur héritage déontologique, alors même que s'orienter à nouveau vers l'objectivité et la neutralité est à ce prix. Il est vrai que la concurrence des supports et l'immanence de l'information s'opposent à de telles réflexions de fond. Mais considérer le statut de belligérant que leur a conféré de fait l'évolution de la société devrait être la première étape d'une telle démarche.
Publié par Ludovic Monnerat le 7 juin 2006 à 21:11
Commentaires
Les opinions publiques sont effectivement un point central des conflit où des démocraties sont impliquées.
L'offensive du Tet, bien qu'une défaite cuisante militairement pour Giap, fut une victoire de la guerre psychologique sur le peuple américain. Ce fut le début du désengagement des USA du Vietnam.
Toujours à propos de la guerre psychologique, un excellent article
Guantanamo : pour en terminer avec la propagande anti-américaine
http://www.lefigaro.fr/debats/20060607.FIG000000235_guantanamo_pour_en_terminer_avec_la_propagande_anti_americaine.html
Publié par Mikhaël le 7 juin 2006 à 22:52
Lorsque des francs-tireurs français, sortes de fantassins-corsaires se battirent contre la Prusse durant la guerre 1870-71, cette dernière leur refusa le statut de combattant.
Puis une telle reconnaissance advint plus tard, en droit international, à condition de porter des signes distinctifs visibles de loin et d'être sous commandement également affiché.
Mais ces belligérants de l'opinion sont les corsaires de qui? Voire même, les pirates de quelle barbaresque?
De deux choses l'une:
- soit ils arborent officiellement les couleurs de l'ennemi et ils sont certes des traitres mais pourraient bénéficier de l'esprit des conventions de Genève. Ils pourraient donc continuer de travailler mais au sein de rubriques spéciales. On pourrait s'inspirer en cela du droit de la presse classique qui impose par exemple que la publicité dite "rédactionnelle" fasse l'objet d'un marquage particulier du mot "publicité", afin de ne pas induire le lecteur en erreur sur le caractère faussement "informationnel" d'une telle rubique.
Soit ils refusent de se signaler et basculent alors dans le côté obscur des combattants illégaux de la publicité mensongère et/ou illicite: on leur retire alors leur carte de presse, le droit de s'exprimer (donc de se battre contre leur camp) jusqu'à ce qu'ils s'affichent officiellement et on leur fait payer une amende salée entre-temps pour avoir induit en erreur le citoyen sur le caractère "informationnel" de leur propagande traitresse :-)
Reste à savoir si le public et le pouvoir qui le représente n'a pas lui non plus déjà basculé... Auquel cas ce serait nous les francs-tireurs...
Publié par louis le 8 juin 2006 à 6:55
L' esprit critique, adoré dans notre société ? Faux ! La preuve, ce blog et les opinions qu' il transmet est-il adoré ?
L' esprit critique, actuellement, en gros, consiste à refuser le politiquement correct et les diverses manipulations médiatiques. Ce n' est pas très "adoré" semble-t'il.
Publié par Arnaud le 8 juin 2006 à 12:45
Aussi longtemps que la mission des médias sera de faire des ventes et de l'audimat en lieu et place d'une information impartiale, objective et neutre, dénuée de toute prétention financière et/ou politique, nous assisterons malheureusement à une croissance générale de la propagande institutionnelle qui a pour seul but de contrôler le peuple par le régime de la phobie. Un jour c'est les musulmans, le suivant les oiseaux avec la grippe aviaire ou les chiens de plus de 10 kilos, les particules fines, le cholestérol, le réchauffement de la planète, les coûts de notre chère Armée et j'en passe et des meilleures.
Le seul moyen de contrer ce flux massif d'intoxication est de changer le discernement de tout un chacun et de faire comprendre, qu'on ne doit croire rien de ce que on entend et seulement la moitié de ce que on voit !. Etre critique et rechercher le fond de tout sujet est la meilleure défense contre le lavage de cerveau général. Malheureusement cet esprit critique et tout sauf « adoré ».
Publié par Paris le 8 juin 2006 à 14:00
@Paris
Vous évoquez la "phobie des musulmans" ou celle de l'islam?
Publié par louis le 8 juin 2006 à 19:56
Malheureusement le commun des mortels ne fait pas la distinction entre un musulman et un islamiste et cela à cause de cette désinformation générale.
Publié par Paris le 11 juin 2006 à 20:38