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24 février 2006
Troupes légères au XVIIIe siècle
Le troisième exposé du symposium, « L'impact de la guerre sur la population locale au XVIIIe siècle », a été présenté par Sandrine Picaud, agrégée d'histoire et docteur en histoire.
La discipline des troupes au milieu du XVIIIe siècle, et leurs interactions avec les populations, est examinée à l'époque de la Guerre de Succession d'Autriche, en Flandre, et notamment dans le Comté de Haynaut.
Subir
Les populations avaient en particulier la crainte des hussards et des troupes légères ; ils voyaient les détachements qui partaient à la guerre, qui traversaient leurs villages, qui s'y barricadaient et qui y combattaient. Les « partis de guerres », petits détachements légers, étaient ce que les gens voyaient de la guerre. Ce que l'on appelait la « maraude » ou « butiner » était le fléau des armées, et les « partisans » (commandants d'un parti) pouvaient tirer profit de ces activités pour attaquer l'ennemi. Les habitants subissaient également des rétorsions, comme la prise d'otages (le maire et ses adjoints, bourgmestre et échevins) afin d'assurer l'exactitude des renseignements ou le silence sur le passage de la troupe. Enfin, il existait des « exécutions militaires », soit des représailles : saccages, pillages, déprédations contre les maisons des récalcitrants, voire des villages entiers.
Collaborer
Outre ces violences calculées, il existait aussi des exigences reconnues dans le « droit » de la guerre de l'époque. Il était ainsi admis de prélever des contributions sur le pays conquis ou sur les pays dominés par l'ennemi, et ceci assurait les fournitures des armées ; on prélevait fourrage, chariots, bœufs et vivres divers. Les troupes légères et hussards, par détachements, allaient dans les villages concernés, remettaient des « bulletins de versements » (qui précisaient les quantités attendues et les délais fixés). Il y avait également une mise à contribution de la population sous la forme de guides et d'espions à fournir, afin de se renseigner sur le pays comme sur l'ennemi. Des troupes légères étaient également employées pour l'acquisition de renseignements, mais le recours à des espions permettait d'économiser ces troupes. Enfin, on pouvait exiger des habitants des travaux de terrassement, les réquisitionner pour fortifier des positions, et bien entendu pour loger les troupes ; dans ce dernier cas, la discipline était plus difficile à maintenir, et seuls les quartiers d'hiver (15 octobre - 15 mai) voyaient régulièrement une telle pratique.
Réagir
Etait-il possible de réagir aux excès commis par les troupes ? Des villages ont parfois refusé d'obéir à de nouvelles juridictions ; des prises d'armes ont eu lieu, comme en février 1746 à Louvain. Les habitants étaient en théorie soumis à des « lettres de sauvegarde », qui devaient les garantir contre des exactions ; en fait, on les distribuait contre une taxe, et elles ne protégeaient de rien du tout. A l'époque, civils et militaires étaient distingués, et les particuliers n'avaient pas le droit de prendre les armes ; les prévôts militaires pouvaient les condamner à mort dans ce cas. Par ailleurs, les contributions exigées faisaient l'objet de « placards », affiches posées sur les portes avec les montants fixés. Mais les mentalités évoluent dès le milieu du XVIIIe siècle, et les auteurs militaires recommandent alors clémence et humanité envers les populations, afin que celles-ci soient plus enclines à aider les troupes - notamment en fournissant des renseignements.
Publié par Ludovic Monnerat le 24 février 2006 à 8:58
Commentaires
A ce que j'ai appris à la NATO School, il y a dorénavant le National Host Support, qui ne diffère pas drastiquement de ce que tu présentes dans ce billet, en termes de support logisitique de la part de l'hôte.
En termes de "mauvais comportement", on voit encore de tout de nos jours, même avec les armées sensées être les mieux drillées. Les coups de crosses gratuits, les exécutions sommaires, etc sont encore monnaie courante, mais il n'y a jamais de caméra pour le notifier.
La Guerre, dans ces divers concepts, n'évole en fait pas tellement, c'est juste le cadre "de bonne conscience" qui donne une nouvelle dimension, non??
Publié par dahuvariable le 24 février 2006 à 10:18
"Etait-il possible de réagir aux excès commis par les troupes ? "
Difficile pour les villages, la légende des "7 mercenaires" de Kurosawa relève de la fiction.
Mais pour ce qui est des villes importantes, il existe des exemples, dont un, à la charnière du Moyen-Age et de la Renaissance. La scène se déroule en la "bonne ville de Lyon" (titre accordé aux cités acceptant de prêter de l'or au roi pour financer ses campagnes). L'époque est celle des guerres d'Italie. Charles VIII, à moins que ce ne soit Louis XII (ma mémoire... ;) ) s'apprête à descendre une fois encore et il fait concentrer des troupes dans la vallée du rhône, en attendant de leur faire franchir les Alpes. Lyon a alors le privilège de recevoir la visite d'une troupe de Lansquenets. Ces derniers, comme à leur habitude, se livrent à toutes sortes d'excès de jeux, rixes, boissons, jusquà lasser certains habitants qui, furieux, prennent les armes pour corriger et chasser de leur bonne ville, cette horde de sacs à vin. Ce qu'ils font manu militari... poursuivant avec ire les lansquenets, dont plusieurs attardés/avinés feront l'objet de lynchage. Les autres ne demandent pas leur reste et s'enfuient, laissant armes et bagages en pestant sans doute sur la susceptibilité de ses bourgeois belliqueux et méditant sur l'évolution des lois de la guerre et de l'hospitalité.
(Bien qu'ils n'eurent probablement pas l'occasion et le plaisir d'en débattre en symposium ;) )
La scène est relatée dans les chroniques de la Ville, consultables sur micro-fiches aux archives du quartier Saint-Jean.
Moins anecdotique en revanche est l'histoire des ombrageuses cités flamandes dont les ligues de marchands n'eurent de cesse de défier régulièrement tant le pouvoir royal français que celui des ducs de Bourgogne. Des épisodes sanglants, tantôt pour les uns, tantôt pour les autres, trouvèrent comme décors les murs de Bruges, Lièges etc.
Mais il est vrai qu'avec la centralisation accrue des états nations au cours du XVII, la donne devint différente et les rapports de forces nécessairement favorables aux monarques et à leurs troupes. Ce qu'illustre les faits décrits dans votre billet.
Publié par Winkelried le 24 février 2006 à 22:31
A variable : Bon, mais le HNS suppose un accord standard sur la présence des forces armées étrangères (Status of Forces Agreement, éventuellement un Technical Agreement suffit), qui précise exactement les droits et les devoirs des troupes ainsi acceptées. Il n'est pas rare que la nation hôte interdise la sortie en uniforme - hors service bien sûr - des soldats. Nous sommes donc très éloignés de la situation décrite dans l'exposé, puisque la réquisition et la juridiction militaire notamment sont exclues.
Publié par Ludovic Monnerat le 24 février 2006 à 23:29