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19 février 2006
Le problème des sous-munitions
La Belgique est devenu cette semaine le premier pays à introduire une loi interdisant les armes à sous-munitions, avec un vote de la Chambre survenant 3 mois après celui du Sénat ; une seconde loi sera certes votée pour promulguer des exceptions sauvegardant des intérêts industriels et autoriser certaines munitions intelligentes, mais il s'agit néanmoins d'une victoire pour la coalition d'organisations non gouvernementales qui a lancé voici plus de 2 ans une campagne allant dans ce sens. La capacité d'influence des ONG de type humanitaire/pacifiste, avec leurs relais dans les médias, le milieu académique ou le monde du show-business, est donc démontrée ; le délai nécessaire à la diffusion d'un message moral et à l'altération des perceptions est un facteur intéressant.
Apparemment, les débats parlementaires belges n'ont pas vraiment traité la question militaire, et ce sont des préoccupations économiques qui ont imposé de réduire la portée de la loi. En d'autres termes, la nécessité militaire en général des armes à sous-munitions, contestée par les ONG, n'est pas un aspect prioritaire d'une démarche mettant systématiquement en avant l'aspect émotionnel et éthique des victimes, si possible enfantines. Dans la droite ligne du Traité d'Ottawa sur les mines antipersonnel, les armées occidentales se voient donc menacées de perdre une nouvelle palette d'armes. Combinée à celle visant à contraindre les nations de retirer les restes explosifs des guerres sur les territoires qu'elles contrôlent, cette démarche renforce le désarmement unilatéral des Etats européens. Sans prêter une attention particulière à leurs besoins futurs.
La raison d'être des sous-munitions consiste à permettre au petit nombre de combattre la multitude ; leur développement a été intense durant la guerre froide, notamment avec la création de systèmes multipliant la puissance de feu grâce à la miniaturisation. En combinant précision et saturation, ces armes sont capables d'infliger des pertes énormes à un adversaire concentré, mais leur pourcentage de ratés occasionne un danger au-delà de la frappe - ce qui leur vaut la campagne lancée contre eux. Toutefois, depuis une quinzaine d'années sont apparues des sous-munitions intelligentes, en nombre nettement inférieur par projectile et capables de s'autodiriger vers une cible telle qu'un véhicule blindé ; ce sont précisément de telles armes qui vont être exemptées de la loi belge.
Dans plusieurs pays, la discussion sur les sous-munitions tente de prendre en compte le pourcentage de ratés par projectile ; c'est le cas en Suisse (voir cet article du Temps repris ici), dont l'industrie d'armement est capable de produire des obus cargo ayant un taux de défectuosité égal à 2%, mais où une initiative parlementaire visant à interdire toute arme à sous-munitions a également été lancée - là aussi sans prise en compte de la nécessité militaire. On constate d'ailleurs dans mon pays une certaine schizophrénie, puisque le gouvernement finance le site des ONG luttant sans discrimination contre les sous-munitions, alors même que l'armée a acheté ces dernières années des armes à sous-munitions de différents types - obus cargo 88, 90 et 99 à sous-munitions non guidées, obus d'artillerie (Smart) et de lance-mines (Strix) à sous-munitions guidées.
Quels sont les besoins réels des armées ces 15 à 20 prochaines années ? Si les armes de saturation du type lance-fusées multiples ne correspondent plus aux effectifs et aux doctrines d'emploi des armées existant en Europe, les possibilités d'emploi en-dehors du continent européen sont bien réelles (les MLRS sont engagés aujourd'hui en Irak), mais laissent penser que des armes conventionnelles - obus, roquettes et bombes - peuvent tout à fait suffire. En revanche, les armes de précision à sous-munitions antichars sont un pilier des doctrines de défense modernes, et la capacité de frappe verticale sur des véhicules blindés restera un élément très dissuasif jusqu'au développement d'une nouvelle génération de chars. Par conséquent, une démarche raisonnable pour résoudre le problème en limitant drastiquement les risques pour les non combattants sans désarmer inconsciemment les armées consisterait à interdire les sous-munitions antipersonnel classiques et à autoriser les sous-munitions antichars intelligentes.
Si avec cela je n'obtiens pas un contrat de consultant au profit de parlementaires belges, c'est à désespérer du réseau ! ;-)
Publié par Ludovic Monnerat le 19 février 2006 à 11:27
Commentaires
"La raison d'être des sous-munitions consiste à permettre au petit nombre de combattre la multitude"
C'est bien pourquoi les armées européennes en ont besoin et les ont développé.
Le but des ONG est sans doute à terme d'interdir toutes les armes et les militaires qui les utilisent.
Il serait par ailleurs dommage de s'en priver lors de "notre" opération en Iran. Je suis certain que ces sous munitions intelligentes contribueraient largement à neutraliser les T 72s dernièrement acquis par Téhéran, tout en limitant la casse parmis les hommes de la coalition...si c'est pas de l'humanitaire ça ! ;)
Publié par Winkelried le 19 février 2006 à 14:32
Ce qui ressort de ces interdictions, finalement, c'est la limitation de notre capacité militaire, au profit de nos adversaires, qui, eux, ne s'auto-limitent pas sur base morale.
A terme, cela procurera un avantage certain à un ennemi moins scrupuleux et bien-pensant que l'Europe. Je trouve cela fort dangereux. A force de retirer des cordes à son arc, consitue-t-il toujours une arme?
La qustion à se poser aussi, en termes opérationnels, est celle du remplacement de ces munitions. En effet, saturer une zone avec un seul projectile va maintenant devoir être remplacé par une saturation bien plus violente, puisque réalisée avec des obus plus "traditionnels", dont l'aire d'effet fait aussi partie du relativement prévisible. Certes, le pourcentage de ratés sera inférieur, mais au final, la destruction engendrée n'est-elle pas moins contrôlée ?
Publié par Ares le 19 février 2006 à 14:35
En fait, le problème en Belgique est précisément celui de la consultance. C'est, semble-t-il le GRIP (militant pacifiste et très proche des ONG ayant lancé la campagne) qui a conseillé les partis verts et socialistes (au vu d'affaires précédentes, pour généralement cher...)... Et comme la légitimité scientifique du GRIP est au moins aussi douteuse que sa capacité à discnerner l'essentiel de l'accessoire...
Publié par Ding a ling le 19 février 2006 à 14:36
En étant en Croatie, j'ai rencontré moult pêcheurs qui avaient pris dans leur filet, les bomblettes de diverses bombes "jettisonnées" par des jets en approche des portes-avions, lors des raids sur la Serbie en 1999.
Certains de ces fiers pêcheurs n'étaient pas beau à voir!
Mais il est vrai que certaines options ne doivent pas être négligées...
http://www.icrc.org/web/eng/siteeng0.nsf/htmlall/p0780/$File/ICRC_002_0780.PDF?Open
Publié par dahuvariable le 19 février 2006 à 15:09
A Winkelried : C'est entre autres ce que j'avais en tête en parfois d'emploi en-dehors d'Europe ; face aux armées encore équipées à la soviétique (Iran, Syrie - le nombre est sérieusement réduit depuis quelques temps), ces munitions sont très utiles. Mais elles peuvent être remplacées ; à voir, comme le dit Arès, si leur remplacement ne fait pas plus de dégât tout de suite...
Publié par Ludovic Monnerat le 19 février 2006 à 16:22
je doute que les USA suppriment jamais les sous-munitions de leur arsenal
Publié par Blogbrailleur le 20 février 2006 à 21:47
Euh, Blogbrailleur, je ne suis pas sûr de vous suivre ; j'espère bien que MON pays ne supprimera jamais les sous-munitions de son arsenal, en l'occurrence les obus intelligents que l'on a achetés ou produits ces dernières années !
Publié par Ludovic Monnerat le 20 février 2006 à 22:31
je l'espère pour vous et pour mon pays la France aussi Ludovic. Disons que je mettais juste l'accent sur le fait que tous ces groupes de pression anti-mines, anti sous-munitions, anti-nucléaire, anti-armes en fait, s'attaquaient en fait assez peu souvent au roi en la matière les USA alors qu'elles n'arrêtaient pas de harceler les vassaux (au sens de la thèse de Zbigniew Brzezinski) de ces mêmes USA. Faut-il y voir le pur hasard, un manque de courage à l'égard d'un gros morceau à avaler ou une relation de cause à effet ? Mystère.
Publié par Blogbrailleur le 21 février 2006 à 23:12