« Les Soviétiques et le goulag | Accueil | L'armée en Pologne (1981-83) »
24 février 2006
La France et les invasions
Le septième exposé, « La population française face à l'invasion : 1814-1870-1914-1940 », a été présenté par Jean-Jacques Langendorf, que je juge inutile de décrire plus en détail étant donné sa renommée.
Pour Clausewitz, la guerre est également un commerce ; la relation entre l'armée qui attaque et celle qui défend devient très vite une relation entre l'envahisseur et la population. Et une armée qui envahit ne peut en aucune manière se passer de cette population. Une relation particulière, des règles particulières s'établissent.
En vue de l'invasion, c'est-à -dire entre le moment où l'armée prussienne/bavaroise/allemande franchit la frontière et investit Paris - entre 6 semaines et 2 mois, sauf en 1914 -, les armées sont bien conscientes de la nécessité de se ménager l'appui de la population. En 1814, l'armée prussienne publie des journaux de campagne toutes les 2 ou 3 semaines qui deviennent de plus en plus doux au sujet de la France au fur et à mesure que l'offensive avance ; on présente la guerre comme étant contre Napoléon, et non contre les Français. Malgré cela, une guérilla s'organise dans les forêts, qui provoque une contre-guérilla impitoyable.
En 1870, les Prussiens appliquent la méthode suivante face à une ville abandonnée par l'armée française (notamment vue à Etretat) : le premier jour, 3-4 Uhlans se présentent, font le tour de la ville, vérifient la topographie du lieu ; le lendemain, ils reviennent plus nombreux, avec un officier supérieur, et convoquent le maire pour fixer les réquisitions et les gites. Ils affichent la proclamation de Moltke : « en cas de destruction et de sabotage, la peine de mort sera après jugement immédiatement exécutée ». Cette invasion a été relativement correcte.
En 1914-18, les choses se renouvellent : la crainte des Allemands est le partisan, l'interruption des lignes de communication, la peur d'un soulèvement à l'arrière. Malgré les images de propagande très fortes publiées à l'époque, les représailles allemandes avaient été réelles et violentes, mais très organisée.
En mai-juin 1940, la Wehrmacht reçoit des instructions très strictes de ne pas toucher à la population et d'éviter un reflux massif vers le sud ; la population doit rester sur place, pour des raisons économiques avant tout. Dès le 10 juin, les postes radio allemands situés près de la frontière émettent en français pour inciter la population à rester chez elle, et des tracts sont distribués dans le même but. Face à l'exode en cours, la Wehrmacht reçoit l'ordre de tout faire pour que les réfugiés reviennent chez eux, et se mettent à profiter à l'effort de guerre allemand. La correction des Allemands fait d'ailleurs l'objet d'une surprise ; très peu d'activités de franc-tireurs sont signalées : 100 cas, dont 60 de maltraitements de prisonniers ; 2 graves, dont le massacre par des paysans français - ensuite exécutés - de l'équipage d'un bombardier allemand.
Quatre campagnes différentes, quatre attitudes différentes ; plus on avance dans l'histoire, moins la population est terrorisée, peut-être pour mieux la terroriser après en vue de servir l'effort de guerre.
Publié par Ludovic Monnerat le 24 février 2006 à 11:30
Commentaires
La politique allemande de 1939, visant à "fixer" les populations sur place dans le but d'en exploiter les capacités économiques est dans un premier temps un échec. Des foules de "réfugiés" se ruent sur tous les axes du Nord de la France pour fuir l'avance de la Wehrmacht. Ce qui lui fournit d'ailleurs un avantage tactique peut être imprévu sur une armée française déjà peu mobile, mais qui éprouve alors les pires difficultés à "manoeuvrer" sur des routes saturées de fuyards.
Pour ce qui touche à la "correction des Allemands", il est clair que les soldats avient reçus des consignes très strictes en la matière et que les officiers veillaient au respect de ses dernières jusqu'en 1942. L'Opération Torche, l'invasion de la zone libre, puis l'accumulation des premiers revers militaires contribuérent à changer la donne, cette "correction" alla s'amenuisant, jusqu'aux actes criminels que l'on sait. On peut aussi mettre en avant une révolte croissante des populations, liée au sentiment de vulnérabilité dès lors supposé du soldat allemand jusqu'alors considéré "invincible". On sait aussi à quels excès odieux purent se livrer des "résistants", suscitant le cycle infernal des attentats et des représailles.
Enfin, pour rejoindre le thème de la propagande et de la désinformation, notamment en 1914, il convient de souligner les contre-mesures françaises pour suciter chez les populations belges et celles du nord de la france, une véritable peur/haine du "prussien" et ainsi tenter compromettre toute chance de "collaboration" entre les civiles occupés et les troupes allemandes.
Les rumeurs les plus folles circulaient, affirmant que les allemands coupaient les mains des petits enfants etc.
"plus on avance dans l'histoire, moins la population est terrorisée, peut-être pour mieux la terroriser après en vue de servir l'effort de guerre".
Souhaitons qu'on en reste à quatre avec nos voisins et désormais incontournables amis. Notre quota d'absurdités doit sans doute être épuisé en ce domaine.
Publié par Winkelried le 24 février 2006 à 20:44