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7 janvier 2006
Iran : planification d'emploi (3)
Ce qui est difficile à représenter ici, c'est que dans une vraie planification les travaux se font en parallèle et que des briefings rassemblent régulièrement les planificateurs pour synchroniser leurs activités, fournir de nouvelles informations ou donner des directives adaptées. Jusqu'ici, à l'initiative du soussigné, on s'est focalisé sur le concept opératif (traduction de operational design), qui fournit la vue d'ensemble de l'opération. Il s'agit de faire un troisième pas dans cet élément, puis ensuite de passer à des activités plus analytiques que conceptuelles, pour y revenir avec l'articulation des tâches en fonction des points décisifs. C'est donc un processus itératif : on peut revenir sur certaines choses décidées ou acceptées si l'on se rend compte qu'en fait elles ne conviennent pas.
Cette troisième étape consiste à déterminer les centres de gravité. Dans le cas de l'Iran, les discussions déjà menées concourent largement à préciser les vues en la matière, mais il faut néanmoins s'interroger. Quel est le pivot de la puissance iranienne qu'il s'agit absolument de faire basculer si nous voulons à la fois stopper le programme nucléaire, neutraliser le régime des mollahs et favoriser un changement de ce régime ? Quelle chose, matérielle ou non, s'oppose à ces effets à la fois physiques, psychologiques et éthiques que notre opération doit déployer pour atteindre ses objectifs ? Quelle partie de l'Iran est décisive pour l'atteinte de ses objectifs probables, dont les plus importants sont l'acquisition de l'arme nucléaire et le contrôle intégral du pouvoir ?
A mon sens, le point de convergence entre la protection du programme nucléaire, le pouvoir du régime actuel et son contrôle de la population est certainement sa capacité sécuritaire, répressive, dissuasive et manipulatrice. C'est la force de tout système autocratique que de viser au monopole des armes et de l'information, mais aussi sa vulnérabilité face à une action militaire extérieure. Par conséquent, si ces réflexions sont correctes, le centre de gravité « rouge » devrait être la capacité du régime à protéger, à réprimer et à rassembler. En termes plus généraux, on pourrait parler de crédibilité ou même de pérennité perçue du régime ; en termes plus pratiques, tels qu'on les utilise au niveau opératif, on pourrait parler de l'appareil sécuritaire et répressif du régime.
Concernant le centre de gravité de la coalition, je propose en préambule de retenir une coalition dirigée par les Etats-Unis et centrée autour de leurs moyens. Cela ne signifie pas qu'Israël n'est pas capable de monter une opération contre l'Iran, bien au contraire, mais je ne pense pas que celle-ci puisse avoir à terme les mêmes effets sur la pérennité du régime, et donc sur l'opinion de la population iranienne. A l'inverse, comme l'a montré le cas de l'Irak, les Etats-Unis ont la capacité et la volonté de s'engager pour une certaine durée dans une opération complexe, visant non seulement à détruire ou à neutraliser, mais aussi et surtout à transformer une société entière et à diffuser des idées précises. Si l'Iran est perçu comme un danger suffisamment aigu, les Américains seront déterminés à s'engager seuls s'il le faut.
Dans ces conditions, quel est le pivot de leur puissance ? Qu'est-ce qui peut le plus vite stopper, voire même entraver préventivement une opération contre l'Iran ? Je pense que le centre de gravité « bleu », comme bien souvent dans une nation démocratique, n'est autre que le soutien de la population américaine pour l'opération. Un conflit contre l'Iran sur fond d'ogives nucléaires, d'appels à la mort du « Grand Satan » et de vision conquérante pour l'islam devrait dépasser le cadre partisan des Etats-Unis et fonder un consensus plus aisément que l'offensive délibérée contre l'Irak. Raison pour laquelle c'est à mon sens le soutien à l'opération, et non à l'administration en place, qui serait décisif.
Voilà donc deux centres de gravité à discuter. Pour préparer les étapes suivantes, qui se focaliseront sur l'aspect analytique de la planification, je conseille de suivre cette discussion très intéressante sur le blog de Chester, ainsi que ce site rassemblant une grande quantité d'informations, même si leur fiabilité doit certainement être évaluée au cas par cas.
Publié par Ludovic Monnerat le 7 janvier 2006 à 10:18
Commentaires
Le centre de gravité du probléme "Iran des mollahs" est le résultat du complexe/ensemble des poids et leviers qui y sont connectés.
L'Iran des mollahs n'est isolé ni dans l'espace ni politiquement et la puissance n'est pas uniquement la "force bataille" ;)
Le centre de gravité bleu quand à lui est déjà assez limite avec l'opération Irak (54%?), un nouvel engagement (dans ces conditions) risquera de le faire passer au "rouge".
Il faut reconnaitre que le "clan", qui a remplacé l'URSS dans sont offensive "moderne", travaille avec un certain succès (il faut reconnaitre) depuis longtemps, avec constance et conséquence de moyens, à saper le blau schwerpunkt, montrant ainsi une vision à long terme réaliste, cohérente. Les plans d'état major du "clan", le "projet", étant devenus publics suite aux perquisitions suisses (voir Sylvain Besson). Ce "projet" montre sa cohérence d'objectifs avec le chantage au pétrole suite la guerre du ramadan (Kippour, octobre 1973), projet connu sous le nom de la revue publiée par les instance européennes, Eurabia.
Ce qui indique un "projet civilisationnel" soujacent, inscrit "génétiquement" dans l'espace de représentation du "clan-klan".
Je suis quand même très étonné qu'on continue à parler de militaire quand on en est au niveau géo-machin (politique)
Publié par Mikhaël le 7 janvier 2006 à 10:45
Le centre de gravité « rouge »: l'appareil sécuritaire et répressif du régime.
le centre de gravité « bleu »: le soutien à l'opération.
Je valide pour ce qui me concerne la définition des centres de gravité "amis" et "ennemis". Pas d'argumentaire particulier à faire valoir pour cela, l'essentiel en ayant été largement développé depuis 2 jours.
Une remarque toutefois concernant la série de questions en rapport avec la troisième partie: Ne conviendrait il pas de les confronter au facteur "temps" ? La géométrie des réponses susceptibles d'être apportées pouvant varier en fonction du temps dont nous disposons tant avant que pendant l'action.
Publié par Winkelried le 7 janvier 2006 à 12:27
Winkelried, effectivement, les délais pour l'opération devront être analysés en détail, sur la base des informations relativement sûres (temps nécessaires pour les déploiements et les préparatifs) ou pas sûres du tout (état du programme nucléaire iranien) que l'on possède en source ouverte. J'ouvrirai demain matin les feux pour le travail d'analyse...
Publié par Ludovic Monnerat le 7 janvier 2006 à 16:52
Lt col EMG Ludovic Monnerat, comment jugez-vous l'offensive de la partie adversaire contre le centre de gravité bleu?
Avez-vous remarqué que ce n'est pas uniquement l'Iran khomeiniste qui participe à l'offensive?
Cette offensive contre le schwerpunkt bleu élargi (occidental) durant depuis longtemps, serions-nous donc déjà en état de guerre (moderne)?
Et d'après vous quel est le dénominateur commun des attaqunts du centre bleu élargi?
Quel sont leurs
- valeurs?
- models?
- projets?
Publié par Mikhaël le 7 janvier 2006 à 21:13
Oula, ca devient difficile à suivre entre tous les commentaires, vous faites quoi de vos week-ends!? (mais j'ai quand même trouvé la remarque perfide de winkelried ;))
Bon, je centralise mes commentaires:
- ca me trottait dans la tête depuis longtemps, mais une opération "limitée", telle qu'évoquée dans la première partie (assassinat des dirigeants et/ou des savants atomistes, propagande, embargo...) me faisait irrémédiablement penser à la Baie des Cochons (merci Ares), telle que romancée notamment par Ellroy, mais aussi à plein d'autres ratages dont l'Irak.
- je crains qu'une limitation aux opérations spéciales nécessite de sérieusement restreindre les objectifs énoncés (ce qui est une option non négligeable): soit renversement politique, soit démantèlement nucléaire, mais pas les 2. En plus, le déploiement que cela nécessitera enlèvera tout aspect confidentiel à la chose. Et personne ne sera dupe de toute façon. Cela n'empêchera pas les représailles... Bref, je pense que ce serait un cauchemar opérationnel
- en termes de centre de gravité, je souscris sans réserve à la définition "bleue"
Pour le débat plus général sur les parties prenantes:
- du côté de la coalition, les arguments de Mikhaël me font douter de plus en plus de la pertinence d'impliquer Israël...
- côté rouge (ou plutôt vert): je ne crois pas à l'unité islamique, du moins en l'état actuel des choses: l'Iran aurait déjà l'arme nucléaire, via le Pakistan. Les raisons qui font que ca n'est pas le cas sont celles qui me font douter de cette unité. Et si elle est affichée, je pense que l'issue de l'opération dont nous parlons sera fondamentale, plus encore que l'expérience irakienne.
- je pense (ou j'émets l'hypothèse) que le dessein de l'Iran est justement de reprendre le flambeau de l'URSS en tant qu'élement central d'une grande collection de pays plus ou moins rassemblés contre le monde libre (sans être naïfs, ils sont peut-être confiants (trop?) sur l'emprise qu'ils ont sur leur peuple)
- serions-nous à l'aube d'une nouvelle guerre froide? (mais que je pressens comme plus chaude que la précédente)
Mikhaël parle de Munich et de Yalta, je pense qu'on peut éviter Munich, qu'il le faut même, pour éviter Yalta, et que c'est le sens que doit prendre cette opération. Une des premières conséquences pourrait d'ailleurs signifier l'explosion de l'ONU.
Publié par ylyad le 7 janvier 2006 à 22:38
@ ylyad
Bien sûr le klan n'est pas une entité unifiée, avec un commendement unique, mais justement c'est un klan qui est en train de se souder de plus en plus contre une menace ressentie, aujourd'hui lui demain peut-être nous aussi... il y a un grand travail de propagande qui se déroule.
Publié par Mikhaël le 7 janvier 2006 à 22:48
"... Je suis quand même très étonné qu'on continue à parler de militaire quand on en est au niveau géo-machin (politique)..." Rien d'étonnant à cela, tout est politique et tout est "militairalisable". Ils n'y a que les Occidentaux pour faire une différence qui en fait n'a jamais existé que dans leurs rêves. Le résultat de cet état de chose est un antimilitarisme viscéral et une idée saugrenue du Politicien en général comme si le Citoyen était l'être pur comme le bon sauvage. Pour réussir en Iran, il vaut mieux mélanger les genres car le Religieux, le Politique et le Militaire ne font qu'un et c'est le genre de Citoyen que l'on devra convaincre.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 8 janvier 2006 à 2:48
"...Une des premières conséquences pourrait d'ailleurs signifier l'explosion de l'ONU..."
Vous touchez là le point central de l'affaires iranienne. Les Américains vont donner l'estocade à ce machin qui implosera ou explosera. La première attaque fut économique ( mauvaise gestion onusienne ), la seconde l'Irak ( scandales et compromissions onusien ) et l'estocade l'Iran ( "complot onusien" ).
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 8 janvier 2006 à 3:01
YMS, j'ajouterais à vos remarques, le discrédit que cette organisation s'est attiré en ne radiant pas l'Iran de ses membres lorsque Ahmadinejad a déclaré qu'il fallait effacer Israël de la carte...
Personnellement, les centres de gravité me paraissent clairs et bien définis, rien à ajouter, votre Honneur.
Publié par Ares le 8 janvier 2006 à 11:04
Je travaille à l'instant sur l'étape suivante... Patience ! :)
Publié par Ludovic Monnerat le 8 janvier 2006 à 11:10
Gary Brecher publie un point de vue à mon sens souvent éclairant.
Une part de l'ONU n'est manifestement plus qu'une usine à désinformation.
Publié par nat le 8 janvier 2006 à 11:18
bonjour
fidele lecteur de votre blog, je me permets de vous conseiller la lecture de "le crepuscule de l'islam" par jean jacques Walter, ouvrage de réference lumineux sur la nature totalitaire de l'islam politique, entre autres.
bonne continuation
francois
Publié par limes trajan le 8 janvier 2006 à 11:48
A noter que selon cette article mis sur le blog extréme centre, Téhéran aurait déja planifier des plans contre l'Europe en cas de confrontation :
http://www.adnki.com/index_2Level.php?cat=Security&loid=8.0.246108457&par=0
Publié par Frédéric le 8 janvier 2006 à 17:46
Reprenant ce que Frédéric nous a très judicieusement signalé, cet exercise risque de devoir d'autres scénarios déterminés par des conditions de départ (énoncés?) radicalement différentes.
En cas de refus d'aplaventrisme total l'Iran promet à l'UE l'enfer (Atomique Bactériologique Chimique ?), ce qui change un peu la donne, non? Sûrment du terrorisme à grande échelle, de quoi perturber profondément les activités économoques, et en année électorale française ...
Maintenant grâce au travail de sape contre le centre bleu élargi (Occident, voir autre commentaires), expliquer la necessité d'actes inévitables sera particulièrement complexe, sinon impossible, au cas où les gouvernement d'Eurabia décident de faire quelque chose pour endiguer le mal.
http://www.coxandforkum.com/archives/05.10.27.AhmadFinalSol-X.gif
ps
Ludovic, vraiment j'aimerais qu'on puisse régler la chose avec quelques cruises, un peu de Voice of America, un joli plan bien ficelé avec précision helvétique, avec l'enthousiasme et le support des lecteurs mais ... souvenons-nous des mots de Robert Oppenheimer
Publié par Mikhaël le 8 janvier 2006 à 18:29
@mikhaël: oups, je n'avais pas vu votre référence à l'URSS, désolé.
Bon, j'ai du raté quelque chose quand j'ai posté mon commentaire samedi soir.
Je pense que la confrontation à venir est justement ce qui va décider de l'avenir du klan. Je crois à un certain attentisme du monde musulman. Bien entendu, cet attentisme regroupera des situations locales diverses, mais globalement, je pense que c'est l'issue de cette confrontation actuelle (amorcée avec le 11/09, continuée avec l'Irak, terminée? avec l'affaire iranienne) qui décidera de l'unité du klan et de son opposition frontale avec l'Occident.
Bref, l'exercice auquel nous participons modestement n'est tout de même pas anodin. Pour parler comme McNamara (cf. le film 13 jours), cette opération est de la communication, entre l'Occident et le monde musulman. Et je crois que les récentes déclarations iraniennes (cf. lien plus haut) tendent à prouver que ce conflit, certes froid/tiède pour l'instant, est un point d'inflexion majeur dans la course de l'histoire contemporaine.
@YMS: de la même manière que les prémisses de la Seconde Guerre Mondiale ont anéanti la SDN, je pense que nous arrivons là à la fin de l'ONU.
PS: quand je dis occident vs. le monde musulman, je simplifie bien entendu. Je pense que les lignes de force à l'oeuvre actuellement, si elles correspondent en partie à cette définition, ne sont pas liées à celles-ci, et certains pays musulmans ne seront sans doute jamais contre les bleus.
PPS: je sais, Ellroy, 13 jours, mes références militaires ne sont pas extraordinaires... et je n'ai pas encore sorti mon Clancy.
Publié par ylyad le 9 janvier 2006 à 9:24