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10 janvier 2006
Entre condotierri et croisés
C'est un signe des temps : confrontées à des besoins opérationnels croissantes et à des budgets rétrécis, les armées songent de plus en plus à remplacer l'acquisition par le leasing. Dans un premier temps, ces locations-ventes se sont faites entre institutions militaires : en septembre 2000, la Royal Air Force avait ainsi signé un contrat valant plus de 1 milliard de dollars pour disposer pendant 4 ans de 4 avions de transport lourds C-17 Globemaster III, afin de disposer d'un levier stratégique en attendant la livraison des Airbus A-400M ; cependant, les Britanniques se sont montrés tellement satisfaits de leurs avions qu'ils ont décidé de les acheter au terme du contrat et d'en acquérir un cinquième exemplaire, malgré la commande de 25 Airbus.
Le phénomène va maintenant plus loin et prend la forme de contrats passés avec des entreprises civiles pour assurer des prestations techniques dont les armées ne sont pas ou pas encore capables. C'est le cas avec le groupe Strategic Airlift Interim Solution de l'OTAN, qui a signé en décembre un contrat avec la société ukrainienne Volga-Dnepr (celle-là même que l'armée suisse a utilisée pour sa mission à Sumatra) afin de fournir 6 avions de transport Antonov An-124-100 pour 2000 heures de vol par an ; 2 avions seront basés en permanence à Leipzig, pendant que les 4 autres seront disponibles entre 6 et 9 jours. Le nouveau gouvernement allemand a ainsi décidé de verser 60,6 millions d'euros pour obtenir 750 heures de vol dans le cadre de ce contrat.
Un autre exemple saisissant est la construction du nouveau navire patrouilleur de la Royal Navy : pour un investissement de 52 millions de dollars sur 5 ans, le HMS Clyde va remplacer 2 navires actuellement déployés au Malouines, mais il restera la propriété du constructeur, VT Group, quand bien même les 40 membres d'équipage - et les 18 fantassins pouvant être embarqués - seront bien des militaires. On se demande tout de même ce qu'il adviendra du navire si la Royal Navy ne l'acquiert pas au terme du contrat. Un problème qui se pose moins avec les navires de transport, comme le HSV Westpac Express, un engin rapide loué depuis 2001 à la société Austal par l'US Navy, ou avec les cargos servant toute l'année à maintenir des équipements positionnés près des points chauds du globe.
L'évolution du financement et de l'emploi des moyens de projection doit cependant être rapprochée de l'essor spectaculaire des sociétés militaires privées. Le cas extrême de l'Irak, où l'on estime à 20'000 le nombre de « presse-gâchettes » employés au service de multinationales ou au profit de la coalition, illustre un phénomène global : dans tous les secteurs de crise contemporains affluent rapidement des structures susceptibles de fournir clefs-en-mains des prestations sécuritaires parfois de haut niveau, sans toutes les complications politiques et juridiques dues à l'emploi d'un contingent national. Que la Suisse ait choisi de protéger son ambassade à Bagdad par une société sud-africaine illustre cette tendance. Malgré l'aspect éminemment discutable de cette décision.
Quel sens donner à cette transformation des acteurs belligérants ? Les compétences tactiques et les moyens techniques se trouvent de plus en plus entre des mains privées, et non dans les rangs de ceux qui sont chargés de défendre, de protéger et d'aider les populations. Nous arrivons ainsi à une situation paradoxale : les conflits de notre époque impliquent un nombre croissant de combattants et de prestataires stipendiés, alors même que leurs causes tendent à être davantage spirituelles et identitaires que matérielles. La criminalisation d'organisations guerrières et la collusion entre réseaux terroristes et criminels soulignent cette dualité. Ce n'est pas seulement que l'alliance du glaive et du goupillon a été remplacée par celle du Coran et de la Kalashnikov ; c'est que les billets et les étendards ne laissent plus beaucoup d'espace à ceux qui perdent les uns comme les autres.
Dans les secteurs dont ils sont chargés de préserver ou de restaurer la normalité, les militaires sont aujourd'hui placés en porte-à -faux entre condottieri et croisés, entre mercenaires et fanatiques, entre porte-flingues et moudjahiddins ; entre des hommes mus par les récompenses terrestres ou célestes. Du coup, lorsque l'appauvrissement des Etats et l'affaiblissement des identités nationales réduisent leurs finances autant que leurs croyances, leurs ressources matérielles autant qu'immatérielles, les militaires traditionnels - si j'ose dire - courent constamment le risque d'être dominés par ceux qui ont ou ceux qui croient davantage qu'eux. C'est le cas désormais dans nombre d'armées européennes, où l'usure des équipements accompagne celle des convictions. Les deux vont d'ailleurs souvent de pair.
Dans la mesure où il est plus imaginable et possible de solidifier les esprits que les programmes d'armements, les armées devraient en tirer des conséquences claires.
PS : Les exemples chiffrés concernant le HMS Clyde et les Antonov sont tirés de l'édition du 2 janvier 2006 de l'hebdomadaire Defense News (non disponible en ligne)
Publié par Ludovic Monnerat le 10 janvier 2006 à 8:34
Commentaires
Il est parfois risible de constater le manque de courage du monde politique suisse : l armee doit proteger des ambassades (j ai moi-meme effectue un engagement aupres de l ambassade de Turquie a Zurich), service dit "subsidiaire", souvent ennuyeux,rebarbatif et surtout (cela ne n engage que moi) empeche nombre de troupes de poursuivre correctement l instruction militaire (je parle pour l infanterie). Par contre, dans un cas comme Bagdad, nous preferons engager une societe privee pour proteger notre propre ambassade..Car oh mon Dieu, nos pauvres soldats pourraient etre blesses ou meme tues...Il est tellement plus facile de faire faire le "sale boulot" par les autres.De plus c est faire insulte a des gens aussi competents que ceux appartenant au corps des gardes-frontieres qui avaient magnifiquement rempli leur mission a Alger en des temps egalement difficiles.
Publié par christophe zingg le 10 janvier 2006 à 9:27
Je suis entièrement sur votre ligne, Christophe. C'est une perversion de l'armée, lui faire remplir des tâches policières chez nous, mais quand il s'agit de nos propres intérêts directs (les ambassades en Suisse font peut-être partie de nos intér'ets "indirects"), on fait appel à des tiers pour les raisons lâches que vous énoncez. Si jamais, je viens de faire un billet en allemand sur le sujet il y a deux jours.
Publié par Sisyphe le 10 janvier 2006 à 9:37
HUm, Excusez-moi messieurs les suisses, mais je crois que vous devriez vous rejouir de l'evolution decrite par Ludovic!!! :-)
C'est en effet un retour a la situation d'avant la Revolution Francaise qui a invente l'armee populaire et nationale .
Jusque la, les armees etaient privees, et dans leur majoritee formees de vos ailleux!:-)
La garde suisse du Saint Pere, au Vatican, en est le souvenir lointain!
Maintenant serieusement: cette evolution decrite par Ludovic etait previsible, justement par la fin de l'armee nationale populaire, et son remplacement par une armee de metier:
1) Augmentation de la part des budgets de securite au payement des soldats ("employes")
2) reduction des effectifs
3) reduction du potentiel humain du point de vue de sa qualite, l'armee devant confronter la concurrence du marcher civil
Les armees donc n'ont pas le choix mais doivent "privatiser" une partie des services dont elles ont besoin et utiliser des "prestateurs de services" externes
Publié par Ram Zenit le 10 janvier 2006 à 10:25
Merci a vous Sisyphe. Je vais m empresser de lire votre billet !
Publié par christophe zingg le 10 janvier 2006 à 10:28
Permettez-moi tout d'abord de vous saluer : c'est la première fois que j'écris sur ce blog. Je tiens d'ailleurs à féliciter L. Monnerat pour ce site passionnant.
Au sujet du texte d'aujourd'hui. Je me pose quelques questions :
Est-ce, par cet emploi d'armées privées, la guerre ne risque t-elle pas d'en perdre son sens ?
Ne va t-on pas vers une pure et simple privatisation de la sécurité ? Auquel cas on risque de se retrouver dans un monde futur sans "forces militaires nationales" avec des citoyens riches qui pourront se payer la sécurité, et les autres pas.
Publié par Stéphane le 10 janvier 2006 à 10:42
Argh! Un autre Stéphane.
Vous m'en voyez fort marri. Afin d'éviter la confusion, tant parce que j'ai l'ancienneté de ma présence de commentateur sur ce blog que parce que mon propre nom de domaine me laisse relativement peu de marge de manoeuvre (cliquez sur ma signature pour voir de quoi il retourne!), pourrais-je vous demander de vous trouver ici un nouveau pseudo?
Je ne saurais recommander Stéphane2 ou un truc du genre, ayant bien trop subit ce genre d'outrage pendant ma scolarité... Quelle plaie que d'avoir un prénom si commun!
Publié par Stephane le 10 janvier 2006 à 11:37
"Que la Suisse ait choisi de protéger son ambassade à Bagdad par une société sud-africaine illustre cette tendance. Malgré l'aspect éminemment discutable de cette décision."
La suisse ne fait que "s'aligner" (désolé Ludovic) sur ce que font déjà ,entre autres les Etats unis...
Pour avoir participé aux dispositifs de sécurité de l'ambassade et du consultat US à Paris après les attentats du 11 septembre 2001, je puis affirmer qu'aucun Marines ne monte la garde à l'entrée. Le pavé était tenu par des agents de sécurités, philippins de nationalité. Les seuls militaires américains entrevus furtivement étaient à l'intérieur des murs, derrière la vitre blindée du sas de sécurité (ambassade).
Côté Israëlien, après le déménagement sur un site à proximité des Champs Elysée, la sécurité externe étaient confiées à des caméra. Le reste des "basses oeuvres" étant à la charge des militaires français "employés" à cette mission aux frais du contribuable.
Cette précision annecdotique apportée, je ne puis que souscrire à "l'indignation" de Christophe et de Sysiphe quant au recul évident des prérogatives régaliennes de certains Etats nations moderne d'occident.
En France même, "l'externalisation des tâches" est un principe à la mode. Et si les représentations diplomatiques relèvent toujours de militaires nationaux, la garde de casernes, l'alimentation et une foule de domaines toujours plus étendus sont désormais l'objet de contrats avec des sociétés privées (sodexo pour ne citer qu'elle)...
Ram Zénit évoquait l'ancien régime et la problématique du recours aux "mercenaires appointés". L'inconvénient de ces troupes est connu au moins depuis l'antiquité romaine et carthaginoise et les limites en ont été maintes fois expérimentées (et pas seulement à Marignan!).
Les mêmes maux, évoqués entre autre par Machiavel, nous sommes condamnés à les subir à nouveaux...
Publié par Winkelried le 10 janvier 2006 à 13:45
En réponse au message de "stephane", je me propose de signer "Juan Rico", nom du personnage principal de "Etoiles, garde-à -vous" (Starship Troopers) de Robert Heinlein. (Je suis un fan de science-fiction)
Cordialement
Publié par Juan Rico le 10 janvier 2006 à 14:56
Pour faire "business", il faut définir ce qu'est le "coeur de métier" de l'armée. Winkelried parle d'externalisation, il y a effectivement lieu de se demander quelles tâches sont du domaine militaire, et lesquelles n'en font pas partie. Je ne vois pas l'alimentation, la maintenance informatique "courante"... comme une tâche régalienne de l'Etat, que ce soit civil ou militaire. Et j'ai des doutes sur la nécessité stratégique de maintenir ces tâches dans le cadre militaire. Les problèmes de sécurité (militaire, mais aussi des personnels) et de déploiement sont à mon sens un faux problème.
Je pense effectivement que la professionalisation des armées va de pair avec cette évolution: quelqu'un qui s'engage ne le fait pas pour devenir cuisinier, sinon, il va aller chez Sodexho (ou chez Bocuse) où il fera une carrière plus intéressante.
Mias j'insiste sur le recentrage. Le caractère régalien du mililtaire reste à mon sens entier (cf. winkelried encore). Bon, après, je pense que la portée de ce recentrage est à discuter (pour la protection des ambassades par exemple, je n'ai pas d'avis tranché).
Pour ce qui est du matériel, je serais plus nuancé. Si la question de la fin de contrat se pose, celle de l'obsolescence et du renouvellement se pose aussi. OK, le leasing apporte des risques de dissémination de matériel en fin de contrat, donc plus récent que lors d'une mise au rebut en fin de vie militaire. Mais ce risque existe déjà ...
Ensuite, cela permet aussi à une armée de s'équiper plus facilement, et surtout plus largement et plus rapidement, donc de gérer des gammes plus homogènes (entretien, formation simplifiés, interopérabilité...), mais aussi d'avoir accès à des matériels plus récents plus souvent. Un contrat incluant l'entretien permet de déléguer cette tâche à des experts plutôt que d'avoir à engager/former des personnels à cela (cf. plus haut).
Cela permet également d'absorber plus facilement la production d'un fournisseur, et donc de lui faciliter la vie et de limiter son besoin d'exportation (cf. le cas Rafale en France, à contrario).
Ludovic parle de nombre croissant d'intervenants (je parlerai des compétences techniques). D'une part, les guerres modernes impliquent de toute façon de plus en plus de civils (on peut le regretter, mais c'est un fait). D'autre part, on peut aussi y voir une meilleure intégration de l'armée dans le corps social (ou un moyen de conserver cette intégration malgré la disparition de la conscription). Enfin, je ne pense pas que ce la enlève quoique soit à la spécificité du militaire, j'aurai même tendance à dire que cela le renforce.
Publié par ylyad le 10 janvier 2006 à 14:59
Aux deux Stéphane : tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles !! ;)
Sinon, ce n'est pas en soi l'externalisation qui pose problème, vu qu'elle a toujours plus ou moins existé ; c'est le fait que la place des armées se réduise toujours plus sur des champs de bataille qui ne cessent de s'élargir...
Publié par Ludovic Monnerat le 10 janvier 2006 à 15:03
Merci, et bienvenue à Juan Rico!
Publié par Stéphane le 10 janvier 2006 à 15:05
@LM: oui, mais vous liez l'externalisation des matériels (entre autres) et celle des combattants. Si la première (via le leasing et des contrats à durée déterminée) permet alors de fournir du matériel plus récent aux seconds (et encore...), je ne suis pas sûr que les deux problèmatiques soient si liées que cela.
Idem pour la place de l'armée sur le champ de bataille. Le progrès technique a (à mon sens, mais je me trompe peut-être) d'abord fait enfler les unités non-combattantes et donc réduit la place des militaires (entendus comme combattants), même si ces unités non-combattantes sont au coeur des champs de bataille et autant exposées que les combattants.
C'est juste que la "privatisation" des conflits est à mon avis un autre enjeu. Mais il implique de définir précisément ce qu'est l'armée, le militaire, le combattant, la guerre, etc. Et c'est lié aussi d'une part à l'évolution des conflits, qui sont de moins en moins un Etat contre un Etat, mais aussi à celles des missions de l'armée. Car qu'est-ce qu'une mission de maintien de la paix...
Publié par ylyad le 10 janvier 2006 à 15:38
Comment une "prestation de service" se fait sur le champs de bataille?
Mon experience personnelle est que la reussite du combattant depend aussi du logistique: pas de d'obus pas de tir d'appoint, pas de changement de moteur d'un char en panne, sous le feux, c'est une equipe en moin sous le commandement et donc change de la donne tactique.
Je vois tres mal des "garagistes" d'une societe civile se precipiter pour reparer un char, sous le feu ennenmi! et des tranposteur routiers apporter les obus a une batterie en pleine action!
Meme les service de transmissions et circuits d'ordinateurs ont besoin de leur technicien qui doivent faire partie integrante des unites ds l'action!
"Pousse! je suis en greve, ma prime de danger n'est pas arrive!" Difficile de voir une armee en marche de cette facon.
Cela limitera fortement les possibilites offertent par les militaires au niveau decisionaire politique: une telle evolution doit donc etre annalysee en fonction des besoins de chaque nations. Dans la mesure ou elle est le resultat d'un conflit entre efficacite et moyens, c'est un probleme economique
Publié par Ram Zenit le 10 janvier 2006 à 16:28
PS:
Il est assez desolant de voir que les deux pays, la Suisse et Israel, qui ont ete le plus "loin" ds l'organisation de leur armee en armee nationale et populaire, avec les reservistes engages tous les ans, adoptent ces nouvelles methodes "outsourcing"
Publié par Ram Zenit le 10 janvier 2006 à 16:32
A Ram Zenit: ce n'est pas un hasard. La conscription, par nature obligatoire, rend catastrophique le moindre décès de soldat en exercice ("recruté par la force de la loi et mort stérilement"). Dans l'échelle médiatique, la perte d'un soldat volontaire est moins critique puisqu'il n'était pas innocent de son engagement ("au moins s'était-il engagé!"). Et au bout de l'échelle, nous avons le prestataire privé, le "mercenaire" méprisé comme un opportuniste et dont la disparition ne fait pleurer personne (un "salaud qui profite de la guerre pour se faire de l'argent").
L'effet psychologique d'une perte est directement lié à l'implication de la population dans la nature de la victime, et des études psychologiques sur la guerre du Viet-Nam ont prouvé que celle-ci était d'autant plus grande que les morts n'avaient pas choisi leur destin.
Le choix des catégories à employer pour chaque mission dépend donc des risques encourus. Selon la logique ci-dessus, mieux vaut employer des soldats suisse pour garder l'Ambassade de Turquie à Berne et des sous-traitant là où des bombes peuvent exploser.
C'est tout simple!
Publié par Stéphane le 10 janvier 2006 à 16:46
les armées doivent gérer leur budget, comme une entreprise,
des techniques financières permettent d'optimiser les ressources rares que sont les budgets militaires, comme le font les dirigeants des entreprises avec les capitaux dont ils disposent,
donc, il est normal que les armées utilisent le leasing, la soutraitance, etc
Publié par JPC le 10 janvier 2006 à 17:52
@ Ylyad:
"Je ne vois pas l'alimentation, la maintenance informatique "courante"... comme une tâche régalienne de l'Etat, que ce soit civil ou militaire."
Certes, je suis d'accord en ce qui concerne l'abscence de lien directe entre "l'intendance", pour faire simple et le pouvoir régalien. Toutefois, cette externalisation ne va pas sans poser des difficultés réelles en terme d'autonomie, quelque soit le type de mission. C'est vrai lors de l'engagement de militaires dans le cadre d'un plan ORSEC (organisation des secours relatif à une catasprohe naturelle), ça l'est encore plus pour le champs de bataille. L'exemple que donne Ram Zénit du "garagiste" venant assurer son contrat de maintenance au milieu des shrapnels illustre parfaitement ce fait.
Le problème est que ces "détails" à l'échelle des décisions "stratégiques" qui prévallent en la matière, n'apparaissent qu'à ceux qui, sur le terrain, doivent sauter un repas parceque les horaires de travail des personnels de la société civile en charge de l'alimentation sont ceux des 35 heures, ou bien encore ceux qui restent plantés dans la pampa avec leur véhicule en panne parceque le garagiste ne possède pas les moyens adéquat en terme de franchissement pour aller les récupérer ou réparer même sur place...
Ce régime constitue, c'est sur, des économies d'échelle substentielles pour les budgets des différentes défenses. Elles sont devenues une nécessité pour qui entend conserver "les moyens de sa politique", mais hélas, elles se payent toujours "cash" en termes opérationnels le moment venu...
Publié par Winkelried le 10 janvier 2006 à 21:02
"Elles sont devenues une nécessité pour qui entend conserver "les moyens de sa politique", "
C'est justement ce que je mets en doute a la fin de mon post!
A long terme et en situation de crise, cette demarche reduit les moyens de la politique!
Publié par Ram Zenit le 10 janvier 2006 à 21:40
@ Ram Zenit
Oui, je le pense aussi, les seconds découlant souvent des premiers en situation de crise, ce qui est une inversion du lien de cause à effet qui prévaut en temps plus calme...Les moyens politiques contingentant les moyens militaires en fonction de la notion d'utilité qu'on veut bien leur accorder.
Publié par Winkelried le 10 janvier 2006 à 21:56
Si je peux me permettre de conclure ce fil, il me semble que vous venez de mettre à jour une fatale donnée qui mérite assurément une attention très recueillie des intervenants. Je ne sais pas pourquoi et je ne sais pas ce que vous en pensez, mais il me semble que se profilent, quelque part, entre les lignes, en zigzags, comme des rigoles de sueurs froides, des traînées de cendres grises, presque boueuses, avec des veinures ocres sombres et quelques tâches d'os brisés, comme des traces, des ombres, un silence lourd, pesant, celui d'une absence. Et l'on découvre, subitement, atrocement, que sans peuple, il n'y a pas d'armée. C'est un peu tard, me semble-t-il....
Publié par Eric le 11 janvier 2006 à 2:08
On a tendance à oublier ou à ne pas vraiment voir la réalité depuis toujours. Il n'y a que le décorum qui change et une nouvelle approche professionnelle. Les hommes en générale se sont beaucoup plus battus en tant que mercenaires ou à la solde, Seigneurs de la guerre ou peuple de gens d'armes et maintenant de sociétés militaires privées. Les supplétifs comme les Goums marocains, Tcherkesse du Moyen Orient, Légionnaires ( pour ne prendre que l'exemple de la France ) n'étaient que des gens d'arme à la solde pour certains, des mercenaires pour d'autre et ne sont vus comme faisant parti de l'armée populaire nationale qu'avec de gros bémols et la passion de gens reconnaissants pour des états de services supérieurs aux régiments...pure laine pour reprendre une expression québécoise. L'Armée du Roi de France a laissé au Québec de nombreux Allemands et Suisses pour ne citer que ces deux groupes de spécialistes avant l'heure...
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 11 janvier 2006 à 5:22
"...Et l'on découvre, subitement, atrocement, que sans peuple, il n'y a pas d'armée. C'est un peu tard, me semble-t-il..." Voulez-vous dire qu'il n'y a pas d'Armée de Milice ou de Citoyen Soldat ? Les Soldats à la solde sont aussi respectables et fidèles et leurs état de service le démontrent de façon criante sur les monuments au morts... Les Sociétés Militaires Privées risquent de nous étonner par des états de service de la même trempe et ceux qui délèguent leur protection continuerons de les oublier au mieux ou de les critiquer comme ils l'on toujours fait pour cacher leur lâcheté. Je suis pour une armée de Citoyens Soldats instruite de façon professionnelle mais pour cela il faut non pas un Peuple mais un concept de citoyenneté clair et partagé.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 11 janvier 2006 à 5:50
@winkelried: je suis bien conscient de ces difficultés, elles vont avec l'externalisation (c'est valable pour toute organisation qui externalise :).
Cependant, ces difficultés peuvent être surmontées, mais ca n'est pas gratuit. Et les exemples que vous donnez (avec Ram Zenit) sont un petit peu extrêmes (la simplification militaire=courageux qui ne compte pas ses heures et sa solde versus civil=pleutre pinailleur sur ses primes et son temps de travail). Les primes de danger, les heures supplémentaires, etc. ca se négocie... mais avant.
Il faut bien comprendre que l'externalisation ne doit pas se faire dans une optique de réduction de coûts, mais dans une optique d'amélioration du service, les économies réalisées étant juste une conséquence heureuse de l'amélioration de productivité qui en résulte.
Après, pour le côté garagiste sous les shrapnels, d'une part j'ai dit que l'externalisation était un équilibre à trouver, ensuite, je parlais d'expertise, mais ca n'empêche pas les compétences d'être partagées (en gros, pour parler de la maintenance, c'est la différence entre la réparation de fortune et la grande révision).
Publié par ylyad le 11 janvier 2006 à 11:17
@ Ylyad:
J'approuve, mais ça ne règle pas nos problèmes d'autonomie...
"Les primes de danger, les heures supplémentaires, etc. ca se négocie... mais avant." Certes, mais comme vous en convenez, ce n'est pas gratuit.
"Il faut bien comprendre que l'externalisation ne doit pas se faire dans une optique de réduction de coûts, mais dans une optique d'amélioration du service, les économies réalisées étant juste une conséquence heureuse de l'amélioration de productivité qui en résulte."
Si votre analyse est juste (et je l'approuve également sur son principe), elle a du, hélas, échapper aux sénacles parisiens...Ma réalité quotidienne est quelques peu différente, ou décalée. Nous évoluons pour ainsi dire en mode "dégradé", et ce de manière permanente. Mon véhicule de comandement est actuellement en panne (carter cassé...), la pièce n'est disponible que chez Renault France (même pas en concession) et l'atelier "maison" qui n'est plus autonome en la matière depuis longtemps ne possède pas la ligne budgétaire suffisante pour l'acheter...
L'externalisation à ici considérablement complexifié le système, alors qu'à la base, il aurait du avoir l'effet inverse. L'effet pervers provient à mon sens du point que vous avez mis en relief: "l'externalisation ne doit pas se faire dans une optique de réduction de coûts" Faute de budgets suffisants, l'externalisation se transforme en "galère" pour les unités de terrain et la "rentabilité" recherchée devient une arlésienne.
Publié par Winkelried le 11 janvier 2006 à 13:32
bienvenue au club... je compatis :) car les têtes pensantes semblent être les mêmes dans toutes les organisation. Les problèmes engendrés par une mauvaise externalisation sont similaires. Le pire, c'est que certains reviennent en arrière, souvent de ma,nière brutale, avec un coût final (coût d'externalisation+merdes+coût de ré-internalisation) est supérieur.
L'incurie des gouvernants est désespérante...
Mais je continue de défendre l'idée de l'externalisation car je pense qu'elle est bonne malgré tout (cf. plus haut). Mais personne n'a compris que c'est un vrai métier, que ca se gère (et au plus près), que ca a un coût. Au final, c'est moins cher, mais de peu. C'est surtout mieux... mais c'est moins vendeur
Publié par ylyad le 11 janvier 2006 à 17:00
Enoncé
" L'incurie des gouvernants est désespérante...
Déduction
Mais je continue de défendre l'idée de..." @Ylyad
Conséquence
On tourne en rond.
Publié par Eric le 11 janvier 2006 à 21:57
:)
mais on peut défendre une idée malgré une mauvaise application... et l'incurie des dirigeants, ca se travaille!
Publié par ylyad le 11 janvier 2006 à 22:08
Ylyad,
Enoncée
" L'incurie des gouvernants est désespérante... "
Déduction
"et l'incurie des dirigeants, ca se travaille!"
Conséquence
On ne tourne plus en rond.
Publié par Eric le 12 janvier 2006 à 5:50