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12 janvier 2006

Des anges gardiens tueurs

Ce matin, j'ai eu l'occasion d'assister à un exposé donné par une juriste travaillant pour l'armée, et ceci dans le cadre d'une instruction générale aux aspects juridiques des opérations militaires. Son propos portait sur le trafic des êtres humains et prenait notamment l'exemple du Kosovo, où soldats de la KFOR et policiers de la MINUK contribuent à ce trafic en recourant aux services de prostituées dont le statut est à proprement parler celui d'esclaves. De ce fait, ces organisations internationales ont imposé une politique de « tolérance zéro » et interdit à leurs membres tout commerce du sexe dans leur secteur d'engagement ; cette pratique est d'ailleurs en voie de standardisation dans les opérations militaires de stabilisation, sans qu'il soit possible de juger simplement son efficacité.

Sans nier les méfaits potentiels de toute formation militaire, comme de toute entité habilitée à employer la violence, cette tendance à une conception purifiée du soldat m'interpelle. Aujourd'hui, les soldats occidentaux sont interdits de prostitution, de drogue, parfois d'alcool (en fonction du secteur d'engagement et/ou de l'armée) ou de pornographie ; ainsi, on attend non seulement d'eux qu'ils tuent sans haine, sans excitation ou confusion, mais on exige également que leur comportement en-dehors du service soit irréprochable, dénué de toute pulsion, totalement détaché de leur nature humaine. Un peu comme si les armées devaient être constituées d'anges gardiens tueurs, d'êtres capables d'alterner sans dommage et sur ordre les pires horreurs et la pureté absolue, la coercition brutale et l'ataraxie désincarnée.

Questionnée à ce propos par mes soins, la juriste a convenu de la difficulté d'une telle tâche malgré les congés au pays parfois accordés en cours de mission, mais en parlant du Kosovo elle m'a également rétorqué que c'était une chose à prendre en compte avant de se porter volontaire pour une mission au sein de la KFOR. Soit. Je ne pense pas que ce phénomène soit lié aux difficultés de recrutement que connaissent toutes les armées professionnelles européennes, sauf en l'élargissent jusqu'à inclure la lente disparition de la culture militaire. En revanche, et à condition de limiter les excès qui effectivement favorisent des activités criminelles comme le trafic de personnes, cette projection irréfléchie d'exigences civiles, féministes et maternalistes sur des militaires risquant leur vie pour préserver ou restaurer la normalité d'un pays ou d'une région n'est pas acceptable.

D'ailleurs, elle n'est pas acceptée, et les commandants tactiques doivent faire avec. Au Kosovo, plusieurs contingents organisent ainsi des week-ends de repos obligatoires pour leurs militaires, avec transport en bus en Grèce et mise en congé pour 1 ou 2 jours ; comme la Grèce se situe hors du secteur d'engagement de la KFOR, la politique de « tolérance zéro » est contournée faute d'être appliquée, et révèle son caractère hypocrite. Un autre phénomène, dans les armées professionnelles à fort taux de féminisation, est l'augmentation drastique des activités sexuelles entre militaires en cours d'opération - une chose que les armées, pour protéger leur réputation comme les liens maritaux de leurs membres, se gardent bien d'évoquer. Ce qui certes est bien plus élégant et discret que les fameux bordels militaires de campagne!

Publié par Ludovic Monnerat le 12 janvier 2006 à 19:29

Commentaires

"bien plus élégant et discret que les fameux bordels militaires de campagne"... Mais surment pas aussi efficace!!

Désolé...! :)

Publié par Winkelried le 12 janvier 2006 à 20:15

On demande aux hommes de devenir inhumains...
Ces bureaucrates ne comprennent pas qu'un homme éloigné de chez lui et isolé des femmes pendant des mois a certains besoins... garants d'ailleurs d'un équilibre émotionnel et psychologique nécessaire à la maîtrise de soi...

Publié par Ares le 12 janvier 2006 à 20:35

Après tout, pourquoi pas les recréer, ces bordels de campagne? On pourrait aussi les appeller autrement pour plaire à l'opinion publique. Mais il n'y a en soi rien d'inhumain ou de "mal" là -dedans. C'est plutôt assez normal qu'une troupe isolée ait ce genre de besoin. Je suis sûr qu'il y aurait une demande suffisante, puisque on "importe" actuellement des femmes pour cela. Si on trouve des dames, que l'on paierait comme il faut, on pourrait en tous les cas baisser le nombre de femmes carrément déportés de chez elles dans les pays de l'Est. Ce serait une manière "élégante" de régler le problème du trafic d'êtres humains.

Qu'en pensez-vous? (C'est le genre de moment ou je regrette la faible présence féminine ici)

Publié par Sisyphe le 12 janvier 2006 à 23:20

C'est la fusion du moine et du soldat!

Publié par François Brutsch le 13 janvier 2006 à 0:03

Excusez du peu, mais je suis une femme et franchement je ne comprends pas où est le problème. Vous voulez me faire croire que les hommes ne peuvent pas contrôler leur pulsions sexuelles et qu'ils ont besoin de l'exutoire sordide de prostituées pour se soulager? La proximité du danger et d'une mort proche n'excuse pas qu'on se rabaisse à un comportement animal.
Je n'envisage pas ici l'acte de prédateur sur une prostituée esclave d'un proxénète qui fait du consomateur un criminel au même titre que ce dernier. Je parle de l'homme et de sa dignité intrinsèque. Ces foutaises de conversations viriles entre hommes ne me paraissent qu'une excuse pour la faiblesse de l'âme. Sinon, au même titre qu'un boulimique qui bouffe n'importe quoi parce qu'il ne peut pas s'empêcher de manger, prenez conscience que vous êtes malades et faites-vous soigner.
Désolée si je vous parais un peu virulente, mais je trouve ces conduites répugnantes, et les propos du style "on y peut rien on est des mecs" indignes.

Publié par elf le 13 janvier 2006 à 0:37

Enoncé
"....je suis une femme et franchement je ne comprends pas où est le problème."

Déduction
"Ces foutaises de conversations viriles entre hommes ne me paraissent qu'une excuse pour la faiblesse de l'âme"

Conséquence
"je trouve ces conduites répugnantes"

Le post-modernisme est à l'oeuvre...Mahmoud peut dormir en paix.

Publié par Eric le 13 janvier 2006 à 3:20

Enoncé
"....je suis une femme et franchement je ne comprends pas où est le problème..."

Déduction
"...prenez conscience que vous êtes malades et faites-vous soigner..."

Conséquence
"...je trouve ces conduites répugnantes alors coupez-vous les guerlos..."

Le post-modernisme est à l'oeuvre...nous devons exiger la castration de nos soldats afin d'en faire de valeureux janissaires :))))

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 13 janvier 2006 à 5:01

"Un peu virulente"... Juste un tout petit peu. ;-)

Chère Madame, il ne s'agit pas de justifier un comportement machiste mais bien de voir la réalité en face. L'alternative sont le viol et l'abus de femmes en toute clandestinité. Votre image de l'homme vous honore, mais je la trouve un brin trop idéaliste.

Publié par Sisyphe le 13 janvier 2006 à 9:41

« Vous voulez me faire croire que les hommes ne peuvent pas contrôler leur pulsions sexuelles et qu'ils ont besoin de l'exutoire sordide de prostituées pour se soulager? » (elf)

Je crois plutôt que ce thème évoquait le milieu particulier dans lequel évolue certains soldats : régions hostiles - limitation des contacts avec la population locale - faible présence féminine au sein des troupes, etc.
Dans ce cas, il faut bien le reconnaître, les femmes soldats ne sont pas confrontées à la même problématique. D'autre part, je pense qu'il y a une approche assez différente de la sexualité, selon que l'on soit une femme ou un homme. Il faut simplement en tenir compte!

Alex

Publié par Alex le 13 janvier 2006 à 10:43

A mon sens, le problème n'est pas lié à des problèmes de genre. Il tient davantage au fait que ces militaires sont engagés dans des pays pour y maîtriser la violence, laquelle est soutenue par des organisations maffieuses, et apporter un certain nombre de valeurs démocratiques. D'un autre côté, en fréquentant les lupanars locaux, ils supportent ces mêmes organisations maffieuses, qui pratiquent des comportements ne correspondant pas à nos idéaux (par exemple traite des femmes, détournement de mineures, ...).
J'interprète les interdictions des commandements non comme une volonté buraucratique et post moderniste de créer un soldat sans pulsions, mais plutôt comme un moyen d'éviter que les effets des actions de maîtrise de la violence ne soient contre contrebalancés par un développement de la criminalité. C'est une manière de briser un cercle vicieux. La maîtrise des pulsions comme nouvelle ligne d'opérations ? :)

Publié par Christian Bühlmann le 13 janvier 2006 à 11:51

Plutôt l'ingérence du politiquement correct dans les opex... valeurs incompatibles, selon moi.

Publié par Ares le 13 janvier 2006 à 12:23

Pour reprendre ma comparaison avec le boulimique, il ne s'agit pas d'arrêter de manger. On peut aimer partager son repas avec un partenaire priviégié ou même pour le plaisir de manger partager son repas avec plusieurs partenaires (en même temps ou à des temps différents, je n'ai pas de jugement moral là -dessus). Néanmoins il y a des lieux et des moments pour partager son intimité, et en dehors le contrôle des pulsions est nécessaire.
Je peux comprendre que les hommes engagés sur le terrain aient besoin qu'on leur aménage des permissions pour rejoindre leur conjoint ou partenaire, ou même qu'il y ait des idylles sur le terrain, ce que je ne comprend pas c'est comment 9 minutes de passe en moyenne dans des conditions sordides peuvent satisfaire un être humain.

Publié par elf le 13 janvier 2006 à 13:25

9 minutes, ce n'est pas fort éloigné du temps de copulation moyen entre des époux ;)

Publié par Ares le 13 janvier 2006 à 13:40

@ Elf:

Hormonalement élémentaire, ma chère Watson(e)...

"idylles" : Le terme est choisi ou c'est une image?

La promiscuité d'hommes et de femmes, sous l'uniforme ou non, pendant de longs séjours "autarciques" conduit nécessairement à ce genre de situation. Et pour le coup, c'est vraiment le "bordel", au sens propre comme au figuré.

Je crois par ailleurs que l'éducation (et "l'âme") joue pour beaucoup. Aussi, vous ne pouvez pas exiger d'un engagé volontaire de seconde classe dont le NG est de "0" d'avoir autant de considération, de réflexion, de pondération, de recul, sur un tel sujet. Pour faire simple et mettre un terme à votre vision par trop intellectuelle d'une réalité bien crue, le militaire du rang, lorsque ça le démange, il se gratte, sans se poser de questions existentielles. Et lorsque ça ne le gratte plus, il est pour ainsi dire "satisfait". Ca ne va pas plus loin.

Désolé que cette "réalité" fruit de maintes observations et constatations de terrain heurte vos conceptes humanistes ;)

Publié par Winkelried le 13 janvier 2006 à 13:49

Si un soldat va-t-en guerre pour défendre les siens, son pays, sa famille, ses biens, il dédaignera aisément les attraits des prostituées, conscient qu'il s'agit d'une flétrissure de son idéal, d'une trahison de ceux qui lui sont chers.

Si un soldat va-t-en guerre pour gagner de l'argent, il tentera d'optimiser son gain, ne touchera que peu aux femmes à vendre, craignant les maladies, et pensera souvent à rentrer au pays avant tout. Mais il préfèrera perdre la guerre, si cela lui permet d'améliorer son gain ou de sauver sa mise.

Si un soldat va-t-en guerre pour conquérir le monde, l'ensemble ou juste une partie, peu importe au nom de quoi, il se fera un devoir de couvrir un maximum des femmes de l'«autre» camp. Et il ne paiera pas pour cela. D'aucune manière.

Si un soldat va-t-en guerre sans savoir pourquoi, personne ne peut dire comment il se comportera. C'est hélas, probablement, le cas de la majorité des soldats. Je pense que c'est en agissant à ce niveau qu'on obtiendra les résultats les plus probants. Il faut mieux expliquer aux soldats pourquoi ils vont en guerre. Il faudrait qu'aucun homme, jamais, ne parte an guerre sans savoir pourquoi.

Il faut réfléchir à tout cela, y faire réfléchir les gens, depuis tout jeune. C'est extrêmement important. La guerre est comme tout le reste, poison et solution. Mais aujourd'hui, son poison peut nous tuer tous. Il faut apprendre à s'en servir, à la comprendre. Alors, il sera facile aussi de reconnaître les soldats des guerres justes.
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Publié par ajm le 13 janvier 2006 à 13:57

Euh, c'est le commerce du sexe qui est visé, pas le sexe en lui-même. À la lecture des commentaires ci-dessus, j'en déduis qu'une armée avec plus de femmes soldats serait un plus pour le moral des troupes et donc pour la victoire!

Publié par LolZ le 13 janvier 2006 à 14:16

Enoncé
"....c'est le commerce du sexe qui est visé, pas le sexe en lui-même..."

Déduction
"...j'en déduis qu'une armée avec plus de femmes soldats serait un plus pour le moral des troupes et donc pour la victoire!..."

Conséquence
Je propose un référendum pour ou contre la parité dans l'armée. On pourrait commencer par un petit sondage d'opinion sur ce blog ?

Avant d'envisager de partir à la guerre, il serait donc nécessaire de fixer les quotas de la mobilisation.
Donc on commence :
1/ 50 % de femmes
2/ 10 % de....
3/ 5% de...
4/ 2,6 % de...
5/ 1,006 % de...
6/ 0,000009% de...etc....
Une Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et les Exclusions contrôlera en permanence le respect des quotas sur les champs de bataille grâce à une armées d'observateurs internationnaux respectant elle-même les quotas qui seront contrôlés en permanence par une armée d'observateurs d'observateurs.... En cas de non respect des quotas légaux, les bataillons seront priés de cesser le combat sur le champ en attendant d'être jugés. S'ils ne s'exécutent pas, il seront immédiatement traduit en justice et condamnés à ....? Vive le post-modernisme.

Publié par Eric le 13 janvier 2006 à 15:52

Posons donc ici la question que je me pose depuis bien longtemps déjà : on nous explique ci-dessus (et j'en remercie monsieur Monnerat) la méthode suivie au Kosovo. Comment font-ils en Irak respectivement en Afghanistan ? -je serais tout de même assez supris qu'on y affrétât là aussi des bus pour la Grèce :-)

Publié par Anselmeuh le 13 janvier 2006 à 17:30

En Irak, il y a beaucoup de filles originaires des Philippines.
En Afghanistan, je ne sais pas.

La position des politiciens actuels est très bien représentée par elf ; en gros :
-"les soldats ne PEUVENT sûrement pas se satisfaire de "tirer un coup", si c' est le cas ce sont des malades mentaux qu' il faut traiter"
-"servir sur le terrain, dans un environnement hostile, ne peut pas être traumatisant au point de faire remonter de pareilles pulsions"

Hey elf, on en rediscutera quand vous aurez connu les hostilités ! Pour ma part, une simple tournée en terristoires palestiniens dans un véhicule israélien, avec un M-16 et 60 coups pour 7 personnes, m' a bien fait comprendre les effets (sexuels et autres) d' un rush d' adrénaline.

Bref, aucun contact avec la réalité, un point de vue purement intello féministe, à la base partagé seulement par les femmes, maintenant partagé par leurs collègues masculins auxquels on répète depuis 20 ans que d' être un mec c' est mal, qui n' ont même plus besoin de faire du service militaire, et comme par hasard depuis une vingtaine d' années la société n' a pas arrêté de partir en vrille...

Publié par Penetrator le 14 janvier 2006 à 13:56

Je trouve quand même douteux de mettre sur le même plan la pornographie, la consommation d'alcool (ou autre) et la prostitution. Dans une zone de guerre type Kosovo ou Afrique, accepter la prostitution revient de fait à cautionner la traite d'êtres humains. A partir de là , les officiers et les cadres ne peuvent pas viser moins que l'excellence ou tout au moins adopter un comportement irréprochable dans ce domaine.

Un déploiement extérieur pour les armées européennes doit être de 4 mois en moyenne, et avec les téléphones, les baladeurs et autres gadgets, on est tout de même loin de Dien Bien Phu...

Encore une fois, c'est un domaine qui n'à rien de comparable avec les autres « vices » (guillemets !) qui n'engagent que celui qui choisit de s'y adonner.

Pour répondre à Winkelried qui faisait des remarques justes sur la réalité du terrain, je dirais que si ses hommes ont encore suffisamment d'énergie pour avoir ce genre de pensées en allant se coucher, et bien c'est qu'ils n'ont pas été suffisamment fatigués dans la journée :)

Une note intéressante
(Ironiquement, découverte ici même il y a bien longtemps)

Enfin, pour « Penetrator », vous ne l'avez sûrement pas remarqué, mais de nos jours, les femmes ne sont pas les dernières à passer la porte du Transall, alors vos remarques sur les points de vue intellos-feministes sont bien pitoyables (un peu comme votre pseudo !).

Quand à Eric, je me demande en quoi le post-modernisme à le moindre rapport avec une position morale sur la prostitution ou la « guerre contre la terreur »... Sans doute pas plus que la maçonnerie et les relations internationales ou le MPF avec un parti politique, ceci expliquant cela !

Sortez la tête de votre cul messieurs haii !

Publié par Bender le 14 janvier 2006 à 18:45

La prostitution est naturelle, mon pote, fréquenter ces dames est quelque chose de normal, même pas un vice d' ailleurs. Si elles sont exploitées c' est un problème au niveau de l' employeur.

Interdire le bordel au soldat revient à interdire à la population de porter des vêtements Nike parce qu' ils exploitent des enfants. Sauf que le sexe est un besoin plus primordial que de porter des vêtements meilleur marché que d' autres...

Pourquoi est-ce que les gens comme toi sont toujours révoltés contre le monde comme il est ?

Au passage je te conseille d' aller voir Lord Of War (qui traite aussi un peu de prostitution), ça te fera une leçon de réalisme.

Sinon, pour ceux qui fréquentent habituellement ce blog, suivez le lien de notre ami ci-dessus, il est bien drôle. En tous cas il renforce mon idée selon laquelle les femmes n' acceptent pas les hommes comme ils sont.

Publié par Penetrator le 14 janvier 2006 à 19:22

Merci à Bender pour cette intervention pertinente. Concernant ma perspective personnelle, et ceux qui me connaissent l'auront compris, je me situe naturellement d'un point de vue de commandement : tous les éléments susceptibles d'entraver l'intégrité, l'efficacité, la concentration et la cohésion d'une formation me préoccupent, et c'est la raison pour laquelle j'ai énuméré de la sorte différents éléments susceptibles de créer des problèmes de conduite. Que les officiers ou les cadres visent l'excellence n'empêche pas que les militaires du rang, surtout professionnels, n'ont pas exactement un profil similaire.

Maintenant, concernant votre remarque faite à Winkelried, laissez-moi vous dire que le principal problème des missions de type Kosovo (et même Irak ou Afghanistan) n'est autre que l'ennui. C'est justement la porte ouverte aux comportements répréhensibles que ces opérations de stabilisation où les heures loin du pays deviennent chaque mois un peu plus longues (la durée typique d'une mission est de 6 mois). Sans urgence au quotidien, la discipline devient une préoccupation permanente. Et les punitions ne suffisent pas pour faire face à tout.

C'est donc indispensable d'imposer des exigences morales drastiques à des soldats en mission, mais tout aussi indispensable d'accepter les contingences propres à des êtres et à des activités différant totalement de la vie civile. Faute de quoi on se retrouve avec des armées qui n'arrivent plus à recruter, et encore moins à déployer des soldats dans des zones de crise. Le fait que l'on s'en approche mérite autre chose que des considérations manichéennes et superficielles. La perfection n'est pas de ce monde...

Publié par Ludovic Monnerat le 14 janvier 2006 à 19:25

Encore une chose, qui me vient à l'esprit suite au commentaire de Penetrator (c'est vrai que votre pseudo se présente assez mal, en l'occurrence...) : dans la discussion qui a suivi l'exposé de la juriste dont j'ai parlé, un autre juriste militaire a fait remarquer que, en Suisse, la prostitution est légale sous certaines conditions. En d'autres termes, mélanger prostitution et trafic d'êtres humains n'est possible dans des régions où effectivement le commerce du sexe est entièrement en mains criminelles, comme c'est le cas dans les Balkans. Il ne faut donc pas généraliser.

J'aurais également peut-être dû préciser que la juriste se prépare à partir pour une mission de 6 mois au Kosovo. Nous avons convenu de nous voir à son retour pour discuter de son expérience. Cela promet d'être intéressant.

Enfin, pour en revenir à votre dernière considération, Penetrator, on ne peut espérer obtenir le soutien d'une population donnée si l'on se contrefout du point de vue de sa moitié féminine. C'est l'une des raisons pour lesquelles la féminisation des armées est un phénomène très positif.

Publié par Ludovic Monnerat le 14 janvier 2006 à 19:34

Dans notre "culture" contemporaine, on s'est bâti depuis une quarantaine d'années (je dirais à peu près vers la fin de la guerre du Viet Nam) une sorte de mythe de la guerre propre, un peu comme dans les films d'Hollywood, ou pire comme dans certains jeux vidéo. Vous savez: Les uniformes sont impeccables, les guerriers sont gentils, polis, bien rasés, souriants; ils ont les dents blanches, sentant la savonette, la propreté tant morale que physique... A la fin du jeu, au claquement dans les mains, les morts se relèvent, et on s'en va boire une bonne bière bien fraîche au bistrot du coin!

Quelle blague!

Le pire, c'est que depuis qu'il n'y a plus de conscription, un certain nombre de réalités fondamentales sur le comportement humain réel ne peuvent plus être énoncées devant les hommes qui pourraient avoir à les affronter... Même dans les unités professionnalisées courantes on ne peut pas non plus actuellement les exposer avec franchise sans qu'on ne risque d'avoir à s'expliquer devant un "journaliste", une "O.N.G" , un "politique", ou un juge...
Par exemple, sur le terrain réel, croit t on que ce sera qu'avec des bonnes paroles que l'on pourra discuter avec un enfant soldat abruti par la drogue? Ou se défendre vis à vis d'irréguliers bourrés à l'eau de Cologne qui , bien rigolards viennent de donner le choix entre "manches courtes et manches longues" à un homme qui cherchait à défendre sa femme qu'ils avaient violée puis éventrée?
Non!
Alors les histoires de B.M.C. répréhensibles ? Qu'on laisse cela de côté. De toutes manières ils existeront toujours! C'est vraiment ne pas connaître les réalités humaines et être bien naïf!
Et quand on a un bataillon à commander sur le terrain, il y a des choses qu'ils faut laisser faire, tout en contrôlant un peu quand même, si on veut conserver la cohésion de son unité, et donc gagner!
C'est bien parcequ'on est en paix, et quelle chance que l'on peut se permettre de réagir ainsi! Mais connaissant le problème, sur le terrain, je ne donne pas trois jours pour que les démons refoulés ne remontent en surface!
Les bons petits gars qui aiment bien leur maman et leur chat, quand ils auront subi le froid, la faim, la trouille, et qu'ils auront vu leurs copains mis en pièce, ils feront comme les autres... Mis le dos au mur, les instincts de base remonteront très vite en surface, et le couteau, la baïonnette, et le reste ne leur posera plus de problèmes métaphysiques.
Alors nier et refuser ces réalités humaines ne sont que niaiseries!
Et je suis simplement réaliste par connaissance de cause!

Publié par Patrick LUCO le 14 janvier 2006 à 22:40

Enfin des avis intéressants, d'hommes de terrain, comme j'aimerais en lire plus souvent.
Le problème de ces intellectuels bien penseurs, puritains et psychologues de cuisine, c'est qu'internet est pour eux un véritable défouloir. Il faut apprendre à les laisser dire, même si parfois c'est pénible et que l'on n'est pas du tout d'accord avec leur opinion irréaliste.

La guerre propre ça n'existe pas.

Publié par Ares le 14 janvier 2006 à 23:18

"....Quand à Eric, je me demande en quoi le post-modernisme à le moindre rapport avec une position morale sur la prostitution ou la « guerre contre la terreur »... "@Bender

Qu'est-ce que le PoMo ? (*)

Il y a un peu plus de 40 ans, Alfred Sauvy inventa, un peu par hasard dans un article de presse, le concept de Tiers Monde. Quel rapport entre le Tiers Monde et le PoMo ? Peut-être une question de glissement des centres de gravité des blocs géopoliques mondiaux où le PoMo serait l'idéologie d'un nouveau Tiers Monde contemporain qui n'est pas là où l'on croit.

Le PoMo, la culture de l'excuse, du pardon, de la honte...qui nous conduit à la dhimmitude.

Le PoMo est culturellement anti guerre contre la Terreur, car le PoMo est soumis et préfère l'esclavage à la mort sur le champ d'honneur. L'honneur, la fierté, le patriotisme, le courage, tout cela, le PoMo l'ignore et le condamne.

Le PoMo baigne dans la tolérance de toutes les idéologies, l'ouverture des frontières, l'égalité des chances, les droits de l'homme universel, la pensée unique, le politiquement correct, la lutte contre la pauvreté, la parité...et oui, la parité...bien sur la parité, y compris dans l'armée car il faut bien des cons pour satisfaire les pulsions de nos braves soldats sur les champs de bataille PoMo.

Le PoMo impose sa dictature par le terrorisme intellectuel, dans tous les domaines de la culture. C'est ainsi qu'un étron plaqué sur une toile est une oeuvre d'art PoMo que vous avez peut-être admirée au MONA ou à Beaubourg. Comme quoi, chez les PoMo, tous les c... sont honorés.

(*) Post-Modernisme : voir ZekII pour une approche superbe du PoMo.

Publié par Eric le 15 janvier 2006 à 1:29

Si on a plus de valeurs à défendre, alors on a plus rien à défendre. Votre peau ne vaut que si vous avez une âme. Perdez votre self-estime et vous n'aurez plus envie de vivre. Il y a quelque chose de plus fort que la survie qui est l'ego, s'aimer soi-même. C'est pour sauver leur ego que certains se suicident.
Si vous avez perdues vos valeurs, alors vous avez perdu la voie, vous êtes dévoyés. vous êtes inutiles et dangereux et la société n'a pas besoin de vous.

La guerre propre ça n'existe pas, c'est vrai. Elle fait cependant partie du champ de l'humanité, et en tant que telle on a créé la Croix-Rouge, le tribunal de Nuremberg, le tribunal de La Haye, etc. On essaie de la perfectionner et pas seulement par l'efficacité des armes employées.
@Ares
Bonne stratégie, quand on n'a plus d'argument, la meilleure défense, c'est l'attaque! Les attaques personnelles, la dévalorisation de l'autre pour ce qu'il est et le non-respect de l'opinion d'autrui sont des arguments terroristes. Encore un petit effort, tu peux surement faire mieux...
@penetrator
La guerre n'est pas un film! Ton pseudo a le même caractère d'immaturité que tes remarques.

Publié par elf le 15 janvier 2006 à 8:34

@ Elf:

Votre première proposition est intéressante mais elle m'apparait quelque peu imprécise. Le "on" dont il est question est il relatif à l'ensemble de la population ou à une catégorie socio-professionnelle particulière, celle que vous entendez ici vilipender?

Par ailleurs, je crois qu'en l'espèce, "nous" "n'avons pas perdus nos valeurs... nous n'adhérons simplement pas aux "votres" sur ce sujet, ce qui est différent. En celà nous ne sommes pas des "dévoyés" puisque fidèles à nous même, selon votre définition. Quant à être "dangereux et inutiles" pour la société, ce n'est jamais que votre avis, certes bien péremptoire, mais qui constitue en rien une vérité, loin de là . Engagé quotidiennement au service de mes concitoyens, j'en suis, en quelque sorte le vivant exemple...Maintenant, je ne vous oblige en rien à m'aimer, enfin à "nous" aimer (pas de quiproquo hein ;) ) Et n'ayez aucune crainte, mon dévouement est gratuit.

Je comprends tout à fait votre conception humaniste de la "chose", pour en revenir au thème de ce billet, mais il me semble par trop inspiré de l'amour courtois, qui ne fut jamais vraiment un modèle de réalisme.

Comme la juriste dont nous parlait Ludovic, pardon notre "grand gourou" :) , vous devriez faire la démarche d'aller voir comment ça se passe effectivement. A défaut de comprendre "intérieurement" ce que des hommes engagés sur des théâtres d'opérations extérieurs , confrontés alternativement au risque et à l'ennui ressentent, vous en aurez une idée plus précise et j'espère objective. Soyez persuadée que si l'esprit peut être fort, la chair est résolument faible, et que dans ce contexte, au bout de plusieurs mois, loin de leur univers familier (et familiale), les tentations sont nombreuses, et pas nécessairement avec les filles de joie". Je maintiens que cette expérience est un préalable indispensable à tout jugement hatif et confortable, je serai tenté de dire "bourgeois" sur la grandeur d'âme de nos soldats.

Publié par Winkelried le 15 janvier 2006 à 10:22

@ Elf

Ce n'est vraiment pas que je manque d'arguments face à votre vision naïve de l'homme et de l'Amouuuur(que je trouve fort charmante d'ailleurs, car presque puérile). C'est juste qu'entre la réalité et ce qui est écrit dans les livres, il y a une marge énorme et que, quoique j'écrive pour vous le prouver, vous n'en démordrez pas, en témoigne votre agressivité à l'égard des intervenants.
Vous êtes une femme, et vous pensez vraiment que toutes les femmes partagent votre vision du monde ? Celles qui se vendent, demandez-leur un peu si ce sont les hommes qui les forcent. Bien sûr la traite des êtres humains existe mais pour une bonne partie d'entre elles, il s'agit aussi d'un travail pour nourrir leur famille. Et celles-là apprécient justement la présence militaire massive. Pour ne rien vous cacher, des prostituées j'en vois presque quotidiennement, et je peux vous dire que l'image qu'en donnent les médias et les beaux-parleurs "humanistes" (là où l'humanisme est plutôt l'imposition d'un courant de pensée assez aérien...)est totalement faussée par leurs croyances.

Ne tombez pas dans le piège. L'homme (au sens humanité) reste un animal avec des besoins qui conditionnent son état psychologique. Lorsqu'on empêche l'homme d'assouvir ces besoins, il devient incontrôlable. Pensez-y... quand on parle d'hommes entraînés à tuer.

Publié par Ares le 15 janvier 2006 à 12:41

Je dois avouer que quand je pense aux horreurs de la guerre, la prostitution arrive vraiment très loin dans la liste.

Un problème avec la prostitution est qu'elle est difficile à définir (l'échange sexe-ressources est la base des relations femmes-hommes, pas seulement de la prostitution) et il m'est arrivé de tomber sur des études où la définition choisie impliquait d'y inclure le mariage ! :)

J'aime assez la définition attribuée à Jacques Brel : "La prostitution, c'est quand on a fini de payer avant". Elle n'est en effet pas 100% exacte mais elle aide à comprendre qu'une part de l'opposition de certaines femmes à la prostitution est tout simplement qu'il s'agit pour elles d'une concurrence déloyale : une femme honnête demandera en plus des ressources monétaires une implication affective, un engagement sur le long terme, etc.

A noter cependant que la croyance générale que seuls les hommes pratiqueraient le sexe pour le sexe, et que les femmes y mettraient toujours une implication affective est assez fausse : les femmes pratiquent aussi le petit coup derrière la porte et une étude qui avait fait croire à des femmes qu'elles étaient sous détecteur de mensonge avait trouvé qu'elles avouaient alors avoir connu 3 fois plus de partenaires sexuels que celles testées sans détecteur ("Les femmes mentent, mentent, mentent" résumait Apollinaire...).

Bien sûr, tout cela est tout autant animal chez les femmes que chez les hommes : les contraintes et les objectifs sont juste un peu différents, la nature n'est pas morale mais juste indifférente.

Voir :
- http://evopsy.org/article.php3?id_article=117
- http://www.evoweb.net/compesex-2003.htm#M6
- http://www.evoweb.net/compesex-2003.htm#feminisme
- http://www.evoweb.net/compesex-2003.htm#goal
(ces trois derniers sont sur la même page)

Publié par Evoweb le 15 janvier 2006 à 13:29

Bon, il ne faut pas tout mélanger : la discussion ci-dessous a été initiée en parlant avant tout du Kosovo, et donc de missions de maintien de la paix qui ne sont pas des guerres. Les soldats de la KFOR font un travail souvent dangereux, je n'en disconviens pas, mais ils mènent également une existence qui n'a pas grand chose à voir avec les conflits de haute intensité. Et c'est ce qui importe dans le cas présent : lorsqu'une formation militaire engagée dans une région pour y protéger les droits de l'homme se met à contribuer à leur violation via la traite de prostituées, elle fait davantage partie du problème que de la solution.

Publié par Ludovic Monnerat le 15 janvier 2006 à 17:21

Je crois que dans ce débat deux réalités doivent impérativement être prises en compte. D'une part, de nombreux hommes ressentent le besoin d'avoir une activité sexuelle. Cet aspect peut-être augmenté par de longues heures d'attente, par un univers avant tout masculin, par l'isolement etc.
D'autre part, dans certains pays, la prostitution est entre les mains de mafieux.
Il ne s'agit pas ici de mettre en opposition ces deux faits, mais de trouver une voie permettant de satisfaire des besoins sans encourager la traite des femmes, ainsi que la criminalité qui en découle.

Alex

Publié par Alex le 16 janvier 2006 à 8:33

C'est exactement mon avis : deux réalités à accepter même si elles peuvent être contradictoires par rapport aux objectifs d'une mission donnée. L'organisation de solutions extérieures au théâtre d'opération, choisie par plusieurs contingents, vise précisément à résoudre cette contradiction.

Publié par Ludovic Monnerat le 16 janvier 2006 à 9:00