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19 décembre 2005

Le diplomate et le soldat

Un débat a été proposé par Ram Zenit sur ce thème, avec pour base un article de Jean-Jacques Roche publié la semaine dernière dans Le Figaro et disponible ici. La place respective de l'action armée et de la négociation diplomatique y est discutée, avec l'évolution notée ces dernières années. Extrait :

Face à ces nouvelles causes de chaos, l'intervention internationale est devenue la norme et remplace le très conservateur principe de non-intervention. Il est à ce titre significatif de voir Bernard Kouchner, l'un des fondateurs du droit d'ingérence, défendre le bien-fondé de l'intervention en Irak. Les modalités de ces nouveaux conflits sont loin d'avoir été mises au jour, mais les échecs répétés de la dernière décennie ne doivent pas occulter le principal enseignement de l'après-guerre froide. Même si le militaire tâtonne, le diplomate est encore moins bien placé pour traiter avec des terroristes, des preneurs d'otages aux mobiles crapuleux ou politiques, des narcotrafiquants déguisés en guérilleros...

A vous d'en discuter !

Publié par Ludovic Monnerat le 19 décembre 2005 à 12:47

Commentaires

Surement dû à mon ignorance abyssale, je n'ai pas trop compris quelles étaient les conclusions de l'article qui me semble se poser des question plutôt que de fournir des réponses.

Concernant l'affirmation selon laquelle "La pensée clausewitzienne avait pour finalité de légitimer la violence pour délégaliser les manifestations de la force." ... je comprends (faussement) les claques sont interdites mais les giffles sont admises ???

Ce que je me souviens de Clausewitz serait "la guerre est la continuation de la politique" ("ou de la diplomatie par d'autres moyens"), une vision tout à fait réalistique, vision si bien appliquée par tout le monde, sauf à des moments de dérive angélique comme à Munich ou dernièrement face à l'"islamisme extrème".

Ma compréhension de Clausewitz (très limitée) me porte à le considérer comme celui qui a reconnu que la diplomatie ("bonnes manières") fondait son pouvoir de gérer des crises sur la possibilité et la menace latente de passer aux "mauvaises manières". Une vision globale des relations du genre "tu manges ta soupe ou tu te couches sans dessert!".

Ce serait utopique mais les candidats à la diplomatie ou au cours d'officiers devraient passer une petite sélection consistant à habiter dans un quartier "sensible" en y (sur)vivant 9 mois. Suite à ce cours d'auto-instruction sur la gamme diplomatie-affrontement les candidats seraient admis à leur cours normaux. Cette période permettrait de concrétiser les enseignements succéssifs et à les mettre en perspective.
... il faudrait naturellement se méfier des éléments qui s'en sont mieux sortis ;-)

Les politiciens n'auront pas besoin de tel "stage" ayant déjà gagné des élections ;-)

Publié par Mikhaël le 19 décembre 2005 à 17:10

"Même si le militaire tâtonne, le diplomate est encore moins bien placé pour traiter avec des terroristes, des preneurs d'otages aux mobiles crapuleux ou politiques, des narcotrafiquants déguisés en guérilleros..."

Diplomates? Comment sont-ils choisis? Souvenez-vous des bourdes colossales de Douste Blazy à Yad Vashem
« Il n'y a pas eu de juifs tués en Angleterre ? » a demandé le ministre des Affaires étrangères français, Philippe Douste-Blazy, au conservateur du Musée de la Shoah. Le conservateur, quelque peu surpris, lui a répondu : « Mais, monsieur le ministre, l'Angleterre n'a pas été envahi par les nazis ! »
Douste-Blazy, loin de se démonter, lui a alors rétorqué : « Mais n'y a-t-il pas eu de juifs expulsés d'Angleterre ? ».
"[http://politiquearabedelafrance.blogspot.com/2005/09/bourdes-de-douste.html]...

Ceci pour montrer le risque à mettre "là " des gens qui savent comment faire leurs interrêts (un salaire de ministre c'est pas trop mal) sans savoir trop de quoi ils parlent ou ce qu'ils font.

Une fois des gens comme-ça aux commandes il ne faut pas s'étonner si le navire va où il va, au grès des du vent des factions aux pouvoir.

Politiques cohérentes? Justice? Droit? C'est bon pour les discours quand on coupe le ruban d'une oeuvre publique qui a enrichi un copain qui se souviendra de vous quand vous aurez besoin d'être réélu, pas plus loin que ça.

Dans tout ça je pense que les militaires ont une idée très concrète du Hezballah (Drakkar), que si on leur demandait, ils sauraient vous dire s'ils pensent qu'il s'agisse d'une organisation terroriste ou pas ... et leur idée d'Ahmadinejad serait assez tranchée aussi considérant que les missiles de Téhéran volent à 3000 km.

Publié par Mikhaël le 19 décembre 2005 à 19:51

A propos de Clausewitz et de la diplomatie:
1) Je comprend que l'usage de la force, selon ce que l'auteur appelle la pensee clauswizienne, n'est legale que lorsqu'elle vient APRES la diplomatie et si celle ci n'a pas aboutie.
Ds ce cas, IMO, ce que l'auteur appelle "hierarchie", ce qui sous-entends une echelle de valeurs, serai plutot, au moins au depart de la pensee clauswizienne, une echelle d'actions temporelle.
Cette echelle d'action temporelle qui prime ds le temps l'action diplomatique a l'action violente, serai devenue une echelle de valeurs morales et legales pour la gestion des rapports entre nations, mettant sur le piedestal de la sacro-saintete les principes de solutions diplomatiques coute que coute et de la non ingerence ds les affaires internes des Etats.
2) Je ne suis pas d'accord avec l'auteur quand il affirme que la pensee ainsi decrite doit se remettre en question avec l'apparution de nouvelles menaces qui viennent uniquement des problemes infra-etatiques. En effet, et comme l'a rappelle Mikhael, Munich des annees 30 et Teheran des annees 2000 posent les memes problemes quant a la reussite de l'action diplomatique. L'approche ci-dessus a ete serieusement mise en question avec l'assenssion d'Hitler et n'a pas attendue l'internationalisation de problemes infra-etatiques.
3) LA notion d'intervention, IMO, n'inverse pas la hierarchie dont parle l'auteur, mais plus tot l'annulle: l'intervention deviend legale au meme titre que la diplomatie. L'echelle de valeurs qui s'est constituee durant les 2 derniers siecles,inauguree par Clauswiz, continuee avec la Societe des Nations et l'ONU, est remise en question et doit etre remplacee par une approche pragmatique. Contrairement a l'auteur qui parle de succes de l'approche diplomatique, sans donner d'exemple, je pense que cette approche basee sur le Droit i.e. la Legislation des rapports entre Nations a ete un fiasco demontre par les 2 guerres mondiales.
IMO, la base de cet echec est la notion de "Nation", comprise differemment par les differentes... nations. La "Nation" comprise par le pouvoir hitlerien n'avait rien a voir avec celle de la France ou de l'Angleterre a la meme epoque. Aujourd'hui la "Nation" islamique, le Dar-el-Islam n'a rien a voir avec la conprehension de la Nation par les pays de l'UE
IMO, la reside le probleme des pourparlers avec l'Iran, la non-ingerence voulue par l'axe "de la paix" en Irak et les erreurs fondamentales de l'UE de comprendre le probleme du moyen orient.

Publié par Ram Zenit le 19 décembre 2005 à 21:09

Je ne suis pas trop d'accord avec ton interprétation des devoir de l'ONU car l'article premier dit:


1 - Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix;

http://www.un.org/french/aboutun/charte/


La charte reconnait aussi le droit à l'auto-défence, elle parle de droit des hommes, droit à la vie etc. L'ONU a voté l'intervention en Corée, celle du Koweit. En effect on parle de "moyens pacifiques" qu'une seule fois, et ces documents sont écrits par des légistes qui ont (il me seble) laissé un porte ouverte pour arrêter un autre monstre nazi.

Je ne m'y connais pas, ou au moins pas autant que toi, mais en tout cas c'est le conseil qui tranche et pour Téhéran le conseil présentera un véto russo-chinois.

Publié par Mikhaël le 19 décembre 2005 à 22:10

Franchement je me perds un peu (paresse?) dans tes points.

Comme les lois des états aussi les loi de l'ONU sont le résultat de rapports de force (suis-je en train de devenir marxiste?) qui comme dans la fable de La Fontaine du "loup et de l'agneau" ne font qu'intériner une réalité independente ... on en revient à la base de la diplomatie où "la raison du plus fort est toujours la meilleure" (mais c'était La Fontaine!).

Où La Fontaine et Marx se rencontrent ... pourquoi? parce que l'angélisme n'était pas pour eux, l'un analysant l'"histoire", l'autre se faisant le porteur d'une sagesse dont le but n'était pas de racconter des fables (voir Propp) mais de trasmettre un "mode d'emploi" de la vie (revoir Propp, en bref: "per aspera ad astra") ou une parabole (voir l'homme de Nazareth).

Une loi de l'ONU, en abscence d'un pouvoir coércitif supérieur (comme l'état dans un pays), ne vaut que la force de ceux qui veulent bien l'appliquer, sans plus.

Il s'agit du point de vue de l'évolution des moeurs, de la société, du droit, d'un document extrèmement important, mais qui n'a que la force de ceux qui peuvent l'imposer.
Hélas.


Pour en revenir à nos chêvres: delenda civita teheranensis

ps
Bach - Concerto for 2 Harpsichords and Strings in C minor BWV 1060 Adagio

Publié par Mikhaël le 19 décembre 2005 à 22:37

Le Diplomate, le Soldat et le Saint esprit. Lequel de cette trinité passe le plus clair de son temps à roupiller ?

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 20 décembre 2005 à 3:21

Ca tombe bien "De la Guerre " est mon cadeau de Noel...
L'usage de la force dans nos contrées civilisées est devenu tres limité, ceci est du à la detestation de la violence etatique issue de la WW2.
On a parlé de la WW2 mais combien d'autres guerres. Coree, Vietnam, Israel, Afghanistan...
De la decoule à la fois un recours un peu trop systematique au conflit armé, et si on a un peu de memoire nous fait dire son contraire (Chamberlain trouvait Hitler tres frequentable) que la lacheté peut etre aussi insupportable que le sacrifice.
L'usage de la diplomatie et de la guerre est une question de temps, d'espace, de mesure de force, et de probabilité de victoire /defaite.
Il y a 3000 ans a peu pres c'est ce que disait Sun Tsu.
Pour ma part je pense qu'il stupide idiot que la legendaire lacheté européenne laisse venir un nouveau Hitler en Iran.
Personnellement je prefere frapper l'ennemi quand il est désarmé;-)
Une derniere chose: le probleme de la Coree du Nord a été enormément occulté mais rappelons nous que la Coree du Nord a livré des secrets notamment en terme de technologie balistique longue portée (le Shahab est un dérivé du Taepodong) et qu'avant toute chose il faut limiter les fuites de secrets militaires.
Je pense qu'un bon nombre de pays complotent actuellement afin de défaire les etats unis, et pas seulement des islamoterroristes, mais des nations "emergentes" (Chine notamment).
L'iran veut de la meme maniere dominer le monde musulman, la chine veut l'aSie-pacifique...et elle utilise (fort bien d'ailleurs) la Corée comme poil-a-gratter contre les etats-unis, remettant en cause la pseudo hyperpuissance americaine

Publié par Zaitsev le 20 décembre 2005 à 5:42

Je pense que je vais resortir le Risk pour Noel :-)

Publié par Zaitsev le 20 décembre 2005 à 5:45

Bravo pour ce blog, M Monnerat.
Sur le sujet de l'ingérence, je signale ce livre, qui fait le point sur ces questions: Justifier la guerre? De l'humanitaire au contre-terrorisme, sous la direction de Gilles Andréani et Pierre Hassner, les presses Sciences Po, 2005.

A noter un excellent article sur les racines chrétiennes de la justification de la violence, et leur implication dans le droit d'ingérence.

Cordialement.

Publié par Stauffenberg le 20 décembre 2005 à 16:03