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5 octobre 2005

Les femmes et la guerre

L'une des preuves les plus marquantes de l'élargissement de la guerre aux sociétés toutes entières reste le rôle croissant que les femmes y jouent. La féminisation progressive des armées en est un aspect, mais les problèmes d'effectifs ont une trop grande influence sur ce phénomène pour le rendre pleinement significatif : le milieu militaire reste profondément masculin, et les femmes n'y sont acceptées qu'à contre-coeur, parce que leurs compétences spécifiques sont nécessaires et parce qu'il faut bien remplir les rangs. Que les opérations de combat en Irak aient confirmé leur valeur combattante ne change rien à l'affaire.

En revanche, la présence de femmes dans les réseaux terroristes islamistes, et qui plus est de converties prêtes à soutenir jusqu'au bout leurs hommes dans le djihad, est un aspect révélateur. Elle montre que les idées radicales et le sectarisme sont un appât pour des personnes fragiles et instables, et que les réseaux islamistes en tirent profit pour recruter une main d'oeuvre utile à plus d'un titre. Mais elle indique également que le personnel de ces organisations censées combattre outrepasse toutes les normes et les frontières usuelles, et que l'emploi de femmes ou d'enfants pour confondre les forces de sécurité est une méthode désormais commune.

L'amenuisement des distinctions entre combattants et non combattants provoque immanquablement un retour à la barbarie. Le terrorisme aveugle, tel qu'il s'est encore manifesté le week-end dernier par les attentats de Bali, écarte cette distinction au niveau des cibles. La composition des organisations armées, relevant du terrorisme ou de la guérilla, écarte cette distinction au niveau des acteurs. Et tout ceci est rationalisé par des idéologies et des doctrines visant à élargir au maximum les moyens et les méthodes. Telle est la marque de la guerre sociétale. Chacun de nous peut être victime. Chacun de nous peut être coupable.

Une telle compréhension de la guerre n'est pas nouvelle. J'en veux pour preuve cet extrait de la Transformation de la guerre, de Martin van Creveld, publié en 1991 :

"La guerre ne se déroulera pas sur un champ de bataille - ce type d'espace n'existe plus de par le monde - mais au sein d'environnements complexes, naturels ou artificiellement créés. Ce sera une guerre d'écoutes, de voitures piégées, de tueries au corps à corps, dans laquelle les femmes transporteront des explosifs dans leur sac, ainsi que la drogue pour les payer. Elle sera sans fin, sanglante et atroce."

Une vision éminemment pessimiste, dont les éléments épars sont bien présents dans l'actualité, et qui doit être acceptée comme telle, c'est-à -dire comme projection, pour trouver la volonté de la conjurer.

Publié par Ludovic Monnerat le 5 octobre 2005 à 9:25

Commentaires

Publié par Robert le 5 octobre 2005 à 11:14

J'ai lu votre article sur les femmes et la guerre.
Je ne suis pas certain d'avoir bien compris ; mais si c'est le cas je dois vous faire part de mon étonnement. Lorsque des femmes combattent du côté occidental, elles sont louées pour leur action : « Que les opérations de combat en Irak aient confirmé leur valeur combattante ne change rien à l'affaire. »

Alors que celles qui s'engagent du côté des terroristes démontrent la faiblesse de ces dernières.

« En revanche, la présence de femmes dans les réseaux terroristes islamistes, et qui plus est de converties prêtes à soutenir jusqu'au bout leurs hommes dans le djihad, est un aspect révélateur. Elle montre que les idées radicales et le sectarisme sont un appât pour des personnes fragiles et instables, et que les réseaux islamistes en tirent profit pour recruter une main d'oeuvre utile à plus d'un titre ».

Sans vouloir défendre les milieux terroristes (je sens déjà que certains lecteurs sont prêts à me sauter dessus), je trouve cette présentation quelque peu manichéenne. Ce n'était peut-être pas votre intention, mais la construction de votre texte donne à penser que c'était le cas.

Alex

Publié par Alex le 5 octobre 2005 à 16:14

J'aimerais avoir moi aussi des précisions sur cette différence d'appréciation du rôle des Femmes au combat. je l'ai compris comme d'un côté lié au volontarisme et de l'autre plutôt incité par un endoctrinement malsain.

Publié par Yves-Marie SENAMAUDy le 5 octobre 2005 à 17:29

Mes propos n'avaient pas pour but de louer ou de blâmer qui que ce soit, mais de réfléchir à la place des femmes dans les actions de combat contemporaines. En effet, pris individuellement, hommes et femmes de toutes origines, de toutes civilisations et de tous temps ont toujours démontré des aptitudes égales au combat. Ce sont les organisations, les doctrines, les équipements et l'entraînement qui forgent la supériorité. Pour être plus précis, les GI Janes et les "veuves noires" font certainement preuve d'une valeur combattante égale.

Maintenant, la différence que j'essayais de mettre en évidence entre armées et réseaux terroristes à propos des femmes est que les premières les recherchent par manque d'effectifs avant tout, alors que les seconds en font un élément à part entière de leur démarche subversive, ce que la conversion ne fait que renforcer. L'emploi de femmes pour des attentats à l'explosif durant la bataille d'Alger, en 1957, est une illustration de ce rapprochement entre combattants et non combattants. Les armées aujourd'hui y concourent, mais de façon collatérale (rappelons que cette distinction a vraiment basculé avec la mise au point de l'aviation de bombardement et la fin des lignes de front).

Enfin, pour rebondir sur les propos d'Yves-Marie, j'aimerais dire que les motivations qui poussent une femme à s'engager dans une armée ou dans un réseau terroriste ne sont peut-être pas aussi différente que mes propos sur la place des femmes pourraient le laisser penser. C'est bel et bien un autre sujet. Aucune armée ne fonctionne sans une petite partie d'endoctrinement, aucun réseau terroriste ne recrute sans susciter un certain volontarisme.

Publié par Ludovic Monnerat le 5 octobre 2005 à 18:10