« Le bilan de septembre | Accueil | Les femmes et la guerre »

4 octobre 2005

La France et l'OTAN

Le Figaro a consacré hier une série d'articles au lancement opérationnel de son nouvel état-major multinational, le Corps de réaction rapide-France (CRR-FR). Le ton donné par ces textes est très clair : il s'agit pour la France de réaffirmer son statut de puissance militaire sur le plan international, et d'être capable de commander des actions d'envergure dans le cadre de l'OTAN ou de l'Union européenne. C'est pourtant bien l'Alliance atlantique qui constitue le moteur de cette évolution, et le retour progressif de la France dans ce bercail, quitte à formater un état-major et ses éléments de soutien selon les standards OTAN, montre bien que l'UE ne constitue qu'une hypothèse politique.

Concrètement, de quoi s'agit-il? L'Armée de terre française vient en fait de mettre en oeuvre le 7e état-major terrestre multinational de réaction rapide, qui entre dans le cadre des High Readiness Forces (HRF) de l'OTAN ; les 6 autres sont l'Allied Rapid Reaction Corps essentiellement britannique (et qui se prépare à commander l'ISAF en 2006, en Afghanistan), l'Eurocorps, le corps germano-néerlandais, le corps italien, le corps turc et le corps espagnol. Ces états-majors sont en mesure d'appliquer le concept de force de réaction rapide de l'OTAN (NRF) : déployer après 5 jours de délai un contingent de la taille maximale d'une brigade et assurer le commandement de l'opération pour une période allant jusqu'à 6 mois. Ce qui n'est pas une mince affaire, lorsque l'on sait qu'il faut 17 vols de C-17 pour déployer l'EM de l'ARRC.

Cet état-major suit donc les lignes de la planification faite à l'OTAN à l'enseigne du concept CJTF, et le CRR-FR est prévu pour être en alerte dans la rotation n°11 entre juillet 2008 et janvier 2009. Pour une opération d'une grande ampleur, il va de soi qu'un état-major opératif est nécessaire - ceux fournis par les Joint Forces Command HQ de Brunssum et Naples, anciennement AFNORTH et AFSOUTH, ou le Joint HQ de Lisbonne. Dans ce cas, la planification de l'opération doit commencer dans un délai de 7 jours - le temps de réunier les officiers d'état-major nécessaires - et le déploiement dans un délai de 30 jours. Un QG de CJTF compte en principe 525 officiers d'état-major, sauf s'il est déployé en mer - l'USS Mount Whitney, qui peut être activé en 72 heures, n'offrant que 253 places.

Quels enseignements peut-on tirer de tout cela? La France défend ses intérêts stratégiques en adaptant et en intégrant ses capacités de projection de puissance, et elle confirme son rôle d'acteur majeur dans le domaine des conflits armés. En revanche, il paraît bien difficile aujourd'hui de s'imaginer comment il est possible qu'un état-major opérationnel puisse laisser ouverte la chaîne de commandement qu'il appliquera - celle de l'OTAN ou celle de l'UE. Le recours à des systèmes d'information et de communication de type OTAN, ainsi que l'intégration d'officiers non membres de l'UE, impliquent une dépendance considérable envers l'OTAN, envers ses structures, envers ses processus, et donc envers ceux qui les contrôlent le plus - les Etats-Unis d'Amérique.

Malgré cela, toute amélioration des capacités militaires européennes est une chose aussi positive que souhaitable.

Publié par Ludovic Monnerat le 4 octobre 2005 à 13:24

Commentaires

"... Ces états-majors sont en mesure d'appliquer le concept de force de réaction rapide de l'OTAN (NRF) : déployer après «« 5 jours de délai »» un contingent de la taille maximale d'une brigade et assurer le commandement de l'opération pour une période allant jusqu'à 6 mois..."

Je ne peux résister... Comme ça M. Bush était en plein dans les temps face à Katrina ;-)

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 4 octobre 2005 à 17:18

"L'État fédéral a presque complètement tenu ses délais de prévision, mais le volume d'aide apporté entre les 72-96 heures a été sans précédent. 

"La réponse fédérale, cette fois-ci, a été plus rapide que pour Hugo, plus rapide que pour Andrew, plus rapide que pour Iniki, plus rapide que pour Francine et Jeanne."

"Par exemple, il avait fallu cinq jours aux troupes fédérales pour arriver en force sur les lieux, à  Homestead, en Floride, après que Andrew avait frappé en 1992. 

"Après Katrina, en revanche, c'est au bout de trois jours qu'on a constaté la présence de la Garde Nationale dans la région touchée."
http://www.upjf.org/actualiees-upjf/article-10335-123-4-propos-katrina-pas-honte-avoir-jack-kelly.html

Publié par François Guillaumat le 4 octobre 2005 à 22:31

On rebondit sur ce débat ?

Ce qui surprend le plus pour les Européens dans l'organisation des secours, c'est qu'il semblent que que sont les forces armées qui prennent les opérations en mains et que soient les organisations civiles qui soient des auxillaires.

En France, ce sont les services telles la Sécurité Civile qui s'occupent des désastres et l'armée se contentent de fournir la main d'oeuvre et les moyens logistiques.

Et il y a surtout le fait que l'arrivée du cyclone était prévue des jours à l'avance et que l'évacuation et surtout les centres qui devaient servir d'abri n'ont pas étaient à la hauteur du désastre annoncé. J'ai lu que le chef de la police de la Nouvelle Orléans allez démissioner et que des centaines d'agents de la police de la police vont passer en conseil de discipline.

Au fait, pour revenir à l'article d'origine, CJTF, cela signifie Combined Join Task Force ?

Avoir des états major, c'est bien, mais il faut surtout avoir les troupes à placer sous leur commandements ;)

Nous avons déja plus d'amiraux que de navires dans la Royale...

Publié par Frédéric le 5 octobre 2005 à 1:03

Concernant les situations de catastrophe, cela dépend des pays : en Suisse, les états-majors de crise civils sont suffisamment entraînés et équipés pour demander à l'armée uniquement des prestations, et non la prise du commandement. Chaque canton dispose ainsi d'un PC, fixe ou mobile, à partir duquel les secours peuvent être dirigés.

Concernant la CJTF, il faut effectivement disposer de troupes en-dessous des troupes. Les pays membres de l'OTAN font également des contributions dans ce sens, et les unités entrant dans le cadre des rotations NRF sont désignées clairement pour un déploiement. La question pointue à poser est de savoir les moyens prévus pour la NRF ne sont pas les mêmes que pour les battle groups de l'UE... L'avenir le dira.

Publié par Ludovic Monnerat le 5 octobre 2005 à 9:05

Pour les états majors, plus besoin de faire des kriegspiel, les ordinateurs vous disent qui vont gagner les batailles :) :

Le logiciel qui vous prédit l'issue d'une guerre
Courrier International - mercredi 5 octobre 2005 | 10:18 International


"Un logiciel peut-il réellement être capable de prédire l'issue d'un conflit armé comme un logiciel de météorologie prédit le temps ?" s'interroge The Economist. L'hebdomadaire rapporte l'histoire d'un colonel à la retraite qui a annoncé en décembre 1990, trente-cinq jours avant le début de la guerre du Golfe, un bilan de l'opération Tempête du désert qui se préparait. Or cet homme, un historien militaire nommé Trevor Dupuy, s'est révélé meilleur prévisionniste de guerre que le Pentagone lui-même. "Son arme secrète était un logiciel appelé Tactical Numerical Deterministic Model ou TNDM, conçu par le Dupuy Institute, un think tank militaire original basé près de Washington. Ce logiciel résulte de la collaboration de programmeurs en informatique, de mathématiciens, d'experts en armement, d'historiens militaires, de généraux à la retraite et de vétérans", précise l'hebdomadaire économique britannique.

La performance du TNDM n'a rien à voir avec le hasard. D'ailleurs, "la Bosnie fut son deuxième grand test", qui réussit à asseoir la réputation de fiabilité du Dupuy Institute. En fait, pour réaliser ses performances, le TNDM dispose d'"une des plus importantes bases de données historiques de combats au monde". En entrant les données les plus diverses et les plus précises, on obtient "un rapport de trois pages contenant des prévisions en pertes de personnel et en équipements, en captures de prisonniers de guerre et en gains et pertes de terrain".

Le TNDM est commercialisé à 93 000 dollars [78 000 euros], un tarif qui comprend "des cours de formation, une année de support technique et une inscription à la newsletter TNDM, mais les mises à jour sont payantes". Reste que, "au lieu d'acheter simplement le TNDM, la plupart des clients demandent directement au Dupuy Institute de réaliser des études qui combinent les prévisions logicielles avec l'analyse humaine". The Economist ajoute que le TNDM n'est pas le seul système de prévision de guerre, mais qu'il est clairement "leader dans son secteur".

Publié par Frédéric le 5 octobre 2005 à 12:11

The site is fantastic.

Publié par Maga le 1 novembre 2005 à 9:57