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19 octobre 2005
Confusion en Afghanistan
Un article mis en ligne hier par Le Monde affirme que la France a fait valoir sa position concernant le devenir des opérations de l'OTAN en Afghanistan. Depuis plusieurs mois, les discussions sont en effet intenses au sein de l'Alliance concernant une intégration des 2 forces multinationales actuellement déployées dans le pays : l'International Security Assistance Force (ISAF), qui compte 10'500 militaires de 38 nations différentes sous le commandement de l'OTAN, via le Joint Forces Command HQ de Brunssum ; et la Combined Joint Task Force 76 (CJTF-76), qui compte quelque 20'000 militaires avant tout américains sous le commandement du Central Command. L'extension progressive des activités de l'ISAF, au nord puis à l'ouest du pays, va ainsi se poursuivre au sud, et ses effectifs passeront à 15'000 militaires.
Ces deux forces ont en théorie une mission radicalement différente : l'ISAF est chargée de stabiliser et de sécuriser l'Afghanistan, alors que la CJTF-76 est chargée de combattre les islamistes au sud-est du pays. La dimension politique de cette différence est importante, puisqu'il est possible de présenter les uns comme « faisant la paix » et les autres comme « faisant la guerre », et la France n'est pas le seul membre de l'Alliance a être sensible à cette perception. De ce fait, la reprise par l'OTAN de l'opération « Enduring Freedom » aurait trop ressemblé à une reconnaissance de la stratégie offensive américaine mise sur pied au lendemain du 11 septembre pour être sans autre acceptée.
Mais dans la réalité, cette différence est très largement fictive, et ceci pour au moins trois raisons. Premièrement, plusieurs pays ont engagé dès 2002 des contingents dans les 2 opérations simultanément, comme la France avec un contingent dans l'ISAF pour la formation de l'armée afghane et un contingent de forces spéciales dans la CJTF-76 pour la traque des membres d'Al-Qaïda. Deuxièmement, la séparation entre les 2 opérations est loin d'être nette : non seulement les deux structures échangent-elles des renseignements sur une base quotidienne, mais l'ISAF fournit également des appuis - feu air-sol, transport, etc. - à la CJTF-76 lorsqu'une demande peut être satisfaite. Troisièmement, dans l'esprit des islamistes présents dans le pays et en bordure, tous les soldats occidentaux sont des ennemis.
Le fait que des soldats français aient été blessés aujourd'hui par un explosif improvisé au nord-ouest de Kaboul souligne malheureusement la vacuité des oppositions politiques basées sur des apparences confuses. Le compromis annoncé par le général dirigeant le comité militaire de l'OTAN, avec un adjoint « sécurité » de l'ISAF ayant une double subordination, n'aboutira qu'à une structure bancale que les militaires déployés vont rapidement contourner. Sur place, personne n'ignore que les opérations visent des objectifs à terme similaires, et que l'OTAN est appelée à renforcer son emprise sur le pays et la région sous peine de voir ses efforts réduits à néant.
COMPLEMENT (21.10, 0700) : Un communiqué officiel du Pentagone résumant les propos du SACEUR, le général Jones, complète et corrige la perspective. Il fournit notamment plus de détails sur l'articulation future de l'ISAF et donne des chiffres différents concernant le volume actuel des forces :
When the plan is complete, Germany will command in the northern provinces, Italy those in the west and around Kabul, the United Kingdom in the south, and the United States in the east. France and Turkey will also share the security mission in the north.
Once the NATO mission has expanded throughout the country, those forces will probably come under the command of an American general, who will also be commander for non-NATO nations in the country, Jones said. Currently, 12,000 members of NATO's security force are in the country. Just over 21,000 soldiers are in the coalition force in the region, including about 18,000 U.S. servicemembers.
Publié par Ludovic Monnerat le 19 octobre 2005 à 17:47
Commentaires
Si je comprend bien, ce billet ne fait que souligner l'erreur fondamentale du refus de la France de participer à l'intervention américaine en Irak. On peut être en désaccord avec la méthode d'intervention des Américains mais en tant qu'allier on avait l'obligation de les suivre et non pas de se cacher derrière l'ONU ( ce foutoir d'idées ). On reste neutre et on ne fait pas d'alliance si on s'inféode à L'ONU et on n'a pas l'outrecuidance d'être pointilleux quand on essaye de se racheter en faisant la jobe par la porte de derrière.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 19 octobre 2005 à 19:12
Entièrement d'accord sur le peu de différence entre le rôle réel des deux forces sur le terrain, ou tout du moins la perception que les terroristes et les locaux en ont.
Les forces spéciales françaises étaient parmis les premières à intervenir sur le terrain, et l'armée française a notamment fourni un gros effort pour remettre en état l'aéroport essentiel de Kabul. Même si les actions des forces spéciales françaises en Afghanistan ont été assez peu médiatisées (en particulier celles du service action), leur travail sur place semble avoir été très apprécié par leurs partenaires.
Le travail des forces spéciales en Afghanistan a d'ailleurs été impressionnant, notamment au début de la guerre où les forces spéciales US auraient, entre autres à plusieurs reprises utilisé la cavalerie (chevaline) des seigneurs de guerre pour attirer les chars et les troupes des talibans avant de réclamer un appui aérien.
Il faut tout de même noter que les opérations en Afghanistan et en Irak dépendent de deux dynamiques politiques différentes aux yeux de la France. Même si la diplomatie française et sa "politique arabe" sont teintées d'une certaine ambiguité, l'engagement de la France en Afghanistan, sa forte implication dans le retrait des troupes syriennes du Liban, ses actions en Afrique et sa collaboration avec les Etats-Unis en matière de renseignement anti-terroriste montrent bien qu'elle n'est pas toujours réfractaire à l'idée de combattre le terrorisme ou les formes de dictature, quand cela sert ses intérêts, bien évidemment.
Publié par Mugon le 19 octobre 2005 à 22:04