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9 septembre 2005

Soldats contre citoyens

On peut lire sur Un swissroll plusieurs réflexions intéressantes sur un reportage d'Envoyé spécial consacré à l'évacuation des colonies israéliennes dans la bande de Gaza. Il s'agit notamment du fait d'envoyer des soldats de milice imposer à des citoyens la volonté exprimée par leur Gouvernement :

Mais le plus impressionnant ne réside pas dans la technique militaire (qui n'est pas ma tasse de thé de toute manière) mais bien dans le simple fait qu'un Etat démocratique ait pu envoyer sa propre armée contre ses propres citoyens afin de les évacuer non pas le temps de remettre un peu d'ordre comme à la Nouvelle-Orléans mais bien de manière définitive.
[...]
Quel Etat de droit est capable d'envoyer son armée expulser ses propres citoyens pour faire respecter une décision du gouvernement ? Quel Etat peut réussir cette opération en limitant au maximun l'usage de la violence? Quel Etat peut surmonter un traumatisme pareil sans une véritable explosion sociale ? Israël sans doute plus que nos démocraties occidentales qui n'y survivraient peut être pas.

Je crois que ces questions mettent un lumière un aspect essentiel de nos sociétés modernes : l'acceptation de l'autorité et de la coercition qu'elle utilise pour parvenir à ses fins avec l'assentiment de la majorité du public. L'emploi efficace de l'armée pour mettre un terme à un blocage largement politique, même avec des forces aussi performantes que celles de Tsahal, suppose en effet un civisme devenu très rare dans les Etats occidentaux. Le fait que les militaires israéliens n'aient pas été perçus comme les agents consentants d'une répression injuste, mais bien comme l'outil coercitif ultime d'un Gouvernement légitime, illustre une maturité civique qui effectivement distingue Israël. Même si les actions de combat que mène la même armée contre les Palestiniens contribuent sans aucun doute à modifier sa perception au sein du public israélien comme des colons.

La décision d'employer l'armée contre ses propres citoyens reste néanmoins particulièrement difficile. En Suisse, les formations de milice n'ont ainsi pas le droit de prendre part au service d'ordre, sauf en cas de menace grave pesant sur la situation intérieure, et seuls les professionnels de la sécurité militaire peuvent le faire en coopération avec les forces civiles. On se souvient cependant que la grève générale de 1918 a été maîtrisée grâce au recours à la troupe, et que cela n'a pas occasionné de débordement ; l'incident tragique de 1932 à Genève, lorsque des recrues ont ouvert le feu sur la foule, ne suffit pas à expliquer la réticence dont témoignent aujourd'hui les autorités. Il existe aussi un refus instinctif de la confrontation, une crainte des décisions tranchées, à l'échelon politique.

Dans ce cadre, et pour contredire ce que l'on peut lire sur Un swissroll, je pense que le manque de discipline dont témoignent les soldats suisses joue un rôle important. Le déficit de confiance envers l'armée et ses jeunes citoyens-soldats se nourrit de ces infractions, certes mineures mais répétées, à l'ordre militaire. Une armée qui consacre la majorité de ses jours de service à l'instruction n'a pas assez de visibilité opérationnelle pour ne pas dépendre étroitement de la tenue affichée par ses membres.

Publié par Ludovic Monnerat le 9 septembre 2005 à 10:18

Commentaires

Il est clair qu'une armée ne devrait jamais porter les armes face aux citoyens nationaux. Cependant le retrait israëlien s'est passé sans pertes et sans casse. C'est une bonne chose.
Quelle est par contre la stratégie de Sharon dans ce retrait? Qu'espère-t-il? Le Hamas et al, ne va pas baisser les armes, au contraire, ils considèrent cela comme une victoire sur l'occupant ! Quid des familles déplacées de force? Vous laisseriez-vous expulser par votre propre pays, pour une cause politique (inutile) si cela faisait 25 ou 30 ans que vous occupiez votre maison, où vous avez élevé vos enfants? Personnellement, une résistance armée ne m'aurait pas choqué et je l'aurais parfaitement comprise et soutenue.

Publié par Ares le 9 septembre 2005 à 12:20

Pour Ares: pour mémoire, les colons israéliens n'ont pas été expulsés de leur propre pays mais bien d'un territoire palestinien! C'est pour cela d'ailleurs que l'on utilise à leur égard la terminologie de "Colons". Si l'occupation militaire d'après 1967 était largement compréhensible par contre, l'installation de colonies a été une erreur politique, stratégique et sociale.

Pour le reste je suis en accord avec vous, l'armée n'a pas pour mission de porter les armes contre ses propres concitoyens sauf dans des cas d'extrême urgence et encore avec beaucoup de circonspection.

B.

Publié par B. le 9 septembre 2005 à 12:49

http://www.jpost.com/servlet/Satellite?pagename=JPost/JPArticle/ShowFull&cid=1125973153762&p=1006953079865
Voila en quel termes il faut parler de Gaza
par Max Singer,  Jérusalem Post, 6 Septembre 2005


Dès que les commentateurs palestiniens abordent la question du retrait d'Israël de Gaza, ils prennent soin de souligner que des colons israéliens ont été expulsés "de la terre palestinienne" où, du point de vue juridique, ils n'ont en aucune manière le droit de résider. Les responsables palestiniens, qui demandent des compensations pour les travaux de déblaiement des gravats des implantations détruites, partent de la prémisse que les habitants des implantations ont occupé illégalement des terres palestiniennes qui ne leur appartenaient pas.

En revanche, indépendamment de leur position personnelle sur le désengagement, lesresponsables et les observateurs israéliens, ne prennent presque jamais la peine de signaler que les droits d'Israël sur la terre du Goush Katif sont au moins aussi fondés que ceux des Palestiniens.

L'affirmation des Palestiniens que le Goush Katif est une terre qui leur appartient du point de vue du droit, est tout simplement fausse. Gaza n'a jamais été "une terre palestinienne". De 1948 à 1967 c'était un territoire occupé par l'Égypte. Auparavant, de 1922 à 1948, il faisait partie du mandat de la Société des Nations en vue de créer un foyer national juif sous la tutelle de la Grande-Bretagne. Et pendant les quatre siècles précédant le mandat, il faisait partie de l'empire Ottoman.

Il n'y avait pas d'entité souveraine appelée Palestine, et donc pas "de terre palestinienne" au plan juridique, dans la période actuelle comme dans l'Histoire antérieure.

Les Palestiniens affirment que le mandat de la Société des Nations autorisant l'implantation des Juifs à Gaza, en Cisjordanie et sur toute la terre située à l'ouest du Jourdain, était illégal, arbitraire, sans aucun fondement. Ils prétendent aussi, contrairement à la plupart des avis juridiques, que la résolution 242 du Conseil de sécurité de l'ONU exigeait qu'Israël évacue tous les territoires conquis dans la guerre 1967. Ils n'expliquent pas comment des territoires occupés par l'Égypte et la Jordanie avant 1967 sont devenus palestiniens du fait d'une Résolution qui ne mentionne ni la Palestine ni les Palestiniens.

La revendication fondamentale des Palestiniens, et la raison qui conduit Israël à abandonner le Goush Katif, est que la minuscule Bande de Gaza doit être traitée comme un tout, et que plus d'un million de Palestiniens y vivent contre seulement 8.000 Israéliens. Si le Goush Katif était séparé du reste de Gaza par un tremblement de terre, s'il était devenu une île sans Arabes, ce serait notre île, et les Palestiniens ne la réclameraient pas avec beaucoup de conviction. Il en serait de même si une frontière était tracée entre le Goush Katif et le reste de Gaza.

Naturellement, la majeure partie de cette énorme population qui exige le départ d'Israël est l'effet d'un crime commis par les arabes, qui a forcé les réfugiés de 1948 et leurs descendants à demeurer à Gaza pour servir d'arme contre Israël. Ils auraient du être installées depuis bien longtemps sur des terres arabes, mais on les a obligé à endurer des souffrances sur trois générations pour servir la cause de la haine arabe de l'État juif. Si les réfugiés palestiniens de 1948 avaient été traités comme les autres réfugiés de cette époque, infiniment plus nombreux, ils auraient été réinstallés ailleurs il y a deux générations.

Puisque il y a tellement de Palestiniens qui vivent à Gaza, il vaut mieux que la justice, la sagesse et la générosité y règne sous l'égide de la "Palestine" ; ce n'est pas un argument de dire que les Palestiniens ne sont pas à même d'administrer Gaza. Et peut-être que certaines de leurs revendications légitimes démontreront leur bien-fondé dans l'avenir au détriment des arguments israéliens.

Mais nous n'y sommes pas encore. En attendant les Palestiniens ne sont que des quémandeurs ; ce ne sont pas des propriétaires dépouillés de leurs biens parce qu'ils n'ont jamais été propriétaires.

La satisfaction des revendications individuelles sur la propriété dépend du gouvernement qui administre le territoire et elle constitue donc un sujet distinct ; en général les Palestiniens ne font pas état d'une propriété personnelle sur les dunes qu'ils qualifiaient de "terre maudite," et elle ne seront pas attribuées à des Palestiniens en auraient été propriétaires auparavant.

Pour la plupart des Israéliens il parait aujourd'hui évident que c'était une erreur de créer des implantations à Gaza dans les années 70, mais qu'il s'agisse d'une erreur ou pas ce n'était certainement pas illégal. Bien qu'on puisse développer des arguments juridiques à l'encontre du droit des israéliens de s'installer à Gaza, ces arguments ne sont pas assez décisifs pour lui ôter tout fondement. De nombreux universitaires pensent que la valeur juridique des prétentions israéliennes est beaucoup plus solide que la thèse contraire.

Les Palestiniens s'emploient inlassablement à convaincre tout le monde, eux-mêmes et des Israéliens compris, qu'Israël est en train d'abandonner les implantations de Gaza de la même façon qu'un voleur est finalement obligé de rendre ce qu'il a volé. C'est une dangereuse calomnie, et Israël mettrait en cause sa sécurité et sa force morale en ne la réfutant pas. Les jeunes israéliens, y compris ceux qui soutiennent vigoureusement la politique de retrait, doivent comprendre très clairement que ceux à qui nous remettons Gaza ont des droits dont la valeur juridique est bien inférieure aux nôtres. Israël sacrifie une terre sur laquelle il a des droits dont les fondements légaux, moraux et historiques sont puissant, pour, espère-t-il, améliorer sa capacité de se défendre contre l'entreprise palestinienne parfaitement illégale de le détruire, par tous moyens, sans exclure les campagnes terroristes.

Israël n'a aucune raison de se ressentir de la culpabilité à cause des Israéliens qui ont vécu dans le Goush Katif pendant plus de 30 ans. Dans cette période, ils ont permis à leurs voisins palestiniens de tirer de grands bénéfices de leur présence. Ils ont généralement vécu en paix avec eux jusqu'à ce que Yasser Arafat arrive à Gaza grâce au processus d'Oslo qui semblait être une bonne idée pour beaucoup de monde.

Notre gouvernement et ses citoyens, qu'ils soient oranges, bleus, ou entre les deux, doivent faire ressortir qu'Israël a volontairement (c'est-à -dire sans compensation) remis aux Palestiniens une terre sur laquelle il a les droits les plus fondés, sur le terrain de la légalité comme sur celui de l'Histoire. Cette constatation peut renforcer la théorie palestinienne selon laquelle Israël a été bouté hors de leur terre par la "résistance". Mais il est plus que jamais de la plus haute importance que les Israéliens comprennent et réaffirment bien les droits juridiquement fondés qui justifiaient notre présence à Gaza, et qui demeurent aussi la pierre angulaire de notre légitimité comme État.


L'auteur, fondateur et membre de l'Hudson Institute, est aussi un collaborateur confirmé du BESA Center de l'Université de Bar-Ilan.

Publié par François Guillaumat le 9 septembre 2005 à 15:04

Plus simplement, pour ma part, l'évacuation forcée des colonies de Gaza s'est faite pour *sauver* leurs habitants. En effet, la démarche est à la base que l'armée ne souhaitait plus assurer leur protection.

On pourra arguer que personne n'a demandé leur avis aux colons. Le fait est qu'ils auraient sans doute préféré rester, le fusil à sur les genoux et la Tora à portée de main, face à des Palestiniens avides de les massacrer dès que les militaires auraient vidé les lieux. L'aveuglement religieux permet de croire à l'invulnérabilité...

L'armée n'a pas laissé ce scénario se développer, et c'est tant mieux pour tout le monde. Je suis persuadé qu'à partir du moment où Ariel Sharon a décidé de ne plus forcer l'armée israélienne à assurer la défense des colonies de Gaza, l'évacuation de ces dernières s'est logiquement imposée comme la trajectoire qui ferait le moins de victimes.

Publié par Stephane le 9 septembre 2005 à 16:26

Ludovic a tout à fait raison. La discipline au sens le plus large est également une carte de visite dont dépendent le respect et la confiance que l'on a envers l'armée. C'est ce côté "présentation" qu'un grand nombre de soldats (et de cadres...) ne comprennent tout simplement pas. J'appelerais cela le principe "de la cravate": si je mets une cravate, à quoi cela sert-il si je na la serre pas?

Question de mentalité.

Publié par Robert le 9 septembre 2005 à 18:30

La personne qui m'a le plus frappé est cette jeune femme de Cisjordanie qui a fait son travail tout en sachant que peut-être, demain, c'est chez elle la même chose. Respect.

Je vais garder l'émission et, si j'en ai l'autorisation, la montrer lors de mon prochain CR là ma section ou companie pour essayer d'aborder certains points qui sont parfois un peu délicats. Peut-être que ça me permettra d'expliquer mieux qu'avec mes mots le fait que parfois, servir son pays, c'est devoir faire certaines choses en lesquelles on ne croit pas. Enfin, qui vivra verra.

Publié par Pierre-André Jacquod le 9 septembre 2005 à 18:47

A noter qu'en France, au cours du XXeme S., il n'était pas rare de voir l'armée utilisé comme force de police, gréves dans les mines du nord, en 1906 dans le Languedoc pour la crise viticole, pendant les manisfestations de l'entre deux guerres, en Algérie, et méme en 1968, le contingent était tout prés d'étre envoyer à Paris.

Et pourtant, il s'agissait d'une armée de conscrits.

Publié par Frédéric le 9 septembre 2005 à 20:55

pour B.

Pour mémoire la région de Gaza a été conquise aux égyptiens. Le saviez-vous?
Sans parler de Judée et Samarie occupées et annexées par la Jordanie en 1948!
Où était la "palestine" et les "palestiniens"?

Et qui occupait quoi? On devrait aller au delà de cette vulgata soviétique.

Colons:
Avec un leader "palestinien" (Arafat) né au Caire, avec un modèle de terroriste né en Syrie (Azedin al Qassam, devenu saint protecteur des escadrons de la mort du Hamas), avec des patronimes comme el Masri (l'égyptien) ou al Bagdhadi ou al Turki ou al Mughrabi (le maghrebin), avec trois quarts des ancêtres proches (grands pères) en provenance des pays plus où moins voisins (certains ammené du Caucase par les turques ou mêmes des algérois) ... les arabes arafatiens me semblent aussi colons sinon plus que ceux qui ont déménagé.

Colons.
Quand on sait (et il faudrait le savoir) que les "colons" israëliens faisaient pousser la laitue (principaux producteurs nationaux) et les fleurs sur les dunes sans parler du reste, tandis que les "palestiniens" attendaient tous les mois l'argent de l'UNRAW ... on devrait regarder au-delà et comprendre mieux la situation.

Faudrait-il revenir au sens premier du mot colon? Le sens utilisé par les grèques de l'antiquité, dont les "colonies" s'appelle Néa Polis (Naples), Marseilles etc?
Vous pouvez voir ici la naissance de Tel Aviv
http://www.eretzyisroel.org/~dhershkowitz/pic116-m.jpg
http://www.eretzyisroel.org/~dhershkowitz/pic119-m.jpg

Vous pourrez constater combien de "palestiniens" habitaient les lieux: zéro! et comment ils verdoyaient ...


Pour ce qui concerne les raisons du retrait ... j'ai envoyé un mail à Ludovic où je lui expliquait que ce qui s'est passé sur le terrain est différent de ce qu'on peut bien apprendre à un cours de géopolitique.


Publié par Mikhaël le 10 septembre 2005 à 23:56