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8 septembre 2005
Les mosaïques sociétales
Cet article publié dans le Washington Times offre un excellent exemple de la complexité qui caractérise les opérations militaires dans les conflits de basse intensité. Les divisions tribales qui sont décrites forment à elles seules un casse-tête permanent :
Tall' Afar is home to 82 different tribes. Each with up to 12 sub-tribes. Tribes are comprised of both Sunnis and Shi'a, as the two groups intermarry regularly.
The town's minority Shi'a population is well-connected politically: five members of Iraq's Transitional National Assembly in Baghdad are local Turkoman Shi'ites.
The Sunnis also accuse the Shi'ites of being involved with the Badr brigade, an outlawed Shi'ite militia with connections to Iran.
Kurds and Turkmen historically have warred, but when sides are being chosen here, the Turkmen Shi'ites often ally themselves with the Kurdish Sunnis against the Turkmen Sunnis.
On comprend mieux pourquoi le commandant américain cité dans l'article a mis 4 mois pour comprendre de quoi il s'agit. Lui-même a d'ailleurs une compréhension évidente de la difficulté de sa tâche, en utilisant une image plus parlante pour le public américain :
"Imagine this is Newark, New Jersey," Hickey explains.
"The entire police force has been disbanded and the mafia has become the police. There is 70 percent unemployment, no city services and terrorists are in the city.
"And you are Chinese and you've been told to come in and work it out.
"And you are dealing with Tony Soprano."
On peut tirer de ses propos une déduction assez claire : s'il faut 4 mois à une unité donnée pour cerner les acteurs qui emplissent son secteur d'engagement, alors chaque rotation entre unités - qui sont déployées 12 mois - produit nécessairement une période de flottement contre-productive. Conséquence : seules des unités déployées plus longtemps, et notamment des unités locales, sont à même d'influer durablement et efficacement sur les causes et les effets d'une violence irrégulière et multiforme. Raison pour laquelle la stratégie américaine en Irak, qui s'appuie très largement sur le développement des capacités sécuritaires nationales, est la seule possible.
Ceci étant, on peut également se dire que le 3e régiment de cavalerie américain, l'un des fleurons de l'arme blindée US, est probablement l'une des formations les plus réticentes à réformer sa culture militaire et abandonner son idéal du combat symétrique. Durant son premier déploiement en Irak, d'ailleurs, cette formation s'était distinguée par un hermétisme culturel assez flagrant - effectuer des raids nocturnes dans des villages irakiens avec des hauts-parleurs qui hurlent du AC/DC n'étant pas exactement la meilleure manière de gagner les coeurs et les esprits...
Quoi qu'il en soit, la nécessité d'accepter les mosaïques sociétales comme les espaces d'engagement contemporains des formations militaires me semble incontournable. L'infinie complexité des relations humaines doit être intégrée.
Publié par Ludovic Monnerat le 8 septembre 2005 à 8:52
Commentaires
Je concorde avec vous: ACDC est un des niveaux les plus bas possible de bruit générée par l'homo sapiens.
Par contre un "woodoo child" de J. Hendrix aurait sûrement ajouté quelque chose du côté psy de l'opération, ainsi qu'une unité "gone native" (genre Kurtz "Heart of darkness" version Tikrit) avec des trackers "montagnards" (Kurdes) aurait permis une interaction majeurement empathique avec les autochtones.
Etabli un adéquat et efficace registre de communication, sans inutiles incompréhensions, la lutte contre les saddammites ou les islamistes aurait pris un tournant plus centré, plus no non-sense, dramatiquement plus efficace.
Les enseignements du capitaine Léger (pour en rester à des personnages publics) leur seraient d'extrème utilité.
Publié par Mikhaël le 8 septembre 2005 à 21:21
"L'infinie complexité des relations humaines doit être intégrée."
Exact, et Nicolas Sarkosy (le pragmatique) l'a compris depuis longtemps puisque " un responsable musulman qui tient à garder l'anonymat" déclare à Libération que "Sarkozy était le seul à avoir vraiment compris comment fonctionner avec nous, il nous réunissait autour d'une table, jouait le copain, menaçait en rappelant qu'il avait des dossiers sur tel ou tel d'entre nous."
http://www.liberation.fr/page.php?Article=322094
Le style "soprano" comme justement identifié par le colonel américain.
A chaqu'un son registre de communication, coeurs (faire le copain) et esprits (faire jouer les dossiers), quand même plus subtil que la méthode saddam ou Lavrenty Beria.
Publié par Mikhaël le 8 septembre 2005 à 21:43
pour une image de Laurent Beria
Publié par Mikhaël le 8 septembre 2005 à 21:45
Juste pour préciser, concernant le capitaine Léger, les militaires américains ont étudié en détail la guerre d'Algérie depuis le début de l'opération en Irak, et trouvé suffisamment de parallèles pour que certaines méthodes soient adoptées, ou du moins envisagées. Maintenant, il est généralement plus facile de faire changer d'état d'esprit une unité de fantassins aéromobiles qu'une unité de blindés lourds - tant ceux-ci sont liés à leur matériel principal sur le plan psychologique...
Au niveau musical, enfin, je vois mal quelle musicale occidentale serait adaptée lorsqu'elle est diffusée à fond et de nuit dans des hauts-parleurs sur véhicule. A part peut-être la musique classique... :)
Publié par Ludovic Monnerat le 8 septembre 2005 à 22:59
Je reste pour "woodoo child" écoutez ou re-écoutez, vous me direz.
Mon commentaire se dirigeait vers une action plus "native" sur registre ambiant où les interventions prennent la couleur locale et se confondent avec celles de l'ennemis: "go native" "tikrit style".
Je suis d'accord avec vous pour les tankistes, de braves gars mais pas trop fins :)
Publié par Mikhaël le 8 septembre 2005 à 23:17
"...Au niveau musical, enfin, je vois mal quelle musicale occidentale serait adaptée lorsqu'elle est diffusée à fond et de nuit dans des hauts-parleurs sur véhicule. A part peut-être la musique classique..."
Il faudrait demander à l'armée canadienne son registre car ils ont employé cette méthode durant la crise d'Oka avec les Amérindiens au Québec. Ce fut un succès, il n'y a eu aucun mort ( le seul mort est un policier dans la pinède, ce qui provoqua la crise ) et l'armée obtint la raidition et la capture de fugitifs sans aucun coup de feu, grâce aux décibels à fond la caisse nuit et jour. Les Indiens étaient armés de AK 47 et retranchés dans un espace assez restreint. L'armée était équipée de transporteur de troupe, de bulldozer et... de systèmes de son efficaces. Je suis convaincu que cette méthode fut très efficace en Irak également. C'est intenable et ça provoque la désorientation de certains individus qui finissent par avoir des attitudes de zombis.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 9 septembre 2005 à 2:56
Crise d'Oka : la pinède s'enflamme
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 9 septembre 2005 à 3:01
AC/DC fait de l'excellente musique. Il est vrai que pour un raid nocturne en Irak j'aurais peut-être aussi apprécié Ride of the Valkyries de Wagner mais ça aurait fait trop cliché...
Publié par Ares le 9 septembre 2005 à 16:32
Sans rapport aucun, mais l'Ontario à finalement renoncé aux tribunaux Islamiques dont on avait parlé il y a quelque temps :
http://www.lefigaro.fr/international/20050913.FIG0019.html?132250
Publié par Frédéric le 13 septembre 2005 à 15:42