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13 septembre 2005
Les avant-postes stratégiques
Le retrait israélien de Gaza s'est achevé hier, avec le mouvement des dernières unités des Forces de défense israéliennes et la fermeture des points de passage. Les images prises par les médias montrent également des Palestiniens pillant et brûlant les restes des implantations juives, y compris des synagogues. Malgré le caractère unilatéral et ordonné de ce retrait, on pourrait donc conclure à une défaite israélienne, et l'Autorité palestinienne n'a pas manqué de louer le courage des « martyrs » comme cause principale de cet événement. Les raisons de ce retrait et l'évolution possible de la situation ont déjà été discutés sur ce carnet. Reste à tenter une perspective un peu plus large, à la fois dans l'espace et dans le temps.
A mon sens, la notion d'avant-poste stratégique possède un grand bien-fondé. On peut l'appliquer à l'Etat d'Israël, cette poche démocratique et libérale dans l'immensité autocratique du monde arabe, mais aussi à Taiwan face à la Chine, pour représenter une sorte de citadelle en rupture avec son environnement, et dont l'existence même, indépendante et prospère, suscite un ressentiment et une convoitise implacables. En réduisant un brin le concept, on peut également parler de Singapour, voire de Hong Kong (par le passé), mais aussi de Kaboul face au reste de l'Afghanistan, de la « zone verte » au cœur de Bagdad. D'autres exemples peuvent certainement être trouvés. Pourquoi pas la Suisse face à l'Europe ? :)
La survie d'un avant-poste repose sur une viabilité multiple. Il s'agit d'abord d'assurer sa viabilité matérielle, c'est-à -dire sa capacité à vivre et à survivre - ce qui ne va que rarement de soi. La vulnérabilité économique et sécuritaire est souvent flagrante. Mais elle a aussi pour effet de renforcer les volontés, l'envie de vivre en commun face aux autres, et donc d'accroître la résistance psychologique des avant-postes. En revanche, la viabilité morale est une autre question : les divisions internes dues à des désaccords de valeurs sont une menace grave, et le retrait israélien de Gaza peut certainement être aussi interprété comme une action renforçant la viabilité morale d'Israël. Enfin, un avant-poste doit être connecté aux siens, à la culture comme à l'économie dont il émane.
Ceci doit d'ailleurs nous éclairer sur sa vraie nature. Ces citadelles ne sont pas des refuges, des espaces précaires où des collectivités, des activités et des idées se mettent à l'abri. Ce sont au contraire des éléments conquérants, des bases d'attaque pour ces mêmes collectivités, activités et idées - des pièces offensives sur le grand échiquier de la planète. Il peut naturellement se produire un reflux qui fait de l'avant-poste une sentinelle isolée, chargée de protéger les restes d'une entité en déclin. Mais à notre époque, l'unification occidentalisante du monde fait des avant-postes stratégiques tels qu'Israël des éléments précurseurs d'une conquête en marche. Du moins à mon avis. Le débat est bien entendu ouvert, notamment sur l'utilité et l'orientation de ces structures - voire même leur existence !
Publié par Ludovic Monnerat le 13 septembre 2005 à 17:19
Commentaires
Ludovic:
"A mon sens, la notion d'avant-poste stratégique possède un grand bien-fondé"
Mais comment et pourquoi l'appliquer à Israël qui est le territoire national (refuge ultime) de la nation juive?
Quel est le rapport? il s'agit de la même lecture des islamistes qui voient l'existence d'Israël comme la tête de pont de l'invasion "croisée" en terre d'islam.
Soit cette lecture "avant-poste stratégique" soit celle islamique nient la légitimité d'Israël à exister sinon comme représentant d'autres ("croisés/occident").
Et pour maintenir l'analogie ici proposée, la Suisse représenterait quoi et qui? La réponse logique serait "la Suisse représente elle même" mais n'étant cette réponse pas accepté par la logique de l'article je vous laisse en décider.
S'ensuit une analyse fort interessante sinon qu'elle tient à Israël par un énoncé non prouvé "Israël avant-poste stratégique". Avant poste stratégique de l'Europe? Ne disont pas de bétises! La politique étrangère européenne écrasée sur les positions de la ligue arabe prouve qu'Israël n'en est pas l'"avant-poste stratégique".
On passe par la suite à parler de citadelle comme "éléments conquérants, des bases d'attaque, des pièces offensives" ... merci c'est la même analyse des "frères musulmans" et des organisations terroristes qui en découlent.
Pourquoi ne pas analyser en profondeur la destruction des synagogues et l'idéologie sous-jacente? Et surtout le manque flagrant de réaction de la part de l'europe? Quand une copie du coran jettée dans les WC provoque des tollés dans les médias? Les synagogues n'ont pas le statut de lieux de prières, de lieus saints? Ces mêmes "lieux saints" qui foissonnent dès qu'on a à faire à l'islam?
Il y a des précédents:
- la destruction des Bouddhas de Bamyan en Afghanistan,
- le pillage et la destruction du tombeau de Joseph par les arafatiens,
- la destruction des églises au Kossovo,
- la destruction des synagogues et l'emploi de pierres tombales juives pour des latrines lors de la conquète jordanienne de Jérusalem en 1948 etc .
Une analyse qui aurait mené aux "frères musulmans" de Al-Banna à Qutb à Saïd Ramadan et à leurs tentacules allant du FIS au GIA au Hamas à al Qaida au Londistan.
La haïne de tout ce qui n'est pas soumis.
Hélas cher Ludovic, vous me décevez pas mal avec cet article.
ps
vous ne répondez pas aux mails?
Publié par Mikhaël le 13 septembre 2005 à 21:02
Singapour et Hong Kong étaient comme Macao des "têtes de pont" de l'Empire Britanique (métropole).
Quelle est la "métropole" d'Israël?
Publié par Mikhaël le 13 septembre 2005 à 21:05
correction Macao = Portugal
Publié par Mikhaël le 13 septembre 2005 à 21:06
La même logique fait que les islamiques ont pillé un village chrétien en Judée ("palestine").
Publié par Mikhaël le 13 septembre 2005 à 21:09
Désolé de vous décevoir! :)
L'objectif de ce site étant de favoriser la réflexion et le débat, il m'arrive effectivement de m'égarer et je suis, le cas échéant, tout disposé à le reconnaître. Ceci étant, je pense qu'Israël représente un avant-poste de l'Occident démocratique et libéral. Voilà qui explique mon raisonnement.
Sinon, pour le courrier, je finis toujours par répondre... mais l'accumulation est telle qu'il me faut un certain temps. Merci pour la patience! :)
Publié par Ludovic Monnerat le 13 septembre 2005 à 21:17
Je suis tombé sur cette exposé de 2004 sur la stratégie US dans une monde plus multipolaire qu'on ne le pense, méme si le processus de "globalisation" est en route :
http://www.defense.gouv.fr/sites/das/dossiers/strategie_americaine
Pour l'auteur, il y a déja eu et il aura de la casse (explosion de la "bulle" spéculative en asie de l'est) pour "occidentaliser" le monde
Publié par Frédéric le 13 septembre 2005 à 21:26
Je ne vois hélas aucune réponse argumentée, vous oubliez "éléments conquérants, des bases d'attaque, des pièces offensives" ...
à la prochaîne.
Publié par Mikhaël le 13 septembre 2005 à 21:31
Among others vous n'avez pas répondu à la question "que représente la Suisse"? :)
Publié par Mikhaël le 13 septembre 2005 à 21:50
Disons que pour moi l'argumentation était claire, parce que présente dans d'autres billets abrités par ce site. L'offensive dont il est ici question est bien sûr celle des idées : Israël, que l'on approuve ou non sa politique, reste une vitrine de la démocratie et de l'économie de marché au Proche-Orient. Plusieurs sondages récents ont d'ailleurs montré que les Palestiniens souhaitent adopter un type de société semblable à celle d'Israël.
Dans ce cadre, quel avant-poste la Suisse pourrait-elle constituer? Vous noterez que mon allusion n'était pas entièrement sérieuse à ce sujet. Je pense néanmoins que la Suisse est un îlot de démocratie directe, de défense citoyenne au sein de l'Union européenne - et dans une bien moindre mesure de libéralisme économique. Ce n'est pas pour rien que certains discours considèrent la Suisse comme un "porte-avions américain" au coeur de l'Europe.
Publié par Ludovic Monnerat le 13 septembre 2005 à 21:59
Du reste, si l'UE n'était pas aussi liberticide (droit des armes, pas de démocratie directe, fiscalité outrancière, etc.) je serais pro-européen. ;o)
Quant au reste, je crois que les commentaires de cet article volontairement provocateur n'ont pas fini de pleuvoir.
Sinon, les positions de Ludovic et de Mikhaël ne sont pas contradictoires. C'est juste une question de vocabulaire utilisé.
Publié par Ruben le 13 septembre 2005 à 22:29
Et bien, quitte à rajouter mon grain de sel, autant dire, que pour ma part, j'ai trouvé ce billet très interessant :)
Par contre, j'ai du mal à mettre dans la meme catégorie Israel et la Green Zone. Israel et Singapour sont connectés directement au monde occidental, ce qui n'est pas le cas des autres exemples. Plus que de postes avancés, il s'agit bien d'outposts isolés en territoire ennemi. Ne pas faire cette distinction, meme si l'on se concentre sur le combat des idées, c'est accorder le crédit et les succés d'Israel à Kaboul et à Baghdad ce qui me semble un peu optimiste (mais j'extrapole peut être trop le contenu du billet...). Cette notion d'avant-postes de la démocratie étant une des justification principale de l'invasion de l'Iraq, alors la distinction est importante, puisqu'elle placerait les "vrais" avant-postes de cette guerre plus autour de l'Arabie Saoudite et du Pakistan que de l'Iraq.
En tout cas, voila qui nous protègerait un peu d'une invasion des idées US par la Suisse:)
Publié par nobody le 13 septembre 2005 à 22:52
Je suis également très "étonné" de lire que M. Abbas affirme que les synagogues n'étaient plus que des bâtiments vides et qu'ils n'avaient donc plus aucune importance religieuse... M. Abbas dont on connaît l'appréciation de la culture juive:
"...his [Abbas'] book, published in Arabic in 1983, translates as "The Other Side: The Secret Relations Between Nazism and the Leadership of the Zionist Movement." It was originally his doctoral dissertation, completed at Moscow Oriental College."
http://www.frontpagemag.com/Articles/ReadArticle.asp?ID=6340
On imagine volontiers le tollé médiatique et politique si un leader israélien avait eu le culot de décider de l'importance religieuse d'un édifice islamique et si, ensuite, des juifs avaient brûlé des mosqués. On aurait parlé d'ultra-orthodoxes et de crimes contre l'humanité...
À cette occasion, je suis scandalisé de constater que même la Neue Zürcher Zeitung (en soi un bon journal) et précisémment un de ses correspondants en Moyen Orient, juge cette affirmation grotesque d'Abbas comme étant tout à fait "pertinente"... (http://www.nzz.ch/2005/09/12/al/newzzEDI84071-12.html)
J'ajouterai que je ne suis en soi pas étonné. Est-ce qu'Israël s'attendait vraiment à ce que les palestiniens traitent les synagogues avec respect?? Cela dit, ça ne justifie bien sûr pas le comportement palestinien qui reste la carte de visite de la politique palestinienne. Le fait que le palestino-vandalisme soit ainsi tu ou embelli par nos médias est à mon sens le deuxième scandale dans l'affaire...
Publié par Robert le 13 septembre 2005 à 23:57
" avant-poste stratégique, citadelle... " pourquoi pas, puisque nous semblons tous en Occident partager l'idée que nous croyons à la démocratie, à la liberté etc. Ne nous offusquons pas que les " Néo-Crétins " n'y voient qu'une tête de pont machiavélique d'un complot des plus riches d'un Monde ( d'Idées, de Rêves, de créations, de Réalisations, d'Inventions, d'espoir ) dont ils profitent tout en le vomissant. Les Néo-Crétins sont le Cheval de Troie de nos démocratie. Ils sont une partie de nous même et possèdent une arme de destruction massive redoutable : le blocage neuronale. Plus éduqués que les Crétins leurs prédécesseurs, leurs apparences prêtent à confusion. Ils sont à l'aise avec la parole et l'écrit et savent que leurs têtes salées ne trôneront jamais en haut des remparts. La démocratie directe du futur devra s'adapter à ce fléau en divisant le vote à l'extrême ( la technologie le permet ) de façon que chacun puisse voter à la hauteur de ses connaissances. Nous devrons voter non plus pour l'apparence ( le cirque ) mais pour le contenu ( l'espoir ) ou nous ne voterons plus... et les Citadelles deviendront des lieux de désespoir.
Ce qui n'est pas le cas de celle-ci :
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 14 septembre 2005 à 2:49
ISraël est même un bastion contre l'avancée islamiste. Sa position stratégique, sur une terre dite "sainte", lui confère une certaine protection et une légitimité dans ses actions.
Cela dit, les images de palestiniens, comme des chiens enragés cassant les derniers bâtiments étaient à mes yeux choquantes mais tellement prévisibles. Le fait que la communauté internationale n'ait pas condamné ces actes, ou l'absence de réaction habituelle du gouvernement palestinien (pro-hamas), laxisme qui a perduré, malheureusement après le décès du terroriste arafat, est encore une fois la preuve qu'Israël et les Etats-Unis restent les seuls pays occidentaux à croire à leur bon droit et à afficher leur détermination.
Lexemple a été cité plus haut, mais si l'inverse s'était produit, à quoi aurions-nous eu droit? A une condamnation unanime de la communauté internationale, de l'opinion publique, du monde musulman, à une vague de menaces terroristes sur Al-Jazeera (la terrorist TV), des attentats en Israël par des fanatiques... Ici, il n'en est rien. Voulons-nous un monde régi par les Lois du Coran? Alors il est grand temps de réagir.
Publié par ares le 14 septembre 2005 à 10:23
A nobody : il y a effectivement une différence significative entre la "zone verte" de Bagdad et Isräel, comme je l'ai d'ailleurs noté dans mon billet en parlant de réduction du concept. Mais si l'on prend le phénomène dans sa dimension temporelle, il faut reconnaître que chaque avant-poste stratégique, quel que soit sa taille, connaît fréquemment une phase initiale durant laquelle il ne constitue qu'un "outpost", comme vous dites. Qui sait ce que sera l'Irak dans 20 ans ? Ce sont les actions entreprises aujourd'hui qui nous y mènent.
Par ailleurs, il serait intéressant de compléter ce concept en montrant que la notion d'avant-poste stratégique, qui possède une dimension géographique claire, est brouillée par le fait que la guerre planétaire des idées aboutit à mobiliser des individus et des groupes d'individus indépendamment des frontières. De là à dire que chaque personne peut être un avant-poste potentiel, il y a un pas que je n'hésite pas à franchir... :)
Publié par Ludovic Monnerat le 15 septembre 2005 à 9:05