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16 septembre 2005
Le vote ou la mort
Les campagnes électorales accouchent régulièrement de dérapages lamentables, de tentatives éhontées pour obtenir l'adhésion des votants. En Allemagne, une affiche fait actuellement scandale : elle montre des cercueils recouverts du drapeau américain, dans un avion ramenant les dépouilles de soldats très probablement tombés en Irak. Le texte, "elle aurait envoyé des soldats", s'attaque directement à la candidate de la CDU Angela Merkel en raison de son soutien à la politique étrangère américaine, en faisant donc planer le spectre de soldats allemands morts pour une guerre honnie. Le fait que le candidat utilisant cette affiche soit l'un des ministres du chancelier Schröder renforce son impact.
Cette exploitation de l'image des soldats morts n'est bien entendu pas nouvelle. Le soin de l'administration Bush à interdire la diffusion de telles images, et l'appétit pour celles-ci d'une partie des médias, soulignent la lutte de perceptions qui se joue à ce propos. Dans le cas présent, cet emploi de cercueils américains pour une élection allemande reflète la volonté d'élever les enjeux, d'insinuer une question de vie ou de mort derrière le choix de deux personnalités ou de deux coalitions. Et il n'est nul besoin de consulter la pyramide des besoins de Maslow pour se rendre compte qu'une telle perception a de quoi supplanter bien des arguments économiques ou politiques.
L'élévation ou l'abaissement des enjeux est l'un des ressorts les moins connus des conflits, et leur occurrence lors d'une campagne s'explique par la similitude des effets recherchés : mobiliser la population, rassembler toutes les énergies, dépasser les différences mineures pour un intérêt commun supérieur. La propagande de guerre, qui au siècle dernier va des exactions allemandes supposées en Belgique, durant la Première guerre mondiale, à la nazification de l'OTAN durant la guerre du Kosovo, repose ainsi fréquemment sur la diabolisation du camp ennemi et sur l'angélisation du propre camp. Le rôle des valeurs morales est donc central.
Maintenant, il n'est guère certain que l'affiche du SPD soit efficace ; il se peut même qu'elle soit contre-productive, si le public a l'impression d'être manipulé et réagit de façon inverse à l'effet attendu. Elle ne fait en tout cas guère honneur à ceux qui l'ont conçue.
Publié par Ludovic Monnerat le 16 septembre 2005 à 17:09
Commentaires
Il semble difficile de le croire, mais la conviction selon laquelle c'est Schröder qui a sauvé les allemands du bourbier irakien est très répandue en Allemagne. Ensuite, ce faisant, il aurait préservé les "valeurs européennes" en concert avec Chirac...!
Sans blague, ce sont donc des gens cultivés allemands qui me disent ce genre de choses en discussion...
autre exemple d'un certain dérapage dans la campagne éléctorale allemande: http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,grossbild-517968-375062,00.html
Publié par Robert le 16 septembre 2005 à 18:14
Et dire que c'est un ministre "Vert" qui à envoyer les 1eres troupes allemandes au feu depuis la création de la RFA. (Kosovo, 99)
C'est vraiment se tirer une balle dans le pied au moment on essaie de constituer une force Européenne crédible.
Publié par Frédéric le 16 septembre 2005 à 19:10
La faute d'orthographe qui mine l'impact de cette affiche de propagande contre l'OTAN lors de la guerre de libération du Kosovo me rappelle l'auto-réfutation inconsciente de ces Serbes qui manifestaient alors avec une cible sur la poitrine : que faisaient-ils en effet, en défiant l'OTAN de les bombarder, sinon souligner la supériorité morale (et technique) de leurs adversaires face à la barbarie de leur propre tradition politique ?
Publié par François Guillaumat le 16 septembre 2005 à 19:51
"repose ainsi fréquemment sur la diabolisation du camp ennemi et sur l'angélisation du propre camp"
Technique utilisée par n'importe quel belligérant, qu'il défende "le mal ou le bien" !".
Publié par Fred le 16 septembre 2005 à 20:05
Les mensonges éhontés de Chirac au référendum (démocratie directe s'il en est) et en général toutes les promesses de la classe politique.
Publié par mikhaël le 16 septembre 2005 à 21:42
Je regrette, Ludovic, mais la réalité donne raison à ceux qui pensent que tuer un soldat de l'OTAN au Kossovo est une manière de lutter contre le nettoyage ethnique.
http://www.spc.org.yu/Vesti-2004/03/crkve-kim-c-v.jpg
Voilà , contrairement à l'Irak, une intervention injustifiable moralement.
Publié par Ruben le 17 septembre 2005 à 13:31
Ruben, ne nous trompons pas de débat : j'ai mentionné cet exemple de propagande serbe, utilisée au printemps 1999, pour montrer comment il était possible de tenter la mobilisation d'une population derrière une cause par la diabolisation d'un camp adverse. Cela n'avait rien à voir avec la cause en question.
Maintenant, il me paraît difficile de juger une intervention militaire visant à mettre un terme à un conflit uniquement en montrant les effets pervers de la politique menée par la suite par l'administration onusienne au Kosovo.
Publié par Ludovic Monnerat le 17 septembre 2005 à 15:20
Il y a plein d'autres arguments dans le sens de ce que je dis (sous prétexte de la forme, les pays de la coalition ont traité le fond), mais ce n'est pas le débat.
Publié par Ruben le 17 septembre 2005 à 15:28
Ruben, aujourd'hui la morale enjoint l'Occident tout entier à aider les irakiens à construire une démocratie.
Publié par al le 17 septembre 2005 à 16:19
Je n'aime pas trop le terme de morale dans ce genre d'affaires. On ne sait jamais trop ce que cela implique et beaucoup de catastrophes historiques se sont produites au nom de la morale. Si c'était contraire aux intérêts de l'Occident d'aider les irakiens, je m'y opposerais - malgré la morale. Je pense par contre que cela sert justement les intérêts de l'Occident d'agir en Irak et que c'est cela la raison pour aider les irakiens à construire une démocratie.
Publié par Robert le 17 septembre 2005 à 16:43
Je reprenais le terme de Ruben, mais suis bien d'accord avec vous.
Publié par al le 17 septembre 2005 à 17:10
Personne ne tue de soldats en Kosove, où il n'y a plus de nettoyage ethnique. Grâce à l'OTAN.
Publié par Qeni le 18 septembre 2005 à 4:50
" Le fait que le candidat utilisant cette affiche soit l'un des ministres du chancelier Schröder renforce son impact." ...
Surtout que lui ou son équipe n'en étaient pas à leur premier coup tordu de ce genre, si on se rappelle la campagne de 2002 où son ex-ministre de la Justice, Herta Daeubler-Gmelin, n'avait pas hésité à comparer les méthodes de Bush, au moment où il était question de l'invasion de l'Iraq, à celles du Fuhrer (remarque pour laquelle elle et Schoeder avaient dû d'ailleurs s'excuser auprès de Bush), genre de référnce pour moi extrêmement grave puisqu'elle semblait apporter son crédit à cette autre antienne bien connue des milieux conspirationnistes : ... la comparaison 11/9 / incendie du Reichstag ! *
http://archives.cnn.com/2002/WORLD/europe/09/20/germany.election/
* Pour se convaincre de la virulence toujours réelle de ce standard de la planète conspirationniste, il suffit de taper Bush Reichstag fire et on se retrouve avec... 133 000 réponses !
Publié par jc durbant le 19 septembre 2005 à 13:05
Et pour en rajouter ( avec des pincettes ) :
Google :
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Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 19 septembre 2005 à 18:50
Oupss ! un oubli ;-)
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Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 19 septembre 2005 à 18:58