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27 septembre 2005
L'articulation des cibles
Aujourd'hui, les participants au cours ont consacré leur journée au Joint Coordination Board, un outil focalisé sur la planification à court terme des opérations - entre 3 et 10 jours. Nous avons ainsi eu pour tâche de planifier des actions visant à gérer une situation aggravée, déclenchée par des émissions radios pirates appelant à la résistance face à notre force multinationale et par des flux de réfugiés qu'il s'agit tant bien que mal de gérer. Les différents groupes du cours ont proposé des variantes faisant des efforts principaux sur l'une ou l'autre des composantes - les forces terrestres pour occuper le terrain et fournir une protection visible, les forces spéciales pour s'infiltrer et mener des actions directes décisives, ou encore les opérations psychologiques pour influencer les comportements.
Un élément essentiel du JCB, et de l'ordre de coordination interforces qu'il est chargé d'établir, réside cependant dans le ciblage au sein du secteur d'engagement. L'outil responsable de la chose s'appelle le Joint Targeting Working Group (l'OTAN est définitivement accro aux appellations imbuvables et aux acronymes superfétatoires), et son produit se nomme Joint Effects List (une appellation nouvelle ; on parlait de Joint Targeting List voici peu). Cette liste est mise à jour sur une base quotidienne et recèle toutes les cibles des effets létaux et non létaux que l'on souhaite exercer. Ce qui représente un progrès déterminant par rapport à la pensée militaire traditionnelle : précédemment, le ciblage consistait pour l'essentiel à identifier et à prioriser les objectifs que l'on souhaitait détruire. Aujourd'hui, un pont à anéantir, unw entreprise à immobiliser, une communauté à influencer ou un dirigeant à convaincre relèvent d'un processus identique.
Cette compréhension élargie des opérations militaires, et pour tout dire de la guerre, a naturellement des conséquences en termes d'informations à gérer. Pour prendre un exemple comparatif, l'OTAN avait identifié quelques dizaines d'objectifs en Serbie au mois de mars 1999, lors du déclenchement de l'opération « ALLIED FORCE », et ce nombre a dépassé le millier trois mois plus tard ; en Afghanistan, le nombre de cibles répertoriées s'est élevé jusqu'à 14'000 à 15'000, pour la simple et bonne raison que des individus et des groupes de personnes ont été inclus. La diversité des effets recherchés implique aussitôt une multiplication des cibles, et donc un volume d'informations largement supérieur. Raison pour laquelle le ciblage des opérations en Afghanistan est appuyé par le personnel du quartier-général du Joint Forces Command de Brunssum, aux Pays-bas!
On peut se demander si cette méthode numériquement impressionnante est valable. A titre personnel, je pense que l'environnement des opérations modernes impose la prise en compte des complexités propres aux sociétés dans lesquelles elles s'inscrivent, et donc que de tels volumes de données sont incontournables. L'essentiel restant de ne pas se perdre dans les détails et de rester capable de fixer des priorités.
Publié par Ludovic Monnerat le 27 septembre 2005 à 23:36
Commentaires
Quelle est votre réaction intime face à ces structures et les opérations afghanes où vous avez montré le manque de réaction ou des temps de réaction trop longs?
Publié par Mikhaël le 28 septembre 2005 à 19:07
Il s'agit juste d'établir une distinction entre les opérations menées par la CJTF sous commandement américain (et auxquelles étaient rattachées les forces spéciales mentionnées dans le livre en question) et celle de l'ISAF, la force sous commandement de l'OTAN. Les objectifs, les moyens et les méthodes de ces deux structures sont très différents. Maintenant, la problématique du ciblage à court terme - traduction libre de "time sensitive targeting" - se pose évidemment pour tout le monde. Il faut donc considérer ces listes de cibles comme s'inscrivant plutôt dans des actions à long terme...
Publié par Ludovic Monnerat le 28 septembre 2005 à 21:39