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27 août 2005
Irak : la main invisible
Un sondage récemment publié aux Etats-Unis sur la guerre en Irak met en évidence un phénomène qui m'intéresse depuis le début de l'opération Iraqi Freedom : le rôle des soldats invidivuels dans la perception du conflit au sein de l'opinion publique. Les chiffres annoncés montrent en effet une différence significative :
A solid majority of those who did not know anyone in Iraq said they thought the war was a mistake, 61 percent, compared to 36 percent who thought it was the right decision. Those who had a relative or friend there were almost evenly split, 49 percent right decision, 47 percent mistake.
After Ted Chittum of Bourbon, Ind., had a chance to talk at length with his cousin who served in Iraq, he said he got a different picture of what was going on in the country.
"He talked about all the good things that are going on," said Chittum, a school superintendent and a political independent who supports the war effort. "Schools are opening up. The people are friendly, wanting our help. You get a whole different spin from what you get on television."
Those who know someone serving in Iraq were more likely to approve of the Bush administration's conduct of the war _ 44 percent, compared to 37 percent overall.
"From most of the information I get, the people over there fighting basically are proud to be there and feel they're doing something good," said Sally Dowling, a bank employee from Mesa, Ariz., who said her boss's son is serving in Iraq. "That brings it home more than if I didn't know anybody."
[...]
Overall attitudes about the war _ while negative _ haven't changed dramatically through the summer. A solid majority, 60 percent, want U.S. troops to stick it out until Iraq is stable.
Le phénomène en jeu est le suivant : avec la disponibilité des connexions Internet, des appareils photo numériques et des téléphones cellulaires, il est désormais possible aux soldats déployés sur un théâtre d'opérations lointain comme l'Irak de maintenir le contact avec leurs proches et de leur faire parvenir des informations sur ce qu'ils vivent, font, voient et entendent par la voix, par l'écrit (e-mail, blogs) et par l'image. Le sociologue américain Charles Moskos a montré en 2004 qu'un tiers des soldats US déployés en Irak utilisent l'Internet une fois par jour, et un autre tiers une fois par semaine ; compte tenu de l'amélioration des conditions de logement au fil des rotations, ces chiffres sont probablement plus grands aujourd'hui. Avec pour conséquence un flux d'informations constant qui touche de façon inégale la population américaine.
J'aime à représenter cette libéralisation de l'information en conflit comme une sorte de main invisible qui vient corriger les déséquilibres dus à la focalisation économique et idéologique des médias traditionnels. Les soldats déployés en Irak ont une perspective souvent réduite et se contentent d'expliquer ce dont ils sont témoins ou acteurs. Mais la crédibilité de leurs récits pour leurs proches, et pour les proches de leurs proches (les e-mails en chaîne sont légion), est bien supérieure à celle des porte-paroles gouvernementaux ou à celle des journalistes professionnels. Et cette multiplication d'inputs positifs sur la situation en Irak, avec une perspective inaccessible au grand public (à l'exception des internautes connaissant Chrenkoff), explique en grande partie la différence d'opinion indiquée par le sondage.
Il convient naturellement de relativiser ce dernier : les proches des militaires déployés ont également plus de chances d'être républicains et pro-Bush que ceux ne connaissant personne en Irak. Malgré cela, le phénomène me paraît ici de première importance dans la guerre du sens, dans la lutte pour le soutien des opinions publiques.
Publié par Ludovic Monnerat le 27 août 2005 à 10:26
Commentaires
la conparaison serait interssante à faire avec la premièe guerre moindiale, ou la aussi la quantité d'information echangée entre le front et l'arrière était nouvelle. ok à l'époque il y avais une censure, mais elle n'était pas très éfficace.
malgré la boucherie de l'époque, ou l'irak leurs auraient semblé à un camps de vacances, le front et l'arrière ont tenu bon. surout car les uns et les autres avaient l'impressions de ce soutenir moralement.
Publié par t-Buster le 27 août 2005 à 14:37
Analyse effectivement intéressante, mais cela va-t-il suffire? Je me souviens avoir récemment lu au sujet d'une enquête concernant les vétérans du Viêt-Nam (sur ce site?), où il apparaissait qu'une nette majorité d'entre eux étaient fiers d'avoir combattu dans cette guerre. Or, l'image qu'en aura le public, et pour longtemps encore, sera celle d'une guerre ravageuse pour le moral du GI, avec drogue, attaques contre les officiers trop entreprenants. Il faudrait peut-être que le soldat moyen puisse également s'exprimer dans les médias traditionnels, mais ça...
Publié par Paul le 27 août 2005 à 18:50
Le "devoir de réserve" est, me semblent il, moins grand pour les militaires Américains que pour les militaires Européens aujourd'hui.
Mais entre mise en valeur du travail sur place et propagande militariste, certain feront trés vite un amalgame et dénigreront tout cela.
Je me suis permit de faire passer le post d'origine de M. Monnerat sur un "débat sur l'Irak" du site du mag. "Libération" :
http://permanent.nouvelobs.com/cgi/debats/aff_mess?id=200306020032
Je n'ait pas précisé l'origine exact de ce post car il semblent qu'il y eu un nombre d'uluberlus plus élevé que la moyenne et que l'on risque des post plus que fielleux de certain.
Publié par Frédéric le 27 août 2005 à 19:34
Euh, Frédéric, vous êtes sûr du lien de Libération? Je tombe sur une réponse à une certaine Valentine... vous ne seriez pas en train de me faire une réputation sulfureuse sur des forums gaulois, des fois? ;)
Publié par Ludovic Monnerat le 27 août 2005 à 20:13
" t-Buster "! la comparaison serait intéressante à faire avec la première guerre mondiale!"
Vous avez raison car l'information a circulé plus qu'on ne pense. Les soldats avaient des permissions et l'arrière recevait l'information qui se diffusait très rapidement. Je me souvient d'une anecdote de mon Grand père officier de cavalerie dans les dragons qui fit 100 km à pied durant une permission et arrivé chez lui trouva un ordre de mission pour retourner au front et 100 km à pied plus tard se prépara à attaquer le lendemain matin. L'endurance de ces soldats n'est plus à faire ( même celle des cavaliers ) mais l'information qu'ils ont passé à l'arrière nous étonnerait certainement. Je sais que mon G.P. aurais dit sa frustration ou son dégoût de certains faits ( peut être au sujet de soldats fusillés ? ) dont le secret fut respecté par la famille ( auto censure ) et partagé avec des personnes sures. Il y avait très peu d'appareils photos mais les croquis réalistes de scènes passaient aussi l'information. La différence majeure avec l'Irak est de persuader l'Américain moyen que son armée se bat la bas pour la défense du territoire américain et qu'ils doivent s'investir comme si le danger était chez eux. Je ne suis pas convaincu que toute l'information de la " main invisible " arrive à contrebalancer le travail de sape de beaucoup de professionnels de l'information qui n'ont aucun risque d'être fusillés ou traduits devant les tribunaux pour traîtrise. Par contre l'armée qui se bat en Irak qui sont pour la majeur partie des professionnels " payés pour faire ce job " comme les plombiers ou les électriciens qui doivent prendre des risques sur certains chantiers. Je pense que le nombre réduit de morts fait en sorte qu'un mouvement de repli du type du Vietnam est illusoire. Néanmoins la bêtise étant une valeur sure, sur laquelle on peut compter, il vaut mieux rester vigilant ;-)
Le deuil de la trahison : http://fr.danielpipes.org/article/2869
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 28 août 2005 à 0:12
Houps, il s'agit bien entendu du "Nouvel Observateur"
Pour Valentine, il s'agit peut étre d'une pub incrusté ?
Sur Libé', je suis ce blog d'un journaliste expatrié en Chine :
Publié par Frédéric le 28 août 2005 à 10:54
"les proches des militaires déployés ont également plus de chances d'être républicains et pro-Bush que ceux ne connaissant personne en Irak."
Ce qui en dit long sur... le profil de nos valeureux journalistes !!!
Comme... majoritairement démocrates, anti-Bush et, à quelques Sheehan près, ... planqués !
Publié par jc durbant le 29 août 2005 à 10:45
Pour Yves-Marie SENAMAUD
Il semblerait que vous considérez tous les opposants à l'intervention américaine comme vos ennemis. C'est un faux débat !! La question est de savoir comment mettre fin aux activités des terroristes. Dans ce contexte, je ne suis pas certain que l'intervention en Irak ait constitué la meilleure réponse (notamment en raison des arguments douteux produits par l'administration américaine). Aucune réponse définitive peut aujourd'hui être donnée. Mais on peut raisonnablement se demander si l'intervention américaine n'a pas (au moins momentanément) « dopé » les mouvements terroristes. A mon sens, ces débats doit être un peu plus de nuancé!
Alex
Publié par Alex le 30 août 2005 à 13:43
" Alex " Vous avez raison de commencer par "... Il semblerait..." car je ne considère pas tous les opposants à l'intervention américaine comme des ennemis. Par contre en tant qu'Occidentaux j'ai le devoir d'appuyer les américains une fois leur décision prise ( qui n'était pas la mienne ). Ils s'investissent plus que tous les autres ( réunis ) dans notre protection commune y compris la France. je pense que l'anti-américanisme relève de la " traîtrise " quand elle prend la tournure qu'on lui connaît. La traîtrise étant une notion désuète on en profite pour désinformer les citoyens les plus fragiles et on donne à ces mêmes citoyens l'idée que la Paix existe d'elle même.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 30 août 2005 à 18:30
Allons, cher Yves-Marie, vous savez que la notion de traîtrise dépend étroitement de l'identité propre à chaque individu, et donc de la manière qu'il a d'interpréter la loyauté. Le dépérissement du patriotisme et du sens civique en Occident provoquent automatiquement celui de la loyauté envers une nation ; à plus forte raison envers la plus grande nation, même lorsque son propre pays a conclu une alliance avec elle (ce qui n'est bien entendu pas le cas de mon pays...).
Publié par Ludovic Monnerat le 30 août 2005 à 18:40
"... (ce qui n'est bien entendu pas le cas de mon pays...)..."
Comme vous avez raison, La question de principe posée par le OK de l'ONU... J'endosse mais pas le refus catégorique d'être avec les Américains dans leur décision qui devenait la notre car nous étions alliés ( quand on est marié c'est pour le meilleur et pour le pire ) si non on reste neutre et on se dém... tout seul.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 31 août 2005 à 2:43
« Par contre en tant qu'Occidentaux j'ai le devoir d'appuyer les américains une fois leur décision prise ( qui n'était pas la mienne ) ». Yves-Marie SENAMAUD
En effet, c'est le rôle du diplomate, du militaire ou de l'employé d'Etat d'adopter un tel comportement. Pour sa part, le citoyen est libre de critiquer, voire de douter de l'opportunité de certaines actions de son gouvernement. Les médias, en tant que « quatrième pouvoir » ont également pour mission surveiller les actions de ce dernier et de susciter le débat. Car même dans les démocraties, il arrive que les gouvernements nous mentent, n'agissent pas au profit de la communauté ou commettent des erreurs. Pour moi, l'attitude que vous évoquez ci-dessus est dangereuse ; car elle peut mener à une absence de vision critique.
Alex
Publié par Alex le 31 août 2005 à 8:33
Je suppose que vous étes déja au courant :
http://actu.wanadoo.fr/Article/mmd--francais--journal_internet--une/050831083038.2u74ejy6.html
La rumeur à tué plus que les bombes et les empoissonnements.
Mais il s'agit la d'un conflit chi'ites/sunnites, non d'une "guerre de libération nationale"; par contre j'ai lue des post dans le forum de http://www.batailles.net/ qui montre que la situation dans le triangle sunnites est loin d'étre stabilisé, des villes entiéres sont au mains des rebelles selon ces articles.
Publié par Frédéric le 31 août 2005 à 15:13
" Alex " "...Les médias, en tant que « quatrième pouvoir » ont également pour mission surveiller les actions de ce dernier et de susciter le débat..."
Vous avez raison, à condition que les Médias jouent ce rôle et uniquement ce rôle. Actuellement ce « quatrième pouvoir » est plus un organisme de désinformation et de subversion.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 31 août 2005 à 16:57
"« Par contre en tant qu'Occidentaux j'ai le devoir d'appuyer les américains une fois leur décision prise ( qui n'était pas la mienne ) ». Yves-Marie SENAMAUD
En effet, c'est le rôle du diplomate, du militaire ou de l'employé d'Etat d'adopter un tel comportement."
@ Yves Marie & alex
il est intéressant de penser qu'une decision minoritaire et unilatérale, sans mandat onusien, puisse engager "l'occident" dans son ensemble.
Pour ma part, je trouve que la traîtrise que vous dénoncez n'existe que dans le dénigrement états unien des institutions et lois internationnales.: Droits de l'Homme, ONU.....
D'ailleurs le schisme Occident/Orient qu'Yves Marie semble présenter tacitement est selon moi fort dangereux!
l'occident et l'orient ne devraient pas être présentés comme des blocs antinomiques vu l'importance du monde oriental sur les aspects économiques, démographiques, politiques de notre vie...
le monde a changé. Nous devons composer avec de nouveaux enjeux au lieu d'appliquer des schéma carricaturaux et propres à une époque révolue (le moyen age et ses croisades, voire la colonisation...)
De la même manière ceux qui appellent "au Jihad contre les mécréants" ne cherchent qu'à couper les liens tissés entre civilisations au cours de l'Histoire.
Le terroriste est victorieux quand naît chez son ennemi un sentiment de haine qui ne lui permet plus de faire la part des choses.
Il faut combattre le terrorisme mais aussi ses conséquences !
Ausi, au risque de faire hurler certains, le comportement du gouvernement état unien (ou plutôt du complexe militaro industriel en coulisses) est une forme de terrorisme. Un terrorisme économique voire politique qui annihile toute contestation quelle qu'elle soit. Les états unis font peur. A l'intérieur tout comme à l'exterieur.
Heureusement; il existe des canaux d'expression libre permettant aux citoyens de se faire une opinion propre et divergente de celle assénée par le gouvernement. A condition pour le peuple états unien d'acceder à de l'information diversifiée, d'en faire le tri et le traitement: Ce que peu de gens peuvent/savent faire...
Ainsi, mis à part les révélations d'exactions multiples, aucune action forte ne s'oppose à ce terrorisme d'Etat. (guantanamo, Prison d'Abu grahib, insertion en irak, peine de mort sur mineurs de moins de 16 ans, censure médiatique, position hégémonique sur les institutions du commerce international, noyautage, propagande....)
Faire mourir des milliers de gens de faim dont de nombreux enfants pour destituer un dictateur autrefois ami n'est-il pas un acte terroriste ???
A l'autre extrémité existent les actes terroristes primaires. ce sont ceux que les média nous présentent et qui nous apparaissent plus barbares car très crus et sauvages. Ce terrorisme est plus figuratif. Il est évidemment à bannir et à combattre.
Cependant, jusqu'où aller pour arêter la terreur ? devons nous utiliser tous les moyens ? (y compris torture, stigmatisation des communautés, assasinats politiques...)
Devons-nous nous saluer des pratiques contraires à nos valeurs lorsqu'elles sont commises pour raison d'état?
Si on y regarde de plus près, le terrorisme est de plus en plus présent dans notre société: terrorisme social, ideologique, politique économique et enfin terrorisme guerrier, qui n'est que la surface visible d'un iceberg.
Or si nous ne sommes pas vigilants et changeons rapidement de cap, nous risquons tous de couler comme le Titanic.
car si la peur issue de la terreur est le premier moteur de la motivation, elle est aussi la plus destructrice.
Publié par Alurent le 2 octobre 2005 à 3:52