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28 juillet 2005
Une nomadisation planétaire
Le Matin souligne aujourd'hui un phénomène intéressant : les touristes suisses ne boudent pas les destinations à risque, comme la Turquie et l'Egypte, et les seules annulations constatées - un tiers des réservations chez Kuoni - ne concernent par exemple que Charm el-Cheikh, et pas d'autres stations sur la Mer Rouge. On pourrait donc de prime abord conclure à une sorte de résilience touristique, à une acceptation des risques inhérents aux séjours dans des contrées déjà touchées par la lutte planétaire qui sous-tend l'emploi du terrorisme. Voire même à une volonté de ne pas changer ses plans en raison du sang versé par des fous de Dieu.
Même si le terme de psychose est très certainement exagéré, et rappelle à quel point les médias tendent au ridicule par l'effet grossissant de leur loupe, cet article du Figaro montre cependant que l'atmosphère semble différente en Italie. Or 6 vacanciers italiens ont été tués dans les attentats et 34 blessés, alors qu'aucun des 800 à 1000 citoyens suisses présents à Charm El-Cheikh ne l'a été. On peut donc penser que l'absence de perte parmi leurs concitoyens explique l'inquiétude limitée des Suisses, peut-être encore renforcée par les conseils du Gouvernement. Après tout, le nombre de touristes suisses à se rendre en Egypte avait été divisé par trois l'année suivant le massacre de Louxor.
En prolongeant ce raisonnement, il apparaît probable que l'identification aux victimes ne peut se faire sans des images fortes, sans des témoignages bouleversants de citoyens normaux. Les attentats en Egypte n'ont pas engendré suffisamment d'effets psychologiques pour exercer autre chose qu'une baisse ponctuelle et restreinte des arrivées. D'un autre côté, l'augmentation et le rapprochement des attentats réduisent l'importance géographique de la menace terroriste, et donc son caractère tangible. Est-ce que le fait de pouvoir frapper partout ou presque ne transforme pas le terrorisme d'une méthode de guerre impitoyable en un phénomène à la fois immanent et imminent, et donc susceptible de générer un certain fatalisme?
La perception du danger me paraît en train d'évoluer dans les esprits des citoyens occidentaux, avec la révélation progressive d'un ennemi intérieur, avec l'acceptation du caractère transnational et idéologique du terrorisme contemporain. Pourquoi ne pas prendre des vacances sur la Mer Rouge, si les islamikazes menacent de se faire exploser chez nous? A force de n'être en sécurité nulle part, ne vaut-il pas mieux compter sur le voyage pour échapper aux tueurs clandestins de notre temps? Et si l'abaissement du seuil traditionnel de la guerre provoquait une nomadisation généralisée, du moins pour ceux qui en ont les moyens?
A travers l'histoire des conflits armés, l'insuffisance des protections fixes a toujours amené une valorisation du mouvement. Il serait intéressant de constater un phénomène similaire dans le comportement des individus...
Publié par Ludovic Monnerat le 28 juillet 2005 à 13:40
Commentaires
" !donc susceptible de générer un certain fatalisme?! "
À mon avis plutôt un état d'acceptation d'une situation de plus en plus claire : nous sommes en guerre. Chacun de nous roulent sur des routes ou l'on rencontre en sachant très bien le risque encouru ( mort ou blessures graves ). Les humains sont des consommateurs de vérité et le flou les indispose plus que les faits d'une situation auquelle ils cherchent à s'adapter comme ils le font depuis l'origine au travers de leur nomadisme forcé ou voulu.
Selon P.Morand le voyage moderne « est un réflexe de défense de l'individu , un geste antisocial, le voyageur est un insoumis!»
http://www.lerecoursauxforets.org/article.php3?id_article=55
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 28 juillet 2005 à 15:52
Cher Ludovic, pourquoi donc le Tariq Ramadan est il toujours hébergé et supporté dans la Confédération ?
Faudra t'il une votation pour le faire expulser vers la Lybie ?
Bravo pour ton blog et tes photos de GRIMENTZ !!
Un Gaulois (Basque) de 59 ans !
Publié par papalerebelle le 28 juillet 2005 à 22:17
Desole pour le hors-sujet flagrant mais j'aurais bien voulu avoir l'avis de nos specialistes sur l'entretien du maitre es realpolitik Luttwark sur l'Irak hier dans Liberation:
"Si les sunnites acceptaient qu'ils sont minoritaires et, comme l'ont fait les Kurdes, s'ils annonçaient qu'ils vont s'investir dans la lutte pour les droits des minorités dans le respect de l'idéal démocratique, l'Irak pourrait faire l'économie d'une guerre civile. Mais ce n'est pas le cas. La présence américaine bloque un processus naturel. Celui-ci, au Moyen-Orient, peut être sanglant. Si, à l'époque de la guerre civile américaine, des nations avaient organisé une opération de maintien de la paix, il y aurait encore une zone démilitarisée coupant les Etats-Unis en deux"
Actuellement en vacances en Coree du Sud, je viens de visiter la zone demilitarisee entre les deux cotes et, si j'ai bien compris, c'est exactement ce que disaient alors les... Sud-Coreens ! Alors je suppose que certains Chiites doivent se faire la meme reflexion ?
Et entre nous, si les Sunnites arrivent toujours pas a voir ou est leur reel interet (et leurs reelles possibilites), meritent-ils autre chose ... ?
Mais le retrait progressif que prone Luttwark est-il si different de ce que vers quoi semble se diriger l'Administration Bush ?
Irak. Edward Luttwak, expert et conseiller au Pentagone, plaide pour un retrait d'Irak:
«L'armée américaine est incapable de contrôler la situation»
Philippe Grangereau
Liberation
jeudi 28 juillet 2005
>http://www.liberation.fr/page.php?Article=314021
Publié par jc durbant le 29 juillet 2005 à 0:53
pour renforcer ce commentaire, la semaine passée des touristes francais ont refuser de monter dans un avion charter au départ de l'égypte, sous prétexte de problèmes techniques. cela ne se serait jamais passé sans le drame qui a frapé la france l'année passée
Publié par t-buster le 29 juillet 2005 à 1:53
Le grain de sable est plus dur que la montagne.
Mohamed Talbi, Plaidoyer pour un Islam moderne, Cérès, Tunis 1998
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 30 juillet 2005 à 5:55