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8 juillet 2005
La lutte des symboles
Plusieurs commentaires dans les médias, ce matin, soulignent la portée symbolique des attentats commis hier à Londres, un jour après le choix du CIO, à l'ouverture du sommet du G8, dans une ville engagée dans la lutte contre le terrorisme islamiste (on venait d'apprendre quelques jours plus tôt que la Grande-Bretagne compte retirer une grande partie de ses troupes d'Irak pour les redéployer en Afghanistan). Mais de telles considérations ne sont que partiellement exactes : l'acte terroriste, c'est-à -dire l'attaque délibérée, meurtrière et clandestine de non combattants, est en lui-même un symbole susceptible de se superposer à d'autres pour les magnifier et les altérer, ou d'avoir en soi suffisamment de poids pour obtenir l'effet psychologique attendu. N'importe quelle ville, n'importe quel pays peut être frappé par un attentat : la mise en réseau de la planète à travers l'infosphère, et les médias qui en constituent la superstructure, réduisent l'importance de la localisation géographique. Toucher les cœurs, les âmes et les esprits passe par l'agression, le massacre ou l'amputation des corps, quels qu'ils soient, où qu'ils soient.
Les attentats terroristes produisent immanquablement des images tragiques et traumatisantes, focalisent nécessairement l'attention sur des individus blessés et ensanglantés qui, par leur anonymat et leur normalité, sont promus au rang de symboles collectifs. Le spectacle offert bien malgré elles par les victimes du terrorisme produit ce mélange de révolte et de compassion, de colère et de crainte, de détermination et d'abattement qui submerge les sociétés touchées. Il est vain de vouloir passer ces symboles sous silence, de regretter l'attrait parfois morbide et charognard des médias pour ces événements qui sans eux n'existeraient pas sous cette forme. On ne combat pas des symboles par la censure ou les œillères, mais par d'autres symboles, par des actes dont le sens explicite permet à chacun d'être acteur et non plus spectateur, d'agir au lieu de subir, d'être autre chose qu'une victime potentielle. Les différentes formes de liberté constituent les fondements de tels symboles, mais la plus importante reste celle de voter. En conférant à chaque citoyen un pouvoir théoriquement égal aux autres, et à la majorité d'entre eux le pouvoir d'influer l'essentiel de la vie publique et politique, la démocratie est ainsi l'arme ultime contre le fanatisme religieux ou idéologique. Surtout la démocratie directe.
Cette guerre ne cessera pas aussi longtemps que la démocratie n'aura pas triomphé des intégrismes spirituels et temporels qui s'y opposent. Et le bulletin de vote reste aujourd'hui le symbole le plus fort contre la coercition sanguinaire et barbare du terrorisme islamiste. Voilà à mon sens une perspective pour laquelle il vaut la peine de se battre.
COMPLEMENT I (8.7 2355) : Je me permets de citer l'un des commentaires ci-dessous de Stéphane, qui à mon sens prolonge et développe remarquablement les réflexions ci-dessus.
La recomposition du moyen-orient, bon gré mal gré et sous les effets du coup de pied américain dans la fourmilière musulmane peut permettre l'émergence de la laïcité à long terme. En installant la démocratie, les partis vont forcément finir par recouvrir autre chose que de simples divergences religieuses. Les imams continueront à dicter leurs intentions de vote, mais leur pouvoir s'amenuisera aussi vite que les religieux perdront leur mainmise sur l'école et que les jeunes seront avides de s'occidentaliser.
[...]
Il faut la prospérité au moyen-orient, pour les jeunes. La prospérité viendra avec la libre entreprise. La libre entreprise viendra avec un état non totalitaire. Un état non totalitaire arrivera avec les alternances démocratiques.
Et lorsque tout cela sera en place, le château de carte de l'islamisme s'effondrera. Il restera toujours des imams haineux (et plus nombreux dans nos propres banlieues que là -bas) mais ils prêcheront dans le désert. Avec l'éducation et la prospérité viennent de nouveaux horizons, et les appels stupides à la haine ne fonctionnent plus. Qui croirait aujourd'hui aux prêches d'un prêtre qui menace ses ouailles d'aller en enfer?
Publié par Ludovic Monnerat le 8 juillet 2005 à 13:14
Commentaires
Complètement d'accord.
J'ajouterais, en plus de la démocratie, l'Humanisme: enfant illégitime et parricide du christianisme, qui représente l'exact opposé de tous les intégrismes religieux et plus précisément les intégrismes monothéistes.
Publié par fingers le 8 juillet 2005 à 15:07
Je ne crois pas que la démocratie soit l'arme ultime contre le terrorisme. D'abord, il est tout à fait possible de voter pour la fin de la démocratie. Ensuite, comme les attentats de Madrid l'ont montré, une opération terroriste peut très bien influer sur le résultat d'un scrutin dans un sens favorable aux poseurs de bombe. Ce type de réaction justifie à postériori l'action des terroristes, si bien que les explosions apparaîssent rétrospectivement comme correspondant à un dessein.
En d'autres termes, l'influence du terrorisme influe et parasite le comportement des votants, donc le fonctionnement des démocraties, jusqu'à en devenir une composante communicative comme une autre (cela valant particulièrement pour les mouvements disposant d'une "façade" officielle.)
Une certaine partie des électeurs s'opposeront sans doute à la menace de la violence au moment de s'exprimer par les urnes, mais tous n'auront pas le même courage.
Concernant l'islamisme, j'ai plus d'espoir dans la laïcité que dans la démocratie.
Publié par Stephane le 8 juillet 2005 à 15:24
La démocratie ici, la laïcité là -bas.
Publié par ajm le 8 juillet 2005 à 16:43
" Concernant l'islamisme, j'ai plus d'espoir dans la laïcité que dans la démocratie."
Alors il aurait fallu garder Sadam ;-(
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 8 juillet 2005 à 18:07
La démocratie directe, le Citoyen soldat encadré par des Institutions professionnelles d'état et du privé, La reconnaissance d'une chartre universelle des droits et devoirs et évidemment la laïcité, sont de bons et beaux outils pour contrer "la bête immonde" sans compromission.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 8 juillet 2005 à 18:30
Laïcité? Belle image, belle idée, j'adhère.
Mais ou est-elle dans nos pays ? La laïcité est de plus en plus battue en brèche par toutes les religions révélées et autres: chrétienne, juive, musulmane,....Je n'aime aucun extrémisme religieux mais je crois à la liberté de tous de croire en ce qu'il veut...à la maison, en privé.
Once again: I had a dream!
B.
Publié par B. le 8 juillet 2005 à 18:40
Bon, visiblement la laïcité n'emporte pas l'adhésion des commentateurs... :o)
Que je précise mon idée, qui rejoint d'ailleurs un peu celle d'ajm. Selon moi, ici, les bombes continueront à exploser (pendant que les éditorialistes continueront à nous expliquer doctement que "le monde n'a jamais été moins sûr" - à croire qu'il était plus sûr lorsque l'adversaire gagnait en puissance dans l'ombre!) et à affecter le cours de la démocratie. Que personne ne vienne me faire croire que si une bombe explose en gare de Genève cela n'aura aucune incidence politique, c'est impensable. Le terrorisme est promis à un bel avenir en Europe, tant parce qu'il est impossible de s'en défendre qu'il a un effet sur l'opinion à cause des médias et, justement, de la démocratie.
Quant à la laïcité, il ne faut pas la percevoir comme l'athéisme mais bien la séparation de l'église et de l'Etat, quelque chose qui manque cruellement dans les pays arabes. Saddam Hussein lui-même proclamait être un descendant direct de Mahomet et envoyait en boucle sur la télévision d'Etat d'Irak des images de ses pieuses et humbles prières. Cela peut paraître artificiel (et sans doute l'était-ce aux yeux de beaucoup d'Irakiens) mais toujours est-il que Saddam tentait de passer autant pour un chef politique que religieux, comme d'autres dans la région avant lui.
La recomposition du moyen-orient, bon gré mal gré et sous les effets du coup de pied américain dans la fourmilière musulmane peut permettre l'émergence de la laïcité à long terme. En installant la démocratie, les partis vont forcément finir par recouvrir autre chose que de simples divergences religieuses. Les imams continueront à dicter leurs intentions de vote, mais leur pouvoir s'amenuisera aussi vite que les religieux perdront leur mainmise sur l'école et que les jeunes seront avides de s'occidentaliser.
A l'époque romaine, comment faisaient les forces italiennes pour tenir une région conquise? Certes, les légionnaires étaient puissants, mais une fois la bataille gagnée ils ne restaient pas tous, et ils étaient désespérément peu nombreux face aux populations locales... Une guerre de guérilla aurait été impossible à mater.
En fin de compte, les romains gagnaient parce qu'après la victoire militaire, ils convertissait à leur mode de vie les élites du peuple vaincu. Celui-ci avait beau dire qu'il haissait les romains, ils adoraient les bains, le marbre, l'eau courante et toutes les merveilles de la technologie romaine. Voilà comment ils réussissaient là où le glaive ne faisait qu'ouvrir une brèche.
Il faut la prospérité au moyen-orient, pour les jeunes. La prospérité viendra avec la libre entreprise. La libre entreprise viendra avec un état non totalitaire. Un état non totalitaire arrivera avec les alternances démocratiques.
Et lorsque tout cela sera en place, le château de carte de l'islamisme s'effondrera. Il restera toujours des imams haineux (et plus nombreux dans nos propres banlieues que là -bas) mais ils prêcheront dans le désert. Avec l'éducation et la prospérité viennent de nouveaux horizons, et les appels stupides à la haine ne fonctionnent plus. Qui croirait aujourd'hui aux prêches d'un prêtre qui menace ses ouailles d'aller en enfer?
Publié par Stéphane le 8 juillet 2005 à 22:36
D'accord avec Stéphane, comme l'a bien montré l'exemple espagnol (mais aussi ... français et allemand !) la démocratie seule (et tout particulièrement la démocratie d'opinion) est souvent bien désarmée devant de telles menaces et des gens qui sont passés maitres dans l'art de la manipuler à leur avantage.
Et je pense d'ailleurs que l'Occident devrait être beaucoup plus ferme avec les prêcheurs de haine et les distributeurs de fatwas, les Mawlawi et les Qaradawi, qui par exemple légitiment les attentats-suicides en Palestine , ainsi qu'avec les Etats qui les soutiennent (ou leurs cheerleaders en Occident ou en France comme les Xavier Ternisien du Monde ou les Alain Gresh du Monde diplodocus !) !
Et d'accord aussi avec la nécessité, à l'occasion, des "coups de pied dans la fourmilière" ou des "brèches ouvertes au glaive" car, même si, comme le rappelait Ludovic, on est condamné à vivre avec le terrorisme, comme avec la criminalité, la maladie et la mort, il y a des moments où il faut amorcer la pompe. Car après tout, comme je le rappelais précédemment, c'est aussi la défaite militaire qui en 1919 lancera le seul exemple à peu près réussi de démocratisation d'un pays musulman, à savoir la Turquie, et Moustapha Kémal n'ira d'ailleurs pas avec le dos de la cuillère : abolition du califat, changement de nom de l'état, abolition des tribunaux islamiques, imposition de l'alphabet latin, imposition du vote des femmes (25 ans avant! la France !), interdiction du voile, etc. !
Publié par jc durbant le 8 juillet 2005 à 23:33
Parlons-en des Romains...ils n'ont jamais pu s'installer en profondeur en Afrique du nord et je pense que ce fut le cas de la plupart des pays actuellement arabe... Je pense que les terroristes de l'époque ont du engraisser les lions des arènes assez souvent. Effectivement on romanisait les notables du coin mais on sait ce que ça a donné... Rome est devenu barbare ;-)
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 8 juillet 2005 à 23:38
G.Carcopino, Le Maroc Antique (1943)
http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=608
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 8 juillet 2005 à 23:45
" D'accord avec Stéphane,!"
Tout à fait mais le problème est de savoir de quelle Démocratie l'on parle. Je pense que nous nous trompons quand on parle des systèmes démocratiques que chaques pays ont mitonné de façon que le citoyen soit pris en otage. La démocratie c'est simple : on explique, on propose et l'on vote pour tous problèmes, tous sujets et l'on vit avec les conséquences. Les moyens modernes pour la première fois permettent de le faire rapidement et à peu de frais. Quand la Suisse avait décidé de fermer ses frontières aux étrangers je me souviens de la clameur française disant que les Suisses étaient xénophobes ( corrigez-moi si ce que je dis n'est pas juste ). Ce pays est toujours visité, son niveau de vie ne semble pas avoir été affecté et je peu dire que les Suisses sont très bien vus à l'étranger. L'élection d'Hitler est une raison de refus que l'on donne souvent en réponse à la demande de démocratie directe. C'est fallacieux car je ne pense pas que ce petit caporal est pu faire quoique ce soit tout seul et quand on multiplie le vote en découpant les sujets à proposer on évite ce risque facilement. La démocratie, la vrai, demande que l'on vote sur tout souvent et étant redevable des conséquences le peuple ne pourra plus renvoyer la balle aux politiciens... après ces attentas à Londres, peut-être que si l'on passait un vote sur la fermeture des mosquées ou l'interdiction du culte musulman le résultat serait OUI, les Anglais vivraient alors avec les conséquences de leur vote et la démocratie ne s'en porterait pas plus mal quand on voit les pirouettes que l'on fait pour bien paraître et servir d'holocauste.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 9 juillet 2005 à 3:57
"peut-être que si l'on passait un vote sur la fermeture des mosquées ou l'interdiction du culte musulman" ...
Peut-être qu'on pourrait commencer par fermer les mosquées qui tolèrent les prêcheurs de haine et interdire de voyage et de séjour les distributeurs de fatwas ?
Mais aussi priver de palaces londoniens ou parisiens (ou... genevois !) ainsi que de palais marbelliens ou tropéziens, ces innombrables princes saoudiens qui... financent les premiers !
Publié par jc durbant le 9 juillet 2005 à 23:30