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29 juin 2005

Le silence des canons

CanonKungsholmen.jpg

La forteresse où je réside était durant la guerre froide un élément défensif important de la Suède, notamment en protégeant la base navale principale de Karlskrona. Les canons qui y étaient disposés, comme celui sur la photo ci-dessus, dataient cependant de la Première guerre mondiale ; les pièces les plus modernes, sous tourelle autour de casemates bétonnées, aux calibres 15,2 et 7,5 cm, ont été placées plus tard sur les îles voisines. L'importance du lieu a d'ailleurs été soulignée par un incident grave survenu en 1981, lorsqu'un sous-marin russe de la classe Whisky s'est échoué non loin de là , à l'intérieur des eaux suédoises, et a failli précipiter une escalade militaire avec l'Union soviétique. L'un des officiers suédois avec lequel nous travaillons était d'ailleurs aspirant dans un bataillon amphibie à l'époque, et a lui-même pris part au face-à -face tendu que l'événement a déclenché.

De nos jours, cependant, les canons sont largement réduits au silence. Les formations d'artillerie côtière ont été dissoutes, et la base de Kungsholmen ne joue plus qu'un rôle dans la formation. La drastique réduction de volume des forces armées suédoises, poursuivie pour des raisons financières et non stratégiques, génère d'ailleurs un climat morose dans les rangs, au fil de la disparition des régiments, du licenciement des officiers et de la réduction des capacités opérationnelles. Cette forteresse majestueuse et élégante, qui conserve des traditions séculaires, symbolise malgré elle le déclin des armées conventionnelles, des gros bataillons et des gros canons, du combat symétrique et de la guerre classique. Une tristesse indéniable entoure ces lieux, tout comme elle entoure les officiers qui y ont servi en des temps perçus comme meilleurs.

Publié par Ludovic Monnerat le 29 juin 2005 à 19:14

Commentaires

Décidément, vous aimez les choses ambiguës! J'ai presque cru que vous parliez de nos forteresses et de notre armée...

Publié par Ruben le 30 juin 2005 à 8:17

Toutes les forces armées européennes connaissent plus ou moins une situation similaire, notamment en raison de la pression budgétaire, et l'amertume y est un sentiment fréquent...

Publié par Ludovic Monnerat le 30 juin 2005 à 20:23