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17 mai 2005

La défense européenne

Ce matin dans Le Figaro, on peut lire une colonne de l'amiral Lacoste consacrée à la défense européenne, et qui pour le bien de celle-ci appelle à voter oui au référendum sur la constitution. Un argument particulièrement clair utilisé par l'amiral est celui de l'indépendance stratégique de l'Europe et de ses nations, garantie par l'efficacité de l'outil militaire :

Mieux que la plupart des autres institutions de la République, les armées ont profondément transformé leurs structures et leurs doctrines, sachant exploiter sans tarder les enseignements des conflits de notre temps. «Sans jamais transiger sur les impératifs de la souveraineté nationale», elles ont pris une part active dans l'élaboration de la Pesd, notre seule chance d'échapper à la tutelle du complexe militaro-industriel américain.

Cette volonté d'une défense unifiée en Europe est affichée en parallèle à la prise de conscience de la dimension transfrontalière propre aux menaces modernes, et donc de l'importance que revêt la collaboration entre armées, polices et justices. D'où l'élaboration d'un concept élargi, substitué aux notions classiques de défense :

A la notion, spécifiquement française «d'esprit de défense», qui rappelle les temps où nous vivions encore sous la menace d'agressions militaires, l'association Civisme-Défense-Armée-Nation, préfère le concept plus large et plus novateur de «conscience européenne de défense et de sécurité». Elaboré depuis quatre ans dans des séminaires constructifs avec nos partenaires de l'Union, ce concept nous paraît être de nature à entraîner l'adhésion de nos opinions publiques, en dépit des grandes disparités entre nos histoires nationales et nos cultures spécifiques.

Ces réflexions semblent a priori louables et pertinentes. Toutefois, si un officier helvétique peut se permettre de poser un regard un brin critique à leur sujet, je peine à comprendre comment une notion aussi élevée que la "conscience" de la défense et de la sécurité en Europe pourrait précisément susciter l'adhésion des opinions publiques. Est-ce que l'on se rend pas compte combien une telle expression paraît intangible et floue? Est-ce que les perceptions des citoyens européens intégrent sans autre l'idée d'une Europe unifiée, qui sous-tend celle de sa défense? A force d'élargir un concept à l'échelle d'un continent composite, il me semble qu'on l'éloigne sérieusement de la réalité. Il faut bien autre chose qu'une constitution ou une monnaie uniques pour générer une perception commune.

Mais peut-être ne sont que les doutes d'un Suisse habitué à penser le long des 300 kilomètres de son pays... qui compte tout de même 26 cantons et demi-cantons accoutumés à penser fort différemment les uns des autres, qui plus est en 4 langues nationales ! :)

Publié par Ludovic Monnerat le 17 mai 2005 à 13:15

Commentaires

Oui, et quel que soit le nombre de bonnes raisons d'approuver une mauvaise constitution, ça n'en fait pas une bonne constitution.

Publié par ajm le 17 mai 2005 à 14:50

Une Constitution est avant tout un mode d'emploi et quand ce n'est pas clair ça ressemble à ces modes d'emploi traduits en Français et dont on est obligé de lire la version anglaise pour comprendre...

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 17 mai 2005 à 18:57

Le probléme vient surtout du mot "constitution" alors qu'il plus d'une réforme des différents traités Européens refondues en un seul texte.

Sinon au niveau de la "conscience" Européenne, il faut déja définir ce qui fait ce que l'on se sent Français, Allemands ou Belges.

Qu'y a t il de commun entre un Parigot, un Breton bretonneux ou un Corse ?

Publié par Frédéric le 17 mai 2005 à 20:19

Le Lt.Col Monnerat écrit :

"Ces réflexions semblent a priori louables et pertinentes. Toutefois, si un officier helvétique peut se permettre de poser un regard un brin critique à leur sujet, je peine à comprendre comment une notion aussi élevée que la "conscience" de la défense et de la sécurité en Europe pourrait précisément susciter l'adhésion des opinions publiques. Est-ce que l'on se rend pas compte combien une telle expression paraît intangible et floue? Est-ce que les perceptions des citoyens européens intégrent sans autre l'idée d'une Europe unifiée, qui sous-tend celle de sa défense? A force d'élargir un concept à l'échelle d'un continent composite, il me semble qu'on l'éloigne sérieusement de la réalité. Il faut bien autre chose qu'une constitution ou une monnaie uniques pour générer une perception commune."

En effet. Je crois que cela va bien au-delà. L'amiral Lacoste semble croire qu'il existe une culture stratégique capable de faire prendre conscience aux européens de l'utilité d'une vision à long terme dans le domaine de la défense.

Soumettre la défense à l'air frais du débat public ne semble guère être la priorité des gouvernants, ni des gouvernés par ailleurs...

Sans trop rentrer dans les détails, dison qu'il existe, bien sûr, plusieurs raisons objectives à cela.

Le traité de Maastricht, par exemple, a institué en 1992 la Pesc qui n'existe toujours pas à l'heure actuelle. En outre, chacun sait qu'une politique de défense n'est possible qu'à la condition qu'elle s'inscrive dans le cadre d'une politique étrangère. Or, de ce point de vue là, force est de constater que L'UE est loin de représenter un exemple. La crise du Golfe en 1991 l'avait déjà montré en son temps.

Ainsi, le débat conflictuel animera l'Europe et, a fortiori, la France pour des années voire des décennies encore sans que se profile à l'horizon une réelle capacité d'adaptation face aux nouvelles menaces émergentes de ce siècle.

Les problèmes liés à :

1) L'absorption de populations étrangères de plus en plus importantes,

2) Le vieillissement qui pèse sur son économie (la faiblesse du nombre de jeunes dans la société européenne aura fatalement des conséquences),

3) Des crises identitaires profondes,

4) La désaffection de plus en plus importante àl'égard de l'institution militaire,

5) La baisse drastique des budgets européens (qui se poursuivra dans les décennies à venir) depuis la fin de la Guerre Froide et ce, malgré la progression de sa richesse globale,

6) Une industrie européenne de l'armement en quasi-déclin,

Bref, nous pourrions multiplier les exemples mais à long terme, toutes ces contraintes sociétales, entre autres, seront beaucoup plus importantes que le "fait militaire". La société irénique à laquelle les européens veulent croire n'existe pas, du moins pas pour le moment.

Pour au moins une bonne raison : on ne peut chasser la guerre de son univers mental où toute violence serait bannie et où les nations européennes pourraient réaliser un "paradis économique" sur les dépenses de la défense.

La France et l'Allemagne ont encore de beaux restes quant à leurs réservoirs de stratégistes et pensées stratégiques. Malheureusement, l'intellect n'est pas suivi d'effet et ne le sera visiblement pas. Cette vieille Europe semble bel et bien sorti de l'histoire.

En revanche, les forces vives de l'Europe, les anciens pays du bloc soviétique, peuvent redresser la balance. Mais même si c'était le cas, la vieille Europe accepterait-elle un tel alignement sur ceux qui furent coupables "d'avoir perdu une belle occasion de se taire", comme l'a dit Jacques Chirac de façon méprisante et condescendante ?

Si c'est le cas, elle montre encore une fois, s'il en était encore besoin, qu'une Europe Atlantiste est le meilleur moyen de sortir l'Europe de ses prises massive de tranxen idéologiques. N'en déplaise à l'amiral Lacoste, les États-Unis restent et resteront les acteurs majeurs de notre histoire et plus encore dans ce 21ème siècle dont nous vivons les premières "douleurs de l'enfantement"...


Publié par Colonel X. le 17 mai 2005 à 22:05

La transcription de mon message est plutôt bizarre...

Si le Webmaster le souhaite, je peux reposter mon texte.

Merci.

Col. X.

Publié par Colonel X. le 17 mai 2005 à 22:09

" Qu'y a t il de commun entre un Parigot, un Breton bretonneux ou un Corse ? "

Ils aiment tous la bonne bouffe, la semaine de 35h et les 5 ou 6 semaines de vacance enfin ils aiment être Français françonneux :))

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 20 mai 2005 à 4:04

:) En effet c'est une constante commune, mais nous avons aussi nos régionalismes Basques, Corse, Breton, Catalon, Alsaciens et autres; ;)

Publié par Frédéric le 20 mai 2005 à 20:34