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2 avril 2005
L'ONU toujours à la peine
En Indonésie, les Nations Unies sont à nouveau dépassées par les événements. Ce n'est pas en lisant Le Monde qu'il est possible de l'apprendre, puisque le quotidien français n'a pas d'envoyé spécial sur place et compile les dépêches de l'AFP, mais en se rapportant à l'article publié aujourd'hui dans Le Temps (accès payant), qui a dépêché Richard Werly à Banda Aceh. Et ce dernier brosse un tableau presque tragicomique de la situation, que je ne saurais m'empêcher d'annoter :
Trois cargos, embarquant chacun plus d'une centaine de tonnes de vivres et de médicaments, ont ainsi dû attendre vendredi pour prendre la mer. [Note : et comment seront-ils déchargés?] Ils sont attendus sur place samedi. Un navire de la marine indonésienne transportant plusieurs pelleteuses et bulldozers indispensables au dégagement des décombres n'a, lui, pas pu décharger ses engins, faute d'installations appropriées à Gunung Sitoli, le principal port de l'île de Nias. [Parce que vérifier avant n'était pas possible?] Les dommages causés à l'aéroport du chef-lieu ont en outre empêché l'utilisation d'avions gros-porteurs. [Louer des avions incapables d'utiliser des pistes rudimentaires était-il vraiment judicieux?] Les évacuations médicales tout comme l'acheminement du matériel d'urgence se sont faites jusque-là par hélicoptères. Deux appareils Hercules C-130 de l'armée de l'air australienne étaient toutefois attendus sur la zone vendredi. [En vertu d'une décision bilatérale hors ONU, n'est-ce pas?]
Regardons les choses en face : le tremblement de terre du 29 mars a fait au moins 1300 morts sur l'île de Nias, et les moyens déployés pour faire face à un bilan 100 fois plus lourd seraient incapables de leur venir en aide efficacement? Voilà qui rappelle encore une fois combien les prétentions de l'ONU à diriger l'aide humanitaire d'urgence en Asie du Sud étaient ridicules. Où sont donc les services de M. Jan Egeland, qui appelait à "penser en grand" depuis son bureau new-yorkais début janvier, et qui ont mis plus d'un mois à développer un concept d'opérations aujourd'hui mis en difficulté par la première secousse sismique dépassant 8 sur l'échelle de Richter depuis le tsunami? L'armée australienne, pour sa part, a lancé la phase II de son opération Tsunami Assist avec moins de prétention, mais certainement plus d'efficacité.
Pour une fois, cette critique de l'ONU se fonde non seulement sur une analyse des informations disponibles, mais également sur une expérience concrète. L'île de Nias se situe - c'est une estimation personnelle - à moins de 500 kilomètres de Banda Aceh, et à moins de 300 kilomètres de Medan. Si ce séisme s'était produit un mois plus tôt, alors que le contingent suisse à Sumatra était encore opérationnel, ce dernier aurait été en mesure à lui seul de transporter une bonne partie de l'aide d'urgence nécessaire aux milliers de blessés et sans abri recensés. Les hélicoptères peints en blancs de l'ONU auraient logiquement dû être capables de faire autant. Comment expliquer que cela ne soit pas le cas?
Cette réalité confirme donc ce que l'on pouvait pressentir : l'ONU a monté à Sumatra une organisation de beau temps, une structure et des processus adaptés à une phase de reconstruction après la phase d'urgence exécutée par les contingents militaires étrangers. La nécessité de répondre à une crise même nettement moindre ne semble pas avoir filtré dans les esprits des fonctionnaires onusiens. Quant à l'Etat indonésien, trop heureux de pouvoir se décharger de ses responsabilités, il laisse volontiers aux Nations Unies l'honneur d'assumer leurs revendications en matière d'aide d'urgence. Les victimes, elles, peuvent rapidement en conclure que l'absence d'aide est parfois préférable à la promesse d'une aide qui n'arrive pas.
COMPLEMENT I (3.4 2355) : Rien n'illustre mieux toute la différence d'attitude que le crash mortel d'un hélicoptère de la marine australienne sur l'île de Nias, qui a coûté la vie à 9 membres d'équipage. La panne probable de l'appareil rappelle que plusieurs hélicoptères américains ont eu des avaries similaires au début du mois de janvier, sans conséquences autres que matérielles, parce le rythme de leur utilisation ne permettait plus d'assurer une maintenance parfaite, et que l'urgence de la situation justifiait les risques pris. Donner sa vie pour sauver celle des autres fait partie intégrante de l'esprit militaire, et d'autres corps constitués aptes à gérer les situations de crise.
Publié par Ludovic Monnerat le 2 avril 2005 à 14:30
Commentaires
"La nécessité de répondre à une crise même nettement moindre ne semble pas avoir filtré dans les esprits des fonctionnaires onusiens"
Ca doit faire 15 ans que l'ONU se plaint de ne pas avoir de logistique d'urgence...
Publié par fo le 3 avril 2005 à 6:30