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16 mars 2005
Les leçons du combat
Le site StrategyPage.com a mis en ligne hier un rapport d'évaluation de l'action (AAR) écrit par 4 sous-officiers des Marines sur les combats à Falloujah en novembre dernier. Ce document, ciblé au niveau du groupe d'infanterie et des fantassins individuels, décrit les leçons apprises dans les rues et les maisons de cette ville en fournissant un grand nombre de détails tactiques et techniques intéressants, comme la différence entre les deux types d'ennemis rencontrés (le guérillero et le martyr) ou les méthodes d'entrée et de nettoyage de bâtiments.
En soi, ce document destiné à être lu par le plus grand nombre ne diffère pas de leçons du même type qui existaient déjà au siècle dernier, durant les conflits mondiaux ou au Vietnam. Les armées tentent depuis longtemps de codifier dans des textes les enseignements de leurs engagements et de leurs opérations. En revanche, ce qui est nouveau, c'est la possibilité de diffuser instantanément et en-dehors des canaux officiels les expériences faites par autrui, et ainsi d'augmenter le savoir collectif et l'efficacité opérationnelle des unités.
Ce phénomène récent est pratiqué avec un succès remarqué au sein des Forces armées américaines. Des sites comme CompanyCommand et PlatoonLeader sont par exemple le fruit d'initiatives individuelles, et ils réunissent des officiers du même rang qui s'informent les uns les autres, répondent à des questions et fournissent des conseils. Dans une perspective plus large, les technologies modernes sont mises à profit par le corps des officiers américains pour procéder à une transmission du savoir sans équivalent dans l'histoire.
De telles initiatives doivent être appliquées au sein des armées européennes. En Suisse, je me suis souvent rendu compte que le corps des instructeurs affichait une certaine réticence à l'endroit des leçons apprises parce qu'il contournait le système officiel des règlements et des documentations ; un document rédigé par mes soins et complété par plusieurs camarades sur la fonction du commandant d'unité a par exemple été descendu en flammes par plusieurs commandants d'école, voici presque 4 ans, et réintroduit sous le manteau par un petit nombre d'officiers de carrière pour lesquels le texte était un appui à l'instruction.
L'emploi optimal de la technologie dépend toujours de l'état d'esprit, des valeurs et de la culture des hommes qui y ont accès.
Publié par Ludovic Monnerat le 16 mars 2005 à 11:47