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26 février 2005
Sous la chaleur de Sumatra
MEDAN - La saison des pluies touche peu à peu son terme : ces derniers jours, les averses ont été rares, et celle qui a brièvement arrosé Medan au début de cet après-midi était plutôt l'exception que la règle. Il n'y a certainement pas lieu de s'en plaindre, puisqu'elle a encore davantage contribué à augmenter l'humidité de l'atmosphère. Plus que jamais, l'impression d'être dans une piscine surchauffée est celle qui convient, d'autant plus que le PC de la Task Force SUMA surplombe justement la piscine de l'hôtel ! A défaut d'avoir testé celle-ci, d'une qualité au demeurant restreinte, je suis néanmoins en mesure d'affirmer que la gestion de la chaleur et de l'humidité reste un élément déterminant pour toute opération en milieu tropical. Y compris sur un plan anecdotique : hier soir, en allant prendre en ville le repas du soir (en tenue civile, comme c'est la règle), j'ai constaté en sortant du taxi - modérément climatisé - que mes lunettes s'embuaient !
L'influence de la chaleur sur la prestation des militaires prend une importance particulière lorsque des tâches exigeant autant de concentration que le pilotage ou l'entretien d'un hélicoptère sont impliqués. Ainsi, si les équipages travaillent dans des conditions tropicales, ils logent toutefois dans un hôtel où les chambres sont climatisées ; et le fait de dormir dans une température oscillant entre 22° et 25°, au lieu de 28° à 35°, influe directement sur la qualité du sommeil. La chose a été démontrée à Sabang : plusieurs équipages, peinant à dormir sous une tente non climatisée, ont eu des problèmes considérables à obtenir suffisamment de repos pour voler le lendemain. Ainsi, le fait d'être stationné dans un hôtel a permis d'atteindre le seuil exceptionnel de 7 à 8 heures de vol quotidiens par équipage, au lieu de 2 à 3 heures pour les contingents européens en Indonésie, qui vivent dans des camps ou sur des bateaux.
La logistique doit également être adaptée aux conditions climatiques : aucun membre du contingent ne se sépare de bouteilles d'eau de 1,5 l que l'on achète par cartons sur place (en fait, c'est de l'eau de mer rendue potable par osmose inversée), et des vitamines ont été distribuées à tous pour compenser la perte en sels minéraux due à la transpiration abondante. A cet égard, si les pièces d'équipements touchées à Stans se révèlent parfaitement adaptées (les souliers en étoffe et le chapeau 2000 sont remarquables), l'équipement traditionnel (tenue de camouflage 90) ne l'est pas vraiment. Les discussions menées avec nos partenaires français montrent que nous avons - fort logiquement - un retard considérable dans le savoir-faire et le matériel nécessaires aux opérations en milieu très chaud. A Sabang, les Français déambulaient vêtus tous ou presque d'un short et d'un T-shirt camouflés du plus bel effet.
Il faut cependant relever que certains équipements de transmission particulièrement sensibles sont engagés au sol dans un container climatisé ; cela permet notamment de maintenir en permanence les liaisons avec les hélicoptères en vol dans tout leur secteur d'engagement. Les hommes peuvent supporter la chaleur excessive, mais pas les systèmes de haute technologie. Même si les Super Puma ont remarquablement bien supporté les 6 semaines d'engagements intensifs qu'ils ont connues, ne connaissant que des avaries mineures et démontrant la robustesse de leur conception ; avant-hier, par exemple, un instrument d'indication de vitesse rotor donnait des signes de fatigue sur l'appareil dans lequel je volais, et le Super Puma venant de Medan a livré le lendemain un instrument de rechange, même si ce dernier était de toute manière doublé dans l'appareil.
En définitive, la chaleur de Sumatra la plus impressionnante reste la chaleur humaine : les gens savent pertinemment que nous sommes venus en mission d'aide humanitaire, et notre présence constitue un sujet d'étonnement et de réjouissances permanent. En début d'après-midi, par exemple, un groupe d'adolescents membres d'un club de sport faisait une séance de photos dans l'hôtel, et après m'avoir vu ils m'ont immédiatement demandé de poser avec eux ; j'ai passé les 10 minutes suivantes à poser pour la photo avec chacun ou presque, en prêtant mon chapeau à l'un de ces jeunes qui en mourait d'envie. Dans la mesure où une grande partie d'entre eux venait de la province d'Aceh, il aurait été inhumain de ne pas leur accorder cette joie.
Publié par Ludovic Monnerat le 26 février 2005 à 10:58