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6 février 2005
L'ombre des forces spéciales
La guerre contre le terrorisme islamiste menée - sans exception - par les nations occidentales est avant tout une affaire de renseignements, d'échanges de savoir-faire et d'actions clandestines. Dans ce cadre, le rôle des forces militaires non conventionnelles ne cesse de croître, et nulle part aussi vite qu'aux Etats-Unis, où le Commandement des Opérations Spéciales (USSOCOM) a été couplé avec le Service de Renseignement de la Défense pour former de nouvelles unités spécialisées dans l'acquisition clandestine de renseignements de source humaine. Ces innovations, qui autorisent des spéculations souvent fumeuses comme celles de Seymour Hersh, élargissent considérablement les capacités des armées.
Une autre facette de l'activité des forces spéciales US reste celle de la formation de troupes étrangères. La construction ou l'amélioration des forces de sécurité d'un Etat sont pratiquées dans le monde entier, si possible avant que des crises ou des conflits s'y déclenchent, et on trouve aujourd'hui des "bérets verts" américains en Mongolie, en Géorgie et d'autres anciennes républiques soviétiques. Ils sont également très actifs en Irak, comme le montre ce reportage rare, réalisé par une journaliste qui jouit de la confiance des forces spéciales grâce au livre qu'elle a écrit (Masters of Chaos).
Cet article tranche avec les erreurs factuelles publiées sur la question de la formation des forces irakiennes, où l'on confond joyeusement forces civiles et militaires, et donc focalisation sur la criminalité ou l'insurrection. Mais il montre surtout que les forces non conventionnelles mènent aujourd'hui une guerre tentaculaire contre le terrorisme islamiste, adoptant une vision globale et cherchant à agir dans l'ombre avant leurs ennemis. Ainsi, on ne sait pas grand chose sur leurs activités dans la Corne de l'Afrique ou en Afrique du Nord, aux Philippines ou dans les Balkans, voire en Syrie ou en Iran. Si l'Irak est aujourd'hui le centre de gravité stratégique du conflit, cette situation peut et va changer ; l'histoire complète de la guerre ne sera pas écrite avant des années.
Quoi qu'il en soit, la meilleure preuve que les forces spéciales jouent aujourd'hui un rôle crucial peut être trouvée dans les bonus époustouflants versés par l'USSOCOM pour les opérateurs qui acceptent de se réengager, avec des primes pouvant atteindre 150'000 dollars. Des hommes expérimentés, polyvalents, polyglottes, discrets, culturellement empathiques, incroyablement résistants et maîtrisant des techniques et des systèmes complexes sont tout simplement devenus irremplaçables.
Publié par Ludovic Monnerat le 6 février 2005 à 16:37