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28 février 2005
La fin de la mission
MEDAN - Une cérémonie organisée aujourd'hui 27 février sur l'aérodrome de Banda Aceh a célébré la fin de la mission de l'armée suisse au profit du HCR, après 7 semaines d'engagement. Plusieurs responsables militaires et civils de haut niveau (représentant l'armée indonésienne, le HCR et la DDC) ont pris part à la cérémonie, qui s'est déroulée sous un soleil encore plus écrasant et dans une atmosphère encore plus étouffante que d'habitude - en raison d'une averse ponctuelle, d'une absence totale de vent et d'une température qui approchait les 40°. Après les discours du commandant de la Task Force SUMA, d'un brigadier indonésien qui est le remplaçant du divisionnaire coordonnant toute l'opération d'aide humanitaire, et du responsable du HCR pour les opérations de l'agence à Sumatra, des cadeaux ont été remis et échangés, puis un apéro à base de jus de fruits et de friandises locales a été pris en commun. Enfin, le contingent a pris congé de ses partenaires avec un départ spectaculaire dans les 2 hélicoptères déployés aujourd'hui, suivi d'un survol de l'aérodrome à basse altitude.
Après un retour en duo sans histoire, mis à part quelques manœuvres d'évitement pour des cerfs-volants visibles au dernier instant, la totalité de la TF s'est réunie autour du hangar de Medan pour célébrer la fin de plus de 40 jours d'opérations aériennes menées dans des conditions difficiles sans accident et sans incident majeur. Le soulagement, le sens de l'accomplissement et la joie d'avoir relevé le défi étaient les sentiments le plus partagés, avec la joie pour les pilotes et quelques autres spécialistes de prochainement rentrer au pays. Mais la fatigue est également très présente dans les organismes, et le rapport du contingent qui s'est déroulé ce soir à 1900 dans l'une des salles de conférences de l'hôtel l'a encore souligné, au vu des attaques de paupières qu'il a occasionnées. Les hommes sont très fatigués, en raison de la longueur des journées (en gros, du matin jusqu'au soir) et des conditions climatiques endurées, mais les hélicoptères le sont aussi ; et l'un des mécaniciens m'a par exemple dit que cet engagement confrontait les machines à une usure jamais vue en Suisse, et donc représentait un saut dans l'inconnu - une manière de tester ses limites.
Mais la fin de la mission à Sumatra ne signifie pas la fin de l'opération : le retrait du contingent a déjà commencé, avec la présentation de l'articulation de la TF et de la répartition des tâches pour ce faire, alors que le processus d'évaluation de l'action (autrement dit, l'after action review) débute aussi pour l'ensemble du contingent. La phase à présent amorcée sera difficile à conduire : la fin des opérations aériennes aboutira immanquablement à un relâchement de l'attention, avec un risque de voir les comportements s'en ressentir - notamment en-dehors du travail. Jusqu'ici, l'opération SUMA est un succès éclatant : l'armée suisse a rempli sa mission loin au-delà des attentes fondées sur elle, et sa performance dans l'environnement multinational est un véritable record, d'après le brigadier indonésien qui s'est exprimé. En fait, aucune armée n'a autant volé et autant transporté de cargaisons et de passagers, proportionnellement aux moyens disponibles, que la nôtre. Plusieurs causes expliquent cette efficacité et cette réussite, mais le professionnalisme et l'engagement des militaires suisses reste la principale d'entre elles. Il faut qu'il en soit ainsi jusqu'au bout.
La dernière journée à Banda Aceh marque également le départ de la zone la plus touchée par le tsunami. Les Super Puma ont encore effectué plusieurs rotations aujourd'hui, transportant pour la dernière fois des personnes et des cargaisons selon les directives du HCR. Dès le 28 février, le contingent restera cantonné à Medan, à l'exception de quelques déplacements à Jakarta parmi l'état-major ; mais le spectacle de désolation vu par les équipages et les officiers d'état-major restera encore longtemps dans leurs mémoires. Derrière les sourires et les plaisanteries échangés aujourd'hui, immédiatement après l'atterrissage, se cachent en effet des hommes souvent d'âge mûr qui ont observé avec incrédulité le paysage dévasté de la province d'Aceh. Personnellement, je suis persuadé que la motivation exemplaire du contingent suisse s'explique aussi par le fait qu'il a fourni à ses membres la possibilité d'agir concrètement, d'aider une population en détresse, et même de sauver des vies au début de l'opération. Là encore, cet état d'esprit permet de mieux comprendre pourquoi les Suisses en ont fait plus que les autres : les membres de la TF SUMA ne sont pas des soldats de métier, mais pour l'essentiel des pilotes et des techniciens employés par l'armée et volontaires pour cette mission.
De fait, aucun contingent militaire déployé ici n'est aussi citoyen que le nôtre. La totalité de ses membres a d'ailleurs fait l'objet d'un choix individuel : c'est un assemblage de personnalités et de compétences aussi diverses que complémentaires qui forme la TF SUMA, et non une unité militaire dont on aurait repris tout ou partie de l'effectif. A l'exception des éléments des Forces aériennes, qui ont l'habitude de fonctionner ensemble, la composition de cette force de circonstance interforces (on dirait Joint Task Force en langage OTAN) était totalement inédite, et cela n'a pas empêché un fonctionnement remarquablement efficace. Il y a certainement nombre de réflexions qui peuvent être tirées de cette réalité, notamment au sujet du niveau jusqu'où il est possible d'appliquer le principe de la modularité. Pour l'heure, je me contenterai de noter que rien n'est impossible à ceux qui maintiennent constamment un haut niveau de disponibilité, à ceux qui se préparent tous les jours à remplir leur mission.
Publié par Ludovic Monnerat le 28 février 2005 à 0:35