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23 février 2005
La conduite au quotidien
MEDAN - Le contingent suisse effectue aujourd'hui des transports aériens normaux, dans toute la partie nord de Sumatra, comme il le fait depuis le 18 janvier dernier ; la particularité de ces vols est qu'ils se déroulent systématiquement à pleine charge ou presque, et qu'ils durent toute la journée : les Suisses sont les seuls dans toute l'île à remplir des prestations aussi élevées, et d'autres contingents se contentent ou se sont contentés de faire voler leurs hélicoptères largement à vide et un petit nombre d'heures par jour. Cette efficacité, qui rend la contribution des mécaniciens absolument décisive, exige également du HCR la capacité de centraliser et de charger rapidement les personnes et les équipements à transporter. D'un autre côté, les équipages et leurs appuis sont en mesure de se concentrer exclusivement sur leur mission de transport aérien grâce au travail de l'état-major de la TF SUMA, qui compte 11 officiers.
Le rapport de cet état-major constitue donc l'outil de conduite principal du commandant du contingent (NCC en langage international, pour national component commander) ; il a lieu tous les jours à 0800, sauf le dimanche où il se déroule dès 0900, et permet de traiter la rétrospective et la perspective des domaines de base d'état-major représentés (personnel, renseignements, opérations, etc.). La TF SUMA travaille en effet 7 jours sur 7, et est en activité environ 18 heures sur 24 ; pour tenir ce rythme, les pilotes volent 2 jours successivement avant de prendre 1 jour de repos, et ainsi de suite. Mais l'état-major, fort logiquement, doit travailler en permanence pour assurer la transmission des informations, l'analyse des renseignements, l'appui à l'engagement (c'est-à -dire la logistique) - bref toutes les fonctions que l'on attend d'une formation interforces engagée dans une mission relevant d'une urgence humanitaire.
Le poste de commandement de l'état-major est établi dans une salle de conférences climatisée, au sein de l'hôtel où est basée le contingent. Les officiers d'état-major qui y travaillent en permanence ou presque y ont un bureau, alors que le centre de la salle est aménagé pour accueillir les rapports. Je viens moi-même de passer l'essentiel de la journée au PC, puisque j'ai pris connaissance de tous les ordres et rapports importants liés à la mission - ce qui remplit presque entièrement 4 classeurs fédéraux ; une tâche indispensable pour avoir la vue d'ensemble sur les échanges d'informations entre Medan et Berne, et donc sur les conditions de l'engagement à l'échelon opératif (état-major de conduite de l'armée) et tactique (TF SUMA). A ce sujet, il faut cependant relever que la TF joue bien davantage qu'un rôle militaire, mais contribue notamment à appuyer la politique étrangère suisse - en étroite coordination avec l'ambassadeur suisse en Indonésie et la Direction pour le développement et la coopération (DDC).
Bien que le contingent n'est pas armé, le fait d'opérer avec des moyens militaires sur le territoire d'un Etat souverain et dans le cadre d'une aide humanitaire multinationale mobilisant un grand nombre d'organisations forme en effet une situation complexe, dans laquelle les conséquences politiques, diplomatiques voire économiques des décisions militaires doivent être constamment soupesées. La présence suisse en bien acceptée en Indonésie, parce que le cadre de notre engagement est clair (appui subsidiaire du HCR), parce que notre mission est dépourvue d'arrière-pensées (même si nous savons fort bien qu'elle est pour l'armée l'occasion de rappeler au public ses capacités uniques et essentielles), parce que nos hommes ont l'ordre d'être discrets et respectueux des coutumes locales, et parce que les Suisses ont sans aucun doute la modestie et le sens pratique que la situation exige. D'ailleurs, les Indonésiens nous témoignent fréquemment leur intérêt, en nous interpellant grâce à nos plaquettes nominatives. Hello, Mr Monnerat, I like the Swiss !
Un peu plus d'un jour après mon arrivée à Sumatra, l'acclimatation va bon train. Le décalage horaire de 6 heures a été digéré ; la chaleur n'est plus aussi étouffante, même si sortir d'une pièce climatisée vous donne à chaque fois l'impression d'entrer dans une piscine couverte surchauffée en plein hiver ; les chambres sont particulièrement bien isolées du bruit et de la chaleur, même si le muezzin le plus proche m'a évidemment réveillé avec ses "Allah Akbar" retentissants sur le coup de 0520 (il paraît que l'on s'y habitue, un peu comme le train). A ce rythme, il sera temps demain de quitter la ville de Medan pour voir concrètement l'application des capacités aériennes militaires dans une zone sinistrée, et se faire une idée complète de la mission. En redoublant l'application de la protection contre le soleil et les insectes, naturellement !
Publié par Ludovic Monnerat le 23 février 2005 à 11:53
Commentaires
Comment ressentez-vous l'action de l'ONU [1] ? Confirmez-vous les critiques (virulentes) de sites comme http://diplomadic.blogspot.com ? Prévoyez-vous un post sur ce thème ?
Merci pour vos posts (et désolé pour l'anonymat (préfixé))
([1] Le 31 janvier vous écriviez : LudovicMonnerat.com: Un lent reflux en Asie
"Ce sera donc l'occasion de vérifier par soi-même la situation sur place, de contribuer à soulager les populations locales, de vérifier l'organisation mise à place par l'ONU... "
http://www.ludovicmonnerat.com/archives/2005/01/lent_reflux_en.html )
Publié par Par Ano (nyme) le 23 février 2005 à 18:10
A quand une telle mobilitation internationale pour le Darfour où il y a autan de morts et des centaines de milliers de réfugiés?
Publié par mik le 23 février 2005 à 20:52