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25 janvier 2005
Un relativisme irrationnel
Claude Monnier, chroniqueur régulier pour 24 Heures, est sans conteste un homme très intelligent. Sans doute l'un des plus intelligents de la presse romande. Ce qui rend d'autant plus inquiétante sa dernière colonne, qu'il a écrite après avoir vu un documentaire consacré aux expérimentations japonaises sur des prisonniers de guerre dans l'Unité 731, et qui l'amène à un relativisme aussi répugnant que révélateur :
L'objectif premier de cette Unité 731 était de trouver une arme bactériologique imparable, comme la peste, et d'étudier la manière de l'utiliser efficacement. Les prisonniers ne ressortaient jamais vivants de l'Unité 731. On savait que les troupes japonaises s'étaient souvent comportées odieusement en Asie orientale, mais tout de même pas avec une cruauté aussi extrême.
[...]
J'observe d'abord que la cruauté n'a pas d'âge. Au contraire, l'inhumanité, les exactions extrêmes, semblent faire partie de la vie des groupes humains de toutes les époques, y compris de la nôtre - souvenez-vous des meurtres du Rwanda, commis à la machette; des camps de concentration serbes; des humiliations et tortures de Guantanamo et d'Abou Ghraïb.
Est-ce que nous sommes donc tombés aussi bas ? Est-ce qu'il est devenu tellement normal d'aligner dans une même phrase le génocide rwandais (environ 1 million de morts), le nettoyage ethnique en Bosnie (250'000 morts, dont 7000 en 2 jours à Srebrenica) et les prisons de Guantanamo ou Abou Ghraïb, où les auteurs de maltraitements sont tous en prison ou en attente de jugement, et qui jusqu'à preuve du contraire n'ont pas tué de prisonniers ? Peut-être Claude Monnier aura-t-il écrit sous le coup de l'émotion, aveuglé par le tourbillon d'images qui constitue notre actualité, ou peut-être aura-t-il voulu donner des gages à la rédaction farouchement anti-américaine de 24 Heures ; mais comment peut-on perdre à ce point le sens des proportions ?
On rappellera avec intérêt que l'essentiel des sévices qui ont fait éclater le scandale d'Abou Ghraïb se sont produits durant une tranche de 24 heures, et que c'est l'incompétence des officiers et l'incurie des lieux qui ont créé les conditions de ces exactions ; que la quasi totalité des hommes détenus à Guantanamo sont des combattants arrêtés l'arme à la main, susceptibles de reprendre le combat dès leur libération, et dont l'interrogatoire continue de fournir des renseignements permettant l'arrestation de cellules terroristes, notamment en Europe ; et que les combattants capturés lors d'un conflit ne peuvent être libérés qu'au terme de celui-ci. Mais à quoi bon fournir des faits lorsque les opinions s'en détachent ?
C'est l'un des faits centraux de notre époque : la raison perd sans cesse du terrain face à l'émotion. Tout devient comparable, tout peut être réécrit, tous les symboles se valent dès lors qu'il s'agit d'exprimer un sentiment, une position, une revendication. Où cela nous mène-t-il ? Spontanément, je n'en ai pas la moindre idée. Il faut s'en inquiéter et y réfléchir.
Publié par Ludovic Monnerat le 25 janvier 2005 à 9:33
Commentaires
J'ai une idée!
Peut-être que nous avons rien compris, et que tous ces gens (Claude Monnier et ses camarades) font de l'humour...
Ca doit être ça.
Publié par Ruben le 25 janvier 2005 à 11:49
Ce ne sont pas les faits en eux mémes qui comptent mais l'image qu'ils donnent.
Publié par Frédéric le 25 janvier 2005 à 17:54