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8 janvier 2005
ONU : silence complice - suite
L'agence de surveillance interne de l'ONU a rendu public hier un rapport décrivant les exactions du personnel civil et militaire des Nations Unies au Congo. Le communiqué plutôt sobre qui accompagne cette publication sera-t-il accepté sans autre par les médias, qui préfèreront négliger ce scandale pour ne pas saper la perception de l'ONU dans l'opinion publique, ou est-ce qu'au contraire elle sera le point de départ d'approfondissements et de commentaires critiques ? Nous verrons bien. Je reste sans illusion.
Publié par Ludovic Monnerat le 8 janvier 2005 à 9:42
Commentaires
Publié par nobody le 8 janvier 2005 à 18:31
Bon, autant pour moi, malgré le nombre de résultats correct, notre « journal de référence » a enfouit l'article dans les profondeurs de sa section international (online) :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3210,36-393435,0.html
Ironiquement, l'auteur de l'article est beaucoup plus critique (ou au moins cynique) sur son blog personnel.
http://clesnes.blog.lemonde.fr/etatsunis/
Bientôt, Le Monde en blog!
Publié par nobody le 8 janvier 2005 à 19:34
L'article de la correspondante du Monde confirme mes craintes : le rapport de l'ONU est accepté tel quel, sans le moindre soupçon de vouloir réduire les exactions commises - avec 150 cas signalés, et bien d'autres jamais abordés. Plus grave, Corine Lesnes parle dans son article d'abus sexuels contre un peu de nourriture, alors que ce sont bel et bien des viols sur des mineures qui ont été commis à réitérées reprises, comme l'a révélé le Times le 23 décembre dernier.
Le blog est certes plus intéressant : la journaliste du Monde semble choquée qu'un correspondant de Fox News ait demandé, lors d'une conférence de presse, si ces exactions n'étaient pas l'Abu Ghraib de l'ONU. Le fait même de poser une telle question semble impensable pour cette dame, alors que cette possibilité a justement été mentionnée par le Times. En fait, le viol et le tournage de vidéos pornographiques sous contrainte sont des crimes clairement plus graves que les sévices infligés par une poignée de soldats américains.
On se situe donc ici clairement dans une perspective pro-onusienne, car ce rapport devrait justement être l'occasion de comparer les accusations portées contre le personnel de l'ONU et les résultats de l'enquête, afin de se demander si le travail a été fait de manière honnête. Cette absence de sens critique est révélatrice.
Il faut certes ajouter que la presse française a fait d'Abu Ghraib un lieu de torture systématique, ce que plusieurs enquêtes successives ont démenti...
Publié par Ludovic Monnerat le 8 janvier 2005 à 19:58
« vidéos pornographiques sous contrainte sont des crimes clairement plus graves que les sévices infligés par une poignée de soldats américains. »
Effectivement, les soldats (et civils) concernés devraient écoper de peines plus lourdes, mais la responsabilité de l'ONU n'est pas engagée directement, contrairement aux USA en Iraq. Les premiers responsables sont les officiers et les nations fournissant les troupes. L'ONU n'a pas été mis en cause, et à juste titre, lorsque des soldats Français (agissant sous un mandat certes différent!) ont pillés des banques Ivoiriennes, pourquoi en serait-il autrement pour des crimes commis dans le cadre de ce qui est de fait « un service rendu » à la MONUC par des troupes étrangères ?
Comme toujours, le seul reproche que l'on peut faire à l'ONU est d'avoir échoué à faire cesser le climat d'impunité en matière de crimes sexuels qui règne dans cette région (Et elle aurait les outils pour le faire que ce soit avec des sanctions du conseil de sécurité ou des agences type Unicef).
De plus, à part la réaction émotionnelle aux images d'Abu Ghraib, c'est avant tout la position Américaine ambiguë face à la torture qui à largement remplit les colonnes des médias type Le Monde (je pense à l'affaire Idema, à l'Afghanistan et à la récente redéfinition de la torture plus qu'à Abu Ghraib)
« On se situe donc ici clairement dans une perspective pro-onusienne, car ce rapport devrait justement être l'occasion de comparer les accusations portées contre le personnel de l'ONU et les résultats de l'enquête, afin de se demander si le travail a été fait de manière honnête. Cette absence de sens critique est révélatrice. »
C'est vrai que les rapports de l'ONU sont rarement cités de manière critique (d'ailleurs, c'est tellement habituel que je n'avais pas remarqué, merci!). Ceci dit, l'agence d'investigation de l'ONU à souvent été plus sévère dans ses jugements que les nations responsables des suites judiciaires (Je pense aux récentes affaires de harcèlement sexuel par des fonctionnaires)
Plus généralement, pour la presse, la différence de traitement Abu-Ghraib/MONUC (au moins en volume) me semble autant dû au fait qu'il n'y ait pas eu d'images des violences, qu'à un biais pro-ONU.
Concernant l'article de la journaliste, à mon sens, elle aborde (involontairement ?) le problème de fond : « !trouver des "casques bleus" est un sempiternel casse-tête! » . Le rôle de l'ONU est il d'entretenir les armées parfois mal encadrées des pays en voie de développement en utilisant massivement ce type de contingents dans toutes les zones « tièdes » ? Au moment où l'on parle de « casques rouges », il serait peut être intéressant d'évoquer des solutions alternatives, personnellement, l'encadrement par des sociétés militaires privées (et sous contrat avec l'ONU, ce qui engagerait directement sa responsabilité) me semble finalement moins nuisible que le système actuel de « nations cadres ».
http://www.un.org/Depts/Cartographic/map/dpko/monuc.pdf (Il est loin le temps d'Artemis ou les médias s'intéressaient à la RDC!)
Publié par nobody le 8 janvier 2005 à 23:37
La position "sans illusion" semble en effet de mise. A lire l'AFP du moins - institution abreuvant nombre de médias européens et faisant figure de référence dans le domaine international - qui reprend tel quel le communiqué onusien, sans l'ombre d'un esprit critique.
Outre la propension à noyer le poisson, un passage me paraît digne d'être cité:
"Le rapport formule une série de recommandations pour essayer de mettre fin à cette situation, notamment que l'ONU exige des pays ayant fourni les soldats mis en cause qu'ils prennent "les mesures appropriées" à leur encontre."
Que peut-on lire entre les lignes, sinon que l'ONU n'est pas responsable des exactions commises, mais bien plutôt les pays qui ont proposé des soldats "impropres", ou plus encore les armées desdits pays. A surfer ainsi sur la vague Abu Ghraib - pas besoin d'être grand clerc pour faire le rapprochement - l'ONU démontre une fois de plus sa capacité de communication démagogique et qu'elle est passée maîtresse dans l'art de refiler la patate chaude. Aidée en cela par des médias prompts à sacrifier l'esprit de leur métier sur l'autel de l'idéologie.
De quoi, oui, rester sans illusion.
Publié par Myriam le 9 janvier 2005 à 0:28
Après avoir lu le post de "nobody", je préciserai mon propos. Sans entrer dans l'opposition "casques bleus" versus "casques rouges", ni épiloguer sur l'encadrement par des sociétés militaires privées - des thèmes qui je l'avoue dépassent tant ma connaissance que ma compétence - je constate néanmoins que nous nous rejoignons sur un point: la nécessité pour l'ONU d'engager directement sa responsabilité. Qui permettrait de poser un terme à une dommageable schizophrénie... Pour autant que ce soit possible, et de cela je ne suis pas sûre. Pas sûre qu'une telle organisation soit capable d'évolution, sans parler de remise en question. Qui vivra verra. Très bien, je ne demande qu'à voir...
Publié par Myriam le 9 janvier 2005 à 1:37
De la part d'une agence de presse (AFP), cela semble normal de relater les faits et éventuellement de rajouter des éléments de contexte. Après, c'est plutôt aux journalistes de faire les analyses ! non ?
Sinon, concernant l'ONU, si elle a si bien apprit à refiler la patate chaude, c'est aussi parce que ses membres on l'habitude de la passer sur le grill après chaque « ratage » (donc souvent !), alors que bien souvent chacun de ces membres à chercher seulement à éviter le problème (quand il n'y a pas eu directement obstruction)
L'ONU n'est pas un état, n'à pas d'armée, quasiment pas de compétence pénales. Les pays contributeurs de troupes sont donc responsables pénalement pour les exactions de leur soldats (hors accord bilatéraux et autres!). C'est trop facile pour certains commentateurs (notamment US !) de critiquer cet état de fait et ensuite de crier au loup à chaque évocation du TPI ou demande de contribution de troupes!
Dans ce cas, ce n'est pas l'ONU qu'il faut critiquer, mais bien plutôt l'Union Européenne qui a en RDC, des intérêts et des responsabilités historiques importantes (France et Belgique en tête). Bref, après Artemis, l'UE a refilé « la patate chaude » et le boulot qu'elle devrait faire à des soldats Marocains sous équipés et dont les officiers ont visiblement raté les cours d'éthique!
(ps: Redigé avant le dernier post de myriam janvier 9, 2005 01:37 AM! Sinon, on est d'accord:)
Publié par nobody le 9 janvier 2005 à 1:42
Parfaitement d'accord pour dire que c'est l'absence d'image qui explique la différence de traitement Abu Ghraib / MONUC : si l'on se rappelle que les sévices exercés par les soldats américains ont fait l'objet d'une enquête annoncée au public dans le désintérêt général des médias, on mesure bien que c'est l'apparition des images quelques semaines plus tard qui a vraiment mobilisé les rédactions. L'article du Times cite d'ailleurs un responsable de l'ONU très inquiet à l'idée que les images sortent (on se rappelle aussi les images de torture en Somalie par des soldats canadiens, italiens et belges... dans une mission ONU).
Maintenant, concernant la responsabilité de l'ONU, je ne peux pas entièrement vous suivre sur ce point. Il est exact que, concrètement, l'ONU n'a pas les prérogatives qui sont celles par exemple d'un commandant militaire d'une mission internationale, soit le pouvoir d'ordonner et de punir. La responsabilité de la hiérarchie onusienne est donc moindre que celle de la hiérarchie américaine pour Abu Ghraib. Malgré cela, elle dispose sur place du personnel nécessaire pour superviser le comportement des Casques bleus, et c'est bien ce qui semble faire défaut. L'ONU ferme-t-elle les yeux sur certains agissements pour continuer à recevoir des contingents ? C'est possible, mais à quoi bon déployer des troupes qui font plus de tort que de bien ?
Effectivement, l'engagement de sociétés militaires privées de type occidental semble une solution plus adaptée, quoique guère idéale. Et si l'ONU demandait à l'UE d'augmenter ses capacités militaires pour justement être en mesure de mieux l'appuyer sur le terrain ? On peut toujours rêver...
Publié par Ludovic Monnerat le 9 janvier 2005 à 9:22
Petite précision: la vision d'une Agence France Presse qui se contenterait de relater les faits (encore que ce terme me semble sujet à caution...) ne reflète pas la réalité. L'AFP fournit en effet au quotidien quantité d'analyses et d'éclairages. Rien ne l'aurait empêchée, si elle l'avait souhaité, de développer également ce thème...
Publié par Myriam le 9 janvier 2005 à 21:44