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30 janvier 2005
Les leçons de l'élection
Les bureaux de vote ont fermé en Irak, et cette journée semble vouée à entrer dans l'histoire : les témoignages et les déclarations convergent en indiquant une participation massive aux élections, dans un climat de fête à Bagdad et dans d'autres grandes villes. Seules quelques zones particulièrement affectées par les attaques terroristes et par les menaces de la guérilla n'ont pas connu de vote ; mais à l'échelon national, la participation témoigne d'un intérêt généralisé pour ce vote, malgré des attentats qui ont entraîné la mort d'au moins 44 personnes - dont 9 terroristes. La violence n'a pas empêché les Irakiens de se rendre très nombreux aux urnes.
Comment estimer leur participation ? Le chiffre avancé de 72% avant la fermeture des bureaux semble une base crédible, puisque seules 2 provinces n'ont pas été intégrées à ce calcul - dont celle de Ninive, où la ville de Mossoul a connu une affluence respectable ; la participation annoncée à 60% dans la province de Salahuddin, en plein triangle sunnite et avec la ville symbolique de Tikrit, semble révélatrice. Les élections irakiennes ont donc été plébiscitées par la population, et au-delà des résultats qui seront certifiés dans une dizaine de jours, cet événement doit être analysé.
En premier lieu, cette journée montre l'impuissance de la guérilla sunnite à peser de manière décisive sur le destin du pays. Cela ne surprendra pas ceux qui suivent de près l'Irak et qui ne se laissent pas abuser par la couverture partiale et partielle des médias occidentaux. Jamais cet assemblage hétérogène de baasistes, d'islamistes, de criminels et d'opportunistes n'a représenté une volonté populaire à l'échelon national, et le qualificatif de "résistance" dont l'honorent une partie des commentateurs internationaux est un contresens particulièrement honteux. Les terroristes peuvent faire illusion en manipulant les médias, mais les élections donnent la parole à toute la population, et quelques bombes n'ont pas réussi à étouffer la clameur démocratique et l'hymne à la liberté des Irakiens.
Deuxièmement, les forces de sécurité irakiennes et les troupes de la coalition ont su fournir une protection suffisante pour la tenue d'élections dans les 4 provinces sur les 18 du pays qui sont vraiment menacées par la guérilla sunnite, et notamment à Bagdad. Cela devrait mettre un terme aux spéculations ridicules selon lesquelles seuls 4000 hommes seraient opérationnels et fiables dans les forces irakiennes. Aucun des 9 attentats suicides perpétrés aujourd'hui n'a pu avoir lieu devant les locaux de vote, là où des files d'attente de plusieurs dizaines de mètres auraient permis un carnage. Le bain de sang promis par Zarqaoui a été empêché par un dispositif imposant, par des forces locales présentes en masse, par une collaboration étroite avec la coalition, mais aussi par la campagne offensive lancée voici 4 mois par les unités US.
Troisièmement, ces élections lèvent le voile partisan qui dissimule l'Irak réel et jettent une lumière aussi crue qu'impitoyable sur l'Irak virtuel que nous servent les médias européens. Toute cette succession de bombes, de kidnappings, d'exécutions et de fusillade qui permet à des rédactions presque exclusivement opposées à l'opération Iraqi Freedom de parler de chaos, de bourbier et de désastre est aujourd'hui contredite par l'image du véritable Irak, par un pays en plein essor, dont la majorité des citoyens sont par exemple satisfaits des conditions de sécurité. Sur près de 5500 bureaux de vote irakiens, 99% d'entre eux n'auront pas été attaqués, et la concentration des "informations" sur le 1% devient plus ridicule que choquante. L'Histoire se fera sans les médias.
Quatrièmement, ces élections confirment - après l'Afghanistan, et dans une moindre mesure la Palestine, encore que l'espoir renaisse - que la liberté et la démocratie sont des valeurs universelles, et constituent les meilleures conditions de coexistence entre individus quels que soient les lieux et les populations. Comme les islamistes l'ont parfaitement identifié, le monde entier est désormais engagé dans une lutte mortelle entre le fondamentalisme musulman et la démocratie libérale, entre le droit divin et le droit humain, entre l'obsession de la mort et l'amour de la vie. Les Irakiens ont choisi aujourd'hui leur camp avec détermination. J'aimerais qu'il en soit fait de même, et aussi clairement, en Europe.
Ces quelques leçons stratégiques tirées à chaud ne remplacent pas une analyse plus détaillée. Mais elles indiquent que ces élections constituent un formidable révélateur des enjeux propres à notre époque.
COMPLEMENT I : En parlant de l'Europe, Madrid a connu aujourd'hui une manifestation pour protester contre la tenue d'élections en Irak, sous le prétexte qu'elles auraient lieu sous une prétendue occupation américaine. Est-ce que ces gens seront un jour capables d'ouvrir les yeux et de voir le véritable Irak ? Est-ce qu'ils vont un jour accepter d'écouter les Irakiens ? Pendant ce temps, quelque 90% des expatriés irakiens inscrits en France pour les élections ont participé à ces élections...
COMPLEMENT II : La participation a été revue à la baisse pour s'établir aux environs de 60%, avec plus de 8 millions de scrutins. Ces chiffres sont toutefois provisoires, même s'ils sont basés sur l'ensemble des provinces du pays. En l'état, ils constituent donc un beau succès pour la démocratie, et un plébiscite contre ceux qui la combattent.
Publié par Ludovic Monnerat le 30 janvier 2005 à 16:24
Commentaires
Il est fatigant et agaçant de lire les critiques à l'encontre des la presse européenne (car elle ne correspond pas à vos opinions politiques ?). Surtout, après avoir cliqué sur l'un des liens figurant dans votre texte, on découvre le message suivant : Interesting: 75% of Iraqis say security where they live is either "good" or "average." Not exactly the impression you would get from the American press.
Si vous voulez donner des leçons de rigueur journalistiques, il faudrait peut-être vous y mettre également et arrêter de choisir uniquement les faits qui confortent votre opinion.
Salutations désespérées
Publié par Alex le 31 janvier 2005 à 9:34
"Si vous voulez donner des leçons de rigueur journalistiques, il faudrait peut-être vous y mettre également et arrêter de choisir uniquement les faits qui confortent votre opinion."
Mon cher Alex, si l'élaboration de la moindre information consiste à collecter des faits pour et des faits contre sans plus de travail critique, c'est limiter la "rigueur" à un assemblage hétéroclite d'abstractions sans rapport avec la réalité. Les faits, les dépêches et les chiffres n'ont aucun sens si on ne comprend pas les phénomènes qui leur donnent naissance.
Certains faits sont vrais, d'autres sont manipulés, et enfin certains ont plus de poids que d'autres. Recouper toutes ces informations pour en dégager des conclusions PERTINENTES, tel est le vrai travail d'un journaliste s'il tient absolument à dépasser la simple couverture de l'événement. Ce serait selon moi ce qui est à attendre d'un éditorialiste sérieux, mais la plupart d'entre eux ont une vision de la réalité totalement déformée par leur idéologie.
Enfin, que 75% des Irakiens disent que la sécurité est "bonne" ou "moyenne" ne les a en tous cas pas empêché de voter.
Publié par Stéphane le 31 janvier 2005 à 11:53
Mon très cher Stéphane,
Votre ton condescendant ne me sied guère. D'autre part, selon votre expression, un travail critique doit également prendre en compte les événements ainsi que les résultats allant à l'encontre de ses propres opinions.
Enfin, je ne suis pas certain qu'une partie des sources citées sur ce site soient vraiment neutres. N'oublions pas que l'on se trouve dans un contexte de guerre et que l'information constitue, dans ce contexte, une arme. L'oublier serait faire preuve de naïveté.
Devrais-je à ce sujet rappeler l'information que générait le gouvernement américain au sujet des armes de destruction massive ?
Nonobstant ces problèmes d'objectivité, je dois reconnaître que je suis satisfait des premiers pas des Irakiens en direction de la démocratie. Mais la route est encore longue et semée d'embûches.
Alex
Publié par Alex le 31 janvier 2005 à 13:17
En tous cas, il y a eu un taux record en France parmi la petite communauté d'expatriés :
30 janvier 2005
17:57 Elections générales: environ 90% des Irakiens expatriés inscrits en France ont voté
PARIS (AP) - Environ 90% des 1.041 Irakiens expatriés inscrits pour voter en France se sont rendus aux urnes à Paris pour participer aux élections générales irakiennes, a-t-on appris dimanche en fin d'après-midi auprès de Jérôme Heitz, un des responsables de l'Organisation internationale des migrations (OIM) en charge des opérations de vote en France.
M. Heitz a précisé qu'après un début assez lent (17% de participation vendredi), la participation avait été forte pendant le week-end. «Beaucoup d'Irakiens sont venus de province en groupe, c'était très émouvant et très enthousiaste», a-t-il affirmé à l'Associated Press.
Le bureau de vote mis en place dans le XIIIe arrondissement de Paris pour accueillir les Irakiens expatriés a fermé ses portes à 17h dimanche, mais selon M. Heitz, le taux définitif de participation ne sera connu que lundi en fin de matinée.
Quelques dizaines d'Irakiens vivant en Suisse, en Espagne ou en Italie -des pays où aucun bureau de vote n'avait été installé pour les Irakiens expatriés- se sont aussi rendus à Paris pour participer au scrutin, a ajouté Jérôme Heitz. AP
Publié par Frédéric le 31 janvier 2005 à 14:12
"Devrais-je à ce sujet rappeler l'information que générait le gouvernement américain au sujet des armes de destruction massive ?"
J'aimerais rappeler, pour ma part, que ces informations ont été exigées par certains dans le but d'empêcher l'intervention en Irak, et qu'elles ne faisaient pas partie de l'argumentaire qui permit à l'administration Bush d'obtenir l'approbation du Congrès et du Sénat. Voir http://www.frontpagemag.com/Articles/ReadArticle.asp?ID=16103
Publié par ajm le 31 janvier 2005 à 18:11
Pour revenir à l'interpellation d'alex, c'est bien un travail journalistique - et analytique - de qualité que j'espère faire, mais l'impossibilité de le garantir explique les liens permettant à chacun de vérifier et de se faire une opinion. En l'occurrence, le plus important me paraît d'obtenir des informations à la fois générales et précises, susceptibles de fournir une vue d'ensemble et non des détails exagérément grossis et finalement trompeurs. Et ce n'est pas la différence d'opinion de la presse européenne qui me dérange, mais bien sa faiblesse journalistique - et analytique.
Publié par Ludovic Monnerat le 31 janvier 2005 à 19:59
"Et ce n'est pas la différence d'opinion de la presse européenne qui me dérange, mais bien sa faiblesse journalistique - et analytique."
Eh bien... c'est justement parce que j'ai de la peine à voir une différence d'opinion que que les médias européens me dérangent.
Publié par Ruben le 31 janvier 2005 à 21:02
COMPLEMENT I : En parlant de l'Europe, Madrid a connu aujourd'hui une manifestation pour protester contre la tenue d'élections en Irak, sous le prétexte qu'elles auraient lieu sous une prétendue occupation américaine. Est-ce que ces gens seront un jour capables d'ouvrir les yeux et de voir le véritable Irak ? Est-ce qu'ils vont un jour accepter d'écouter les Irakiens ? Pendant ce temps, quelque 90% des expatriés irakiens inscrits en France pour les élections ont participé à ces élections
Mais dites moi franchement ce que vous en avez à faire du peuple irakien, quelle belle plaisanterie vos articles
Publié par ii le 1 février 2005 à 0:17
À propos du vote sous occupation:
http://www.objectif-info.com/Arabes/elections_occupation.htm
Publié par ajm le 1 février 2005 à 7:26