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28 décembre 2004
Les fabriques à mercenaires
Un bref article publié dans Le Point rappelle l'origine de l'essor spectaculaire qu'ont connu les sociétés militaires privées depuis une décennie. Les brutales coupes budgétaires imposées aux Forces armées suédoises vont provoquer le licenciement de nombreux officiers, et une société privée s'est rué sur l'occasion pour recycler ce personnel qualifié et lui proposer des contrats de sécurité au profit de sociétés américaines sur des théâtres d'opération à haut risque. Les protestations de l'armée ne parviendront pas à entraver ce phénomène.
La Suède n'est pas un cas isolé, puisque la plupart des pays occidentaux ont procédé à d'importantes réductions d'effectifs depuis la fin de la guerre froide. L'ampleur et la rapidité du problème proviennent du fait que les Forces armées suédoises ont procédé à des investissements trop ambitieux pour leurs ressources à terme, comme la commande de 204 avions de combat Gripen ou la digitalisation accélérée de toute l'institution. Les réalités budgétaires imposent l'abandon de capacités et du personnel afférent, pour économiser jusqu'à 500 millions de francs par an sur un budget de 7 milliards.
Une conséquence encore sous-estimée de ces réductions reste la mise sur le marché de compétences rares et coûteuses. Instruire et entraîner un opérateur de forces spéciales, par exemple, coûte entre 1 et 3 millions de francs selon les armées ; or ces militaires d'élite, particulièrement recherchés par les sociétés militaires privées, se font offrir des salaires somptuaires - plus de 40'000 francs par mois - pour travailler dans les mêmes régions où leurs unités les envoient aujourd'hui, en gagnant 20 fois plus et en maîtrisant davantage le rythme et la durée des missions.
Le fond du problème est le suivant : le monopole de la coercition armée a été volontairement abandonné par les Etats au profit de l'économie privée. L'idéologie antimilitaire en vogue depuis 80 ans, qui affirme encore à tout va que les guerres sont la conséquence des armées, a abouti à faire perdre tout contrôle démocratique sur des capacités opérationnelles vitales, et potentiellement dangereuses. Nous ne sommes pas très loin d'un retour à l'époque des condottieri, où la guerre était une activité lucrative que les populations impuissantes subissaient constamment !
Cet essor des sociétés militaires privées n'a pas que des désavantages ; il pourrait même permettre de remédier à l'incurie dramatique des contingents engagés sous la bannière de l'ONU. D'ailleurs, vu la considération limitée dont ils jouissent au sein de leur société, on peut comprendre les officiers suédois qui acceptent des contrats privés. Mais la décadence semi-consciente des Etats suscite une inquiétude majeure. Le caractère suicidaire du pacifisme n'a pas fini de nous surprendre!
Publié par Ludovic Monnerat le 28 décembre 2004 à 15:42
Commentaires
Je signale cette article en anglais sur le recrutement en Amérique Latine par les SMP
http://www.democracynow.org/article.pl?sid=04/12/23/1541224
Quand on sait qu'un SAS en OPEX touche 250 £ par semaines et qu'un société privée US propose jusqu'a 8 000 $ soit 5000 £ pour un poste en Irak, on comprend que beaucoup de militaires d'actives soient tenté.
Publié par Frédéric le 5 janvier 2005 à 11:09