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20 décembre 2004
Israël dans l'OTAN ?
Un coup de chapeau à 24 Heures, qui aborde aujourd'hui la proposition explosive évoquée la semaine passée lors d'une conférence en Israël : l'adhésion de l'Etat juif à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord dans le cadre d'un possible règlement du conflit israélo-palestinien et d'une stabilisation accrue de toute la région. Pour appronfondir le sujet, il est toutefois préférable de consulter le remarquable article écrit par le spécialiste militaire du quotidien d'obédience travailliste Haaretz et le développement que lui consacre le Jerusalem Post, le quotidien le plus proche du Likoud.
En effet, contrairement à ce que laisse entendre 24 Heures, l'OTAN ne fait que poursuivre sa quête vers un renforcement des coopérations dans le pourtour immédiat de ses 26 pays membres, et les contacts avec Israël se font avant tout dans le cadre du « dialogue méditerranéen » qu'elle mène avec pas de moins de 7 pays. De plus, l'Alliance dite atlantique - et dont la dénomination devient chaque année plus problématique - a également étendu son influence aux républiques d'Asie centrale, qui avoisinent le secteur de son engagement militaire le plus important après le Kosovo - la Force Internationale de Sécurité et d'Assistance en Afghanistan.
Les dirigeants de l'OTAN font preuve d'une grande prudence dans leurs démarches au Proche-Orient. Ils s'efforcent de définir leur rôle stratégique comme une lutte contre le terrorisme international, et prennent soin d'exclure toute action contre un terrorisme régional - désignant par là celui des organisations palestiniennes. Malgré cela, il est indéniable que les nombreuses invitations transmises récemment aux Israéliens témoignent d'un intérêt nouveau. Le secrétaire général de l'Alliance, Jaap de Hoop Scheffer, a d'ailleurs déclaré que l'OTAN était prête à considérer une mission en Israël et en Palestine si les deux parties lui demandaient d'appuyer un accord de paix mutuel.
L'entrée d'Israël comme pays membre, avec toutes les obligations de protection mutuelle que cela implique, représenterait toutefois un bouleversement. Pour Jérusalem, une telle adhésion serait une aubaine, à condition de ne pas entraver sa lutte contre le terrorisme palestinien : elle augmenterait clairement son influence stratégique et constituerait une assurance-vie contre les agressions symétriques. Même avec la mise sous tutelle d'une partie de ses Forces armées, Israël parviendrait à institutionnaliser le rôle que perçoit aujourd'hui la majorité de ses citoyens : un avant-poste de la civilisation occidentale face au monde arabo-musulman.
Mais qu'est-ce que l'OTAN - et l'Europe - auraient à gagner avec une telle adhésion ? Faire sienne la lutte pour la survie et l'intégrité de l'Etat juif, face aux menaces proférées notamment par l'Iran, placeraient Mons et Bruxelles aux premières loges des conflits du Moyen-Orient. Seul un accord de paix global et consensuel pourrait justifier pareille prise de risque, en admettant que l'Alliance soit en mesure de déployer les contingents nécessaires pour le faire respecter - ce qui est actuellement très improbable. De plus, il reste également à démontrer que la politique intérieure de plusieurs Etats membres s'accorde à pareil élargissement. Ce dont on peut douter.
Le point sous-jacent et néanmoins central de ces discussions est cependant celui-ci : les Etats-nations tendent à se rapprocher et à se coordonner dans leur lutte contre les non-Etats. De moins en moins capables de protéger leurs citoyens sur le territoire national, les Etats voient dans l'extension de leur domaine d'influence la seule réponse aux menaces transnationales, comme les Etats-Unis, l'Union Européenne et donc l'OTAN le démontrent depuis quelques années. Au risque de perdre toute raison d'exister, toute identité commune, par la faute d'un élargissement trop vaste.
Il est fort possible que, dans quelques décennies, les Etats-nations sous leur forme actuelle aient largement disparu et apparaissent comme des entités surannées et étranges, au même titre que les fiefs féodaux ou les royaumes moyen-âgeux...
Publié par Ludovic Monnerat le 20 décembre 2004 à 19:38