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27 décembre 2004
Irak : soldats contre médias
L'un des aspects les moins connus du conflit irakien est qu'il a donné lieu à une nouvelle révolution dans le domaine de la communication. Si la Seconde guerre mondiale a été la première guerre couverte par la radio, le Vietnam la première guerre télévisée et le Kosovo la première guerre sur Internet, l'Irak est le premier conflit dans lequel les blogs jouent un rôle majeur : jamais auparavant les soldats individuels n'avaient la possibilité de décrire leur quotidien et de le faire partager à leurs proches comme au public, grâce aux cafés Internet installés dans presque chaque base militaire.
Ce qui est intéressant, c'est que la perception des soldats américains en Irak quant à la situation sur place est radicalement différente de celle transmise par les médias. Le désastre ou le bourbier qui s'affichent à la Une ou au JT, sur la base d'événements dramatiques sortis du contexte général, sont vigoureusement contestés par la majorité des soldats. Et l'un d'entre eux s'est même permis, lors d'une récente visite de Donald Rumsfeld, de lui demander comment faire en sorte que les médias occidentaux rapportent la réalité et couvrent le conflit de manière équilibrée.
Cette interpellation a été presque entièrement ignorée par les rédactions, alors qu'une autre question posée au même Rumsfeld quelque jours plus tôt et liée à la protection des forces a fait le tour du monde. L'avis des militaires américains n'a aucune importance s'il n'est pas négatif, et le récent sondage de Military Times a toutes les chances d'être également ignoré : le fait que les militaires US ayant servi en Irak soutiennent à 66% cette mission, ou que l'ensemble des sondés soient satisfaits de leur travail à 87% et envisagent à 75% de se réengager, contredit trop directement la ligne des médias pour être sans autre rendu public.
Nous vivons ainsi une époque où l'inflation des moyens de communication et l'augmentation de la masse d'informations facilite la censure sélective, voire le mensonge par omission. Tous les communiqués des groupes terroristes islamistes en Irak sont immédiatement diffusés par les agences de presse et repris, au moins sous une forme édulcorée, par les médias du monde entier. Au contraire, les communiqués émis par les services de presse de la coalition en Irak sont presque entièrement ignorés : un récit poignant du service sanitaire US après l'attentat de Mossoul a par exemple été envoyé à 1200 médias américains, mais seuls quelques uns s'y sont intéressés.
Cet abus de position dominante, comme on pourrait le désigner, n'est cependant que le réflexe d'une profession au pied du mur. La technologie a fait perdre aux médias le monopole de l'information, et rares sont les journalistes à avoir compris que les weblogs sont devenus le meilleur outil critique permettant de maintenir un équilibre entre attractivité et objectivité. La lutte des perceptions pour le contrôle de l'opinion publique qui se joue aujourd'hui entre soldats et médias à propos de l'Irak préfigure très largement notre avenir.
Publié par Ludovic Monnerat le 27 décembre 2004 à 18:47
Commentaires
Ce que vous relatez est bien vrai. Je n'ai pas un amour fou pour M. Bush mais un peu plus d'objectivité des Médias serait la bienvenue... On peut toujours réver ! je cherche mon information dans les Blogs et je la recoupe avec Google . Le lapin sort du chapeau 9 fois sur dix. Les Médias piochent allégrement dans ces mêmes Blogs mais ils ont la facheuse habitude d'oublier des phrases... Je pense que grace à la haute-vitesse le public va faire mal aux médias. Je peux penser qu'une action est illégale mais je veux être informé et non pas orienté. C'est ça être libre. Y-M
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 2 janvier 2005 à 5:13