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21 avril 2008
Alerte média : RSR La Première
C'est un article du New York Times affirmant que les experts militaires apparaissant sur les médias américains sont en fait manipulés par le Pentagone qui m'a valu l'invitation à m'exprimer ce soir, sur la Radio Suisse Romande La Première, au cours de l'émission Forums.
En fait, cet article révèle avant tout que le Département américain de la Défense tente d'utiliser les officiers généraux et supérieurs en retraite comme vecteur pour ses messages-clefs et s'appuie pour ce faire sur leur loyauté envers leur service ou sur leur intérêt personnel à bénéficier d'un traitement particulier. Il détaille la méthode employée, qui relève de la campagne d'information stratégique et montre une connaissance solide des mécanismes propres à un conflit asymétrique pour un belligérant démocratique. Mais il n'y a pas de manipulation avérée au sens exact du terme : les experts en question ont parfois tu leurs doutes et mis leurs nuances entre parenthèses pour ne pas perdre leur position privilégiée. Une chose que les journalistes seraient en peine de leur reprocher, eux qui font exactement pareil !
Ce thème répond par la bande à certaines interpellations ci-dessous sur la question des experts. Il montre que ceux-ci, loin d'être autoproclamés, sont en règle générale des catalyseurs d'informations, des individus qui, par leur expérience, par leur savoir, par leurs contacts et par leur perspective, sont en mesure de rassembler des données inaccessibles et/ou inexploitables pour autrui. Une carrière militaire en est un exemple évident, avec la possibilité de contacter les gens en place pour obtenir discrètement une confirmation. Mais en acceptant le risque d'être ainsi utilisé comme vecteur par ceux que le système empêche de s'exprimer, et en tenant compte de conflits d'intérêt potentiels qui peuvent rapidement ruiner toute crédibilité.
Posté par Ludovic Monnerat à 17h05 | Commentaires (14)
14 avril 2008
Les forces spéciales françaises en vedette
La gestion étatique et militaire de la prise d'otages du Ponant, ces derniers jours, a donné de la France une image flatteuse. On peut lire certains récits (ici et ici) pour le mesurer. Même si la rançon versée par l'armateur servira à développer les capacités des pirates et à les rendre plus dangereux encore, l'intervention déterminante des forces armées françaises - opération "Thalatine" - offre un contrecoup dissuasif, et montre que les capacités militaires présentes au large des côtes somaliennes, dans un des secteurs les plus touchés par les actes de piraterie, permettent aux États qui en ont la volonté de rendre des coups.
Dans ce cadre, c'est bien entendu l'action des forces spéciales françaises qui prend tout son sens, avec l'acquisition du renseignement pendant la détention des otages puis l'interception d'une partie des pirates après la libération. Les capacités techniques démontrées à cette occasion, comme le tir de précision à gros calibre à partir d'un hélicoptère, ne sont pas nouvelles et font partie du savoir-faire spécifique que l'on attend des unités spéciales. En revanche, il est probable que la France aurait été incapable de mener une telle opération voici 15 ou peut-être 10 ans, en raison de l'intégration interarmées qu'elle suppose.
Que l'on se représente, en effet, la diversité des moyens employés : pour la Marine nationale, plusieurs navires utilisés comme base d'opération avancée, avec à bord des capacités de commandement, d'engagement, de transport héliporté et d'appui, un avion de reconnaissance Atlantique 2, ainsi qu'une cinquantaine de commandos-marine ; pour l'Armée de l'Air, des avions de transport, en particulier pour insérer sous voile dans la mer des éléments d'assaut ; pour l'Armée de Terre, des capacités de transport et d'assaut héliporté spécialisées ; enfin, pour la Gendarmerie, une dizaine de membres du GIGN spécialisés dans la résolution des prises d'otages. Sans oublier des éléments de la DGSE !
De cette opération seront tirées nombre de leçons, notamment sur le format et le rythme opérationnel des forces armées françaises ; on lira avec intérêt les réflexions de Jean-Dominique Merchet à ce sujet. Mais elle montre surtout que la qualité des moyens militaires, et non leur quantité, est déterminante pour défendre les intérêts stratégiques d'un État en situation normale, et que cette recherche qualitative doit être une priorité dans le développement des forces armées. A moins de renoncer à défendre tout intérêt lors d'une crise hors des frontières, pour conclure sur une allusion à certains débats perpétuels en Suisse...
Posté par Ludovic Monnerat à 8h24 | Commentaires (1)