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11 juin 2007
Armée : la fin d'une absurdité
Le Conseil fédéral a annoncé aujourd'hui sa volonté de réduire les engagements de l'armée en service d'appui au profit des autorités civiles, c'est-à -dire les engagements AMBA CENTRO (protection des ambassades), LITHOS (renforcement du Corps des gardes-frontières) et TIGER/FOX (mesures de sécurité du trafic aérien). Cette décision doit encore être approuvée par le Parlement, mais elle provoquera certainement de nombreux soulagements dans les rangs de l'armée, où l'absurdité de la garde statique des ambassades en remplacement des services d'instruction a provoqué un ressentiment croissant, voire parfois des écarts de conduite frappants. Le sentiment de servir de main d'oeuvre bon marché pour compenser les heures supplémentaires des corps de police devrait ainsi disparaître, puisqu'aux 800 soldats actuellement engagés devraient succéder 125 professionnels de la sécurité militaire.
Cette décision annonce également un revirement concernant l'emploi de l'armée dans la sécurité intérieure. Alors que celui-ci était voici encore 10 ans une chose très rare, ce sont aujourd'hui plus d'un millier de soldats qui sont chaque jour déployés pour appuyer les autorités civiles à remplir leurs tâches régulières, dans une situation normale. Ce contre-emploi des moyens militaires a même provoqué des dérives, comme la tendance à spécialiser l'infanterie dans des missions autres que le combat, l'engagement de moyens aériens au bénéfice d'abord des civils et ensuite des militaires, ou encore le bricolage d'équipes recherchant des missions analogues à celles des corps de police sans aucune demande ou décision politique allant dans ce sens. En remettant ainsi l'église au milieu du village, le Conseil fédéral signale que les tâches subsidiaires ne sauraient devenir principales.
Cela ne signifie pas que les militaires n'ont aucun rôle à jouer dans la sécurité intérieure, comme l'affirment régulièrement des syndicats de police inquiets d'une absurde concurrence ; c'est simplement que les militaires doivent venir en complément et non en remplacement des policiers et autres gardes-frontière, en fournissant ponctuellement des compétences qui ne sont tout simplement pas disponibles au sein des corps constitués civils. La distinction toujours plus ténue entre sécurité intérieure et extérieure ne permet certes plus des séparations tranchées, mais cela doit précisément aboutir à une complémentarité des moyens dans le cadre d'une conception globale. Et la vocation des militaires reste inévitablement la dissuasion, la prévention, la mitigation et la neutralisation des menaces stratégiques de haute intensité, fût-ce par des missions de longue durée au-delà des frontières pour éviter l'apparition même de telles menaces.
Bien entendu, les soldats de milice n'en ont pas fini dans l'immédiat avec les cours de répétition lénifiants, passés à protéger des bâtiments déjà fortement sécurisés, puisqu'il faudra une période de transition d'au moins 3 ans. Il faudra cependant un jour s'interroger sur le coût réel d'une telle mission, menée pendant plus d'une décennie, sur la disponibilité de l'armée, sur son niveau d'instruction et sur la motivation de la troupe.
Publié par Ludovic Monnerat le 11 juin 2007 à 15:20
Commentaires
Très concrètement quelle modification dans l'instruction et l'engagement peut-on s'attendre pour l'infanterie si les mesures 08/11 sont votées ?
" La tendance à spécialiser l'infanterie dans des missions autres que le combat,..,ou encore le bricolage d'équipes recherchant des missions analogues à celles des corps de police sans aucune demande ou décision politique allant dans ce sens."
J'avais cru comprendre que le combat classique passait au second plan pour mettre plus de moyens sur la défense sectorielle. Je ne comprends donc pas votre remarque ci-dessus concernant ce "bricolage" et cette spécialisation au détriment du combat. Cela me parait exactement l'orientation de la Frag si je ne m'abuse.
Enfin, cette unité spéciale de la PM a-t-elle vraiment été crée sans aucun besoin identifié?
Publié par Crys le 11 juin 2007 à 23:13
Que dire de plus qu' ENFIN FINI ! Même si on doit encore attendre 3 ans...Deux remarques ensuite : 1. Est-il prévu clairement de faire de l'instruction genre combat de localité, infanterie mécanisée, TAI, etc.. ??
2. Je trouve particulièrement déplorable qu'aucun politicien (je n attends vraiment rien d'eux..) ni aucun responsable militaire n 'est au moins salué le devoir accompli de milliers de soldats et cadres au profit d' AMBA CENTRO. C'est un engagement difficile,long, répétitif et en plus en milieu 100% civil. Evidemment que la troupe n'est pas forcément préparée de façon la plus optimale. Mais a part des cas d'indiscipline et de manque de motivation parfois flagrant, il n'y a pas eu jusqu a present d'incidents majeurs diplomatiques et c est tant mieux. Ainsi les seuls commentaires dans la presse sont que nous sommes incapables d accomplir cette mission que et que nous sommes incompétents..Merci pour la troupe ! En plus de cela trop de policiers ou meme des gens de la securite militaires denigrent le travail de militaires en cours de repetitions. Ils devraient se rendre compte que bien souvent ce ne sont egalement pas des foudres de guerre, en plus eux sont des professionnels..
Publié par zingg le 12 juin 2007 à 9:38
@zingg
''En plus de cela trop de policiers ou meme des gens de la securite militaires denigrent le travail de militaires en cours de repetitions. Ils devraient se rendre compte que bien souvent ce ne sont egalement pas des foudres de guerre, en plus eux sont des professionnels..''
J'aimerais réagir à cette phrase précitée. Je ne pense pas que le verbe dénigrer est à la bonne place. Les policiers et les membres de la sécurité militaire sont conscients que c'est une mission très ou trop exigeante pour le citoyen lambda qui fait son CR 3 semaines par année. Ils voient que cette mission n'est pas accomplie dans les meilleures conditions et que ce manque de motivation les rend très ou trop critique par rapport au travail accompli tous les jours par des miliciens qui font certes un travail correct par rapport à leur connaissance militaire.
Il ne faut pas non plus faire un amalgame entre les conflits politico-militaire des plus hauts rangs que nous vivons tous les jours et que le rédacteur de ce site connaît sûrement mieux que nous. Sur le terrain, la collaboration est bonne (je peux le dire car je l'ai vécu en tant que pro) et que nous avons connu que très peu de problèmes de missions proprement dit mais que la plupart des problèmes sont de l'ordre de la discipline.
Pour vous rejoindre, je pense aussi que c'est une bonne chose que les militaires de milice soient retirée de cette mission. Car en tant qu'officer on m'a toujours dit: ''La bonne personne à la bonne place'', n'est-il pas???
N.B: Je me permets de faire un petit bonjour à Ludovic, collègue de mission à SUMA TRA
Publié par Sero le 12 juin 2007 à 10:16
Je suis parfaitement d accord avec vous quand au concept "the right man at the right place", je trouve juste dommage,même si il est est vrai que c est une très bonne chose de ne plus devoir faire ce genre d'engagement, de n'avoir aucune considération de qui que ce soit. Mais il est evident que soutenir un peu l institution militaire de nos jours n est pas très à la mode, on se contentera d aller déblayer les routes lors d intemperies et tout le monde sera content..
Publié par zingg le 12 juin 2007 à 10:29
A Crys :
"J'avais cru comprendre que le combat classique passait au second plan pour mettre plus de moyens sur la défense sectorielle."
Sûreté sectorielle, en fait. Oui, c'est bien cela, mais la sûreté sectorielle n'a vraiment pas grand chose à voir avec AMBA CENTRO : il s'agit d'une mission où l'armée fournit des prestations importantes en matière de sécurité parce que les autorités civiles sont débordées par la situation. La responsabilité de l'engagement reste en principe en mains civiles (une modification de la Conduite opérative XXI a entériné la chose), mais on est loin d'un engagement en situation normale.
"cette unité spéciale de la PM a-t-elle vraiment été crée sans aucun besoin identifié?"
Demandez aux polices cantonales ce qu'elles pensent d'un tel projet...
Publié par Ludovic Monnerat le 12 juin 2007 à 10:40
A zingg (en te priant d'être patient, le serveur a des ratés depuis quelques temps...)
"1. Est-il prévu clairement de faire de l'instruction genre combat de localité, infanterie mécanisée, TAI, etc.. ??"
Je ne connais pas le programme de l'infanterie dans le détail, mais les TAI (techniques d'action immédiates, un nouveau développement que le monde entier nous envie !) font partie de l'instruction de base.
"2. Je trouve particulièrement déplorable qu'aucun politicien (je n attends vraiment rien d'eux..) ni aucun responsable militaire n 'est au moins salué le devoir accompli de milliers de soldats et cadres au profit d' AMBA CENTRO."
Je te trouve un peu injuste : des visites ont régulièrement lieu auprès de la troupe, que ce soit au niveau fédéral, cantonal ou militaire. Ton expérience personnelle va sans doute dans l'autre sens, mais les responsables politiques et militaires ne peuvent pas non plus défiler à toute heure du jour et de la nuit à Berne ou à Genève...
"En plus de cela trop de policiers ou meme des gens de la securite militaires denigrent le travail de militaires en cours de repetitions. Ils devraient se rendre compte que bien souvent ce ne sont egalement pas des foudres de guerre, en plus eux sont des professionnels.."
La sécurité militaire n'a pas encore entièrement fait sa transition de l'ancien CGF, et c'est une organisation qui se cherche encore largement. La décision du Conseil fédéral contribue à clarifier les choses également quant à son avenir, qui est indubitablement lié à la sécurité intérieure.
Publié par Ludovic Monnerat le 12 juin 2007 à 10:47
Cher Ludovic,
Merci une fois de plus d'éclairer ma lanterne !
Si des gens se sont déplacés c'est tant mieux, surtout pour la troupe.
Je serais effectivement heureux que le CF donne un mandat clair à la sécurité militaire, il est vrai que leur statut actuel n'est pas facile à vivre au quotidien.
Publié par zingg le 12 juin 2007 à 11:30
Est-ce que c'est la sécurité militaire qui se cherche ou ce sont les responsables politiques et militaires qui cherchent à faire quelque chose de cette sécurité militaire??
Entre missions de police proprement dites ou missions purement militaire? Ces missions qui ont des vocations totalement différentes mais que la sécurité militaire peut parfaitement remplir.
Quant à ce détachement ''spécial'' de la sécurité militaire ne peut-il pas être comparé au détachement AGFA? Car ces 2 détachements ont des similitudes dans leur formation. En ferait-on pas un doublon??
Publié par Sero le 12 juin 2007 à 12:00
"Je trouve particulièrement déplorable qu'aucun politicien (je n attends vraiment rien d'eux..) ni aucun responsable militaire n 'est au moins salué le devoir accompli de milliers de soldats et cadres au profit d' AMBA CENTRO."
Cela va avec les libérations d'obligation militaire où désormais les soldats sont congédiés, sans remerciements ni le moindre cérémonial, de la même façon que l'on liquiderait des toiles de rebuts ou de vieilles boilles à thé.
Publié par fass57 le 12 juin 2007 à 12:31
"Entre missions de police proprement dites ou missions purement militaire? Ces missions qui ont des vocations totalement différentes mais que la sécurité militaire peut parfaitement remplir."
Si on prend l'exemple de Sumatra, c'est une mission de protection et de surveillance - même sans arme - que la sécurité militaire a parfaitement remplie, notamment en faisant office d'interface crédible vis-à -vis des forces locales, militaires comme policières. Ce type de prestations est nécessaire en Suisse, et c'est certainement la vocation de la sécurité militaire.
"Quant à ce détachement ''spécial'' de la sécurité militaire ne peut-il pas être comparé au détachement AGFA? Car ces 2 détachements ont des similitudes dans leur formation. En ferait-on pas un doublon??"
Je suppose que tu veux parler du détachement de reconnaissance de l'armée... Non, ce dernier est un outil stratégique au service du Conseil fédéral, comme ce dernier l'a réaffirmé dans son ordonnance à ce sujet l'an passé. Ses missions sont clairement définies, et il ne constitue pas un outil de la sécurité intérieure. Si la sécurité militaire lance un projet qui va dans la même direction, comme cela semble être le cas, alors oui, on créerait en partie un doublon qui, au vu de nos ressources disponibles, n'a pas de sens...
Publié par Ludovic Monnerat le 12 juin 2007 à 13:37
Merci pour ces éclaircissements et ça conforte mes propres positions au sujet de ce détachement de la sécurité militaire si tu vois ce que je veux dire;)
Concernant la mission de la sécurité militaire à Sumatra, je crois que je peux dire que je connais le sujet en tant que dernier chef de détachement de la sécurité militaire, je crois que tu as résumé parfaitement en quelques mots la ligne à prendre pour la sécurité militaire. Il faut aussi faire attention à ce qu'elle ne se perde pas dans des spectres de la sécurité dans lesquels elle ne pourra jamais rivaliser par rapport aux corps de police malgrès toutes les compétences et la qualité de travail qu'elle fournit.
Publié par Sero le 12 juin 2007 à 14:10
QUESTION
Je suis étonné de ne pas avoir rencontré plus de commentaires au sujet de l'ambiguïté quant aux engagements comme AMBA CENTRO.
Je m'explique : d'un côté certains politiques et des militaires de haut rang ont donné l'impression de vouloir réorienter les missions de l'armée au profit de la sécurité intérieure. Une telle orientation était notamment justifiée par l'évolution de la menace et par la volonté de développer des offres utiles (davantage orientées vers les besoins - des équipements anti-émeutes avaient été, si mes souvenirs sont bons, acquis par l'armée).
D'un autre côté, ce genre de mission se heurte à une certaine opposition provenant des milieux de la police, des politiciens et de la population. En effet, l'engagement de la troupe soulève des questions relatives au ratio coût-efficacité de telles opérations.
En se dégageant de ce type de mission, l'armée semble vouloir se concentrer sur ses missions primaires. Cette réorientation, qui me paraît logique, peut cependant provoquer une frustration de certains militaires.
1. Signe que l'armée s'éloigne quelque peu des missions de sécurité intérieure
2. Abandon d'activités qui donnaient une certaine visibilité à l'armée, en fournissant des prestations répondant à un réel besoin.
Donc question : est-ce le signe, à l'avenir, que l'armée jouera un rôle plus discret par rapport aux questions de sécurité intérieure ?
Publié par Alex le 12 juin 2007 à 14:13
A sero : pas de quoi ! :-)
Je pense effectivement que ton expérience dans un contexte particulier te permet de voir concrètement les prestations nécessaires en matière de sécurité, et donc là où la sécurité militaire est indispensable en tant que présence visible, dissuasive s'il le faut, coopérative avec les partenaires, et en tant qu'encadrement de la troupe. Et je pense également que les corps de police, qui sont constamment à l'engagement, ont des compétences qu'il est vain de vouloir dupliquer.
Publié par Ludovic Monnerat le 12 juin 2007 à 14:38
Une question sur TIGER/FOX (mesures de sécurité du trafic aérien).
Il s'agit de l'équivalent du Vigipirate français sur les aéroports suisse ou d'une mission de sécurité aérienne (interception d'avions) ?
Publié par Frédéric le 12 juin 2007 à 19:23
A Frédéric
La mission TIGER est une mission de sécurité des vols à destinations dites ''sensible''. Dans l'avion, il y a des agents parfaitement discrets qui sont là en cas de nécessité uniquement. Mais ils ne sont pas là non plus pour régler les problèmes entre une hôtesse et un passager qui aurait manquer de respect par exemple.
La mission FOX est une mission différente. Ce sont des agents qui sont sur place dans les aéroports dits sensibles. Ils font un contrôle des passagers au sol et ne font pas partis du personnel de vol. Généralement là où il y a des FOX, il n'y a pas de TIGER et inversement.
Publié par Sero le 13 juin 2007 à 7:19
Entendu, merci :)
Publié par Frédéric le 13 juin 2007 à 9:17
Ma question subiste: est-ce le signe que l'armée se fera plus discrète dans le domaine de la sécurité intérieure??
Publié par Alex le 15 juin 2007 à 16:16
A Alex :
L'expression "plus discrète" n'est pas très claire. Ce que l'on peut dire avec certitude, c'est que l'armée va moins engager ses formations de milice dans la sécurité intérieure en situation normale. En revanche, les moyens professionnels et spécialisés continueront de soutenir les corps constitués civils dans leurs activités régulières...
Publié par Ludovic Monnerat le 15 juin 2007 à 18:52
OK - merci
Publié par Alex le 17 juin 2007 à 20:09