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8 août 2006
Irak et Afghanistan, même combat
Le temps me manque pour traiter cet angle en détail, mais il vaut la peine de s'intéresser aux pertes subies par les forces multinationales engagées en Irak et en Afghanistan : ce mois-ci, 15 soldats sont morts en Irak (dont 1 par accident) et 9 en Afghanistan (dont 2 par accident). L'augmentation constante des pertes dans ce dernier pays se conjugue ainsi à une stabilité globale, voire une légère diminution, de celles subies en Irak. En réalité, en prenant par exemple les chiffres de juillet (42 morts au combat en Irak, 13 en Afghanistan) et en tenant compte du fait qu'environ 150'000 militaires sont déployés en Irak contre 30'000 en Afghanistan, ce dernier s'avère désormais plus dangereux pour les militaires étrangers. Voici longtemps que j'ai fait part de mes doutes sur l'engagement à contre-coeur de l'OTAN en Afghanistan et sur la guerre qui va de ce fait y être menée. A partir de quand peut-on parler de bourbier dans les médias traditionnels ? Après 10 jours si les Américains sont engagés et jamais lorsque les Européens le sont ? :-)
Une petite nuance : il faudrait compléter les chiffres des pertes par celles que subissent les forces de sécurité locales et nationales ; en Irak, dès 2004, les forces irakiennes ont eu le douteux privilège de subir la majorité des pertes, alors que cela ne me semble qu'être récemment le cas en Afghanistan. Un point à vérifier...
Publié par Ludovic Monnerat le 8 août 2006 à 11:00
Commentaires
"A partir de quand peut-on parler de bourbier dans les médias traditionnels? Après 10 jours si les Américains sont engagés et jamais lorsque les Européens le sont ? :-)"
Pas la peine de mettre un smiley, c'est exactement cela.
Publié par Stéphane le 8 août 2006 à 11:23
Le 'bourbier' désigne une situation inextricable me dit mon Petit Larousse illustré de 1989.
La situation des journalistes en pays libanais me semble répondre à la perfection à la définition du mot 'bourbier' (cf. par exemple l'interview de Roger Auques). C'est étonnant, ils n'en parlent jamais...
;-)
Respire
Publié par Respire le 8 août 2006 à 12:19
"A partir de quand peut-on parler de bourbier dans les médias traditionnels? Après 10 jours si les Américains sont engagés et jamais lorsque les Européens le sont ? :-)"
Pas la peine de mettre un smiley, c'est exactement cela."
Je ne comprendrai jamais l'auto-dénigrement amusé et la propension à se placer d'instinct auprès de l'élément que l'on aura identifié comme le plus fort. A moins d'avoir déjà accepté son statut de supplétif.
Je préfère amplement le "my country right or wrong" des américains; oui, leur patriotisme inconditionnel devrait être pour nous une source d'inspiration.
Quant aux expéditions irakiennes et afghanes, elles me font penser à ce que disait De Lattre de Tassigny sur les paramètres nécessaires à la réussite militaire: "un chef, une mission, des moyens."
Un chef: on ne sait pas qui commande.
Une mission: quelle est la mission?
Des moyens: ils sont manifestement insuffisants.
Cet article...
http://www.mirror.co.uk/news/tm_objectid=17521266%26method=full%26siteid=94762%26headline=military-expert--we-re-facing-a-new-rorke-s-drift----name_page.html
... est à cet égard significatif.
Peut-être que la stratégie qui consiste à s'établir dans un pays non-occidental pour le transformer en une démocratie post-moderne, sous la pression des armes, est tout simplement erronnée et qu'il faudrait peut-être simplement en revenir à la bonne vieille politique de la cannonière? Exemple, le bombardement d'Alger par la marine US, en représailles aux exactions des pirates barbaresques. Manoeuvre qui fut parfaitement efficace, sans que l'Amérique ressentit alors le besoin de transformer le territoire de l'actuelle Algérienne en une démocratie jeffersionnienne.
Publié par fass57 le 8 août 2006 à 13:02
"de l'actuelle Algérie", pour la dernière phrase.
Publié par fass57 le 8 août 2006 à 13:05
« A partir de quand peut-on parler de bourbier dans les médias traditionnels ? Après 10 jours si les Américains sont engagés et jamais lorsque les Européens le sont ? :-) » (LM)
Encore une comparaison douteuse. Mais il faut bien le reconnaître, cette pratique est devenue une habitude sur ce site (d'ailleurs vous en portez en partie la responsabilité).
Pourquoi les situations sont différentes ?
1. Le nombre de morts. Vous l'avez relevé mais sans doute oublié (en tant qu'osculateur des médias) la réalité se cachant derrière l'expression du « mort kilométrique ». Plus une région est éloignée et plus le nombre de décédés doit être important pour que l'on en parle.
2. Les médias sont plus focalisés sur l'Irak, car une bonne partie de l'Europe était bien plus réticente à l'intervention américaine en Irak, par rapport aux opérations militaires menées en Afghanistan.
3. La situation est plus ou moins récente. Certains événements sont occultés par d'autres éléments d'actualité.
D'autre part, si les doutes dont vous faisiez part concernaient avant tout la différence fictive existant l'ISAF et l'OTAN. Cette différence n'explique en rien les difficultés qui surgissent dans ce pays. Cela prouve plutôt que les moyens militaires ne sont qu'un instrument de réponse, mais que d'autres moyens doivent être déployés pour faire changer la situation d'un pays. D'autant plus en Afghanistan, pays marqué par des structures claniques qui échappent largement au pouvoir central. Cet exemple démontre, qui est valable pour d'autre Etats, démontre également que l'on implante pas la démocratie ; elle se construit!
Alex
Publié par Alex le 8 août 2006 à 13:29
Fass57 : évidemment. La politique de la canonnière a été actualisée avec succès sous la présidence Clinton à l'égard de l'Iran (selon Richard Clarke, "Contre tous les ennemis"). Elle suppose d'être à la fois capable d'utiliser la violence (force, légitimité) et capable de respecter l'autre, son existence, ses capacités d'agir, même si sa logique est différente de la vôtre. L'équipe Bush de 2001-2003, à l'exception du général Powell en était manifestement incapable. Les progrès ne sont pas manifestes.
Afghanistan : en tout cas, on ne voit pas de progrès dans la stabilisation du pays depuis un an. C'est inquiétant. Une occupation (militairement active) prolongée risque de dissocier la population, du gouvernement (élu) qui cautionne cette occupation et même en dépend.
(Je précise savoir que cette occupation est pleinement légale au regard du droit international. Le terme occupation désigne ici un fait géographique).
Publié par FrédéricLN le 8 août 2006 à 14:06
"Elle suppose d'être à la fois capable d'utiliser la violence (force, légitimité) et capable de respecter l'autre, son existence, ses capacités d'agir, même si sa logique est différente de la vôtre."
Excellement dit.
Publié par fass57 le 8 août 2006 à 15:15
"Elle suppose d'être à la fois capable d'utiliser la violence (force, légitimité) et capable de respecter l'autre, son existence, ses capacités d'agir, même si sa logique est différente de la vôtre."
1- La politique de la canonnière est un peu difficile à pratiquer quand le canonné s'est nucléarisé/ est trop puissant.
2- C'est bien de respecter l'autre, mais si c'est pour se récupérer un stock massif de migrants en provenance de ses villes et campagnes, avec le cortège de délinquance, criminalité et terrorisme, là , mon respect diminue.
Oui, je fais le lien, peut-être un peu hâtivement entre l'état des pays ciblés et l'immigration subie par l'Europe.
3- Les Balkans sont un bourbier de première, mais comme les journalistes n'y sont pas en permanence, et étaient globalement favorable aux déploiement de forces OTAN dans la zone, on n'en entend pas parler. Oui, il y a un "deux poids deux mesures".
Publié par Stauffenberg le 8 août 2006 à 22:06
Les commentaires sur la politique de la cannonière me font doucement rigoler. Comme si les Américains n'étaient pas déjà suffisamment taxés d'unilatéralisme comme ça!
M. fass57, si votre meilleure exemple de cette politique remonte à l'époque des barbares mauresques, c'est peut-être pour de bonnes raisons.
Ceci dit, je suis d'accord avec vous sur un point: espérer installer une démocratie par les armes n'est pas simplement dénué de sens, mais carrément stupide. Ce n'est pas le principe qui ne va pas, mais l'objectif qui est inapproprié.
Le caractère démocratique d'un régime détermine simplement la façon dont les élections et les décisions sont prises - et encore, à condition que l'opinion ne soit pas manipulée d'une façon ou d'une autre. (les 82% de Chirac en 2002, les 100% de votes pour "l'élection" de Saddam Hussein en 2003 ou celles qui ont amené le Hamas au pouvoir à Gaza sont quelques exemples de ces "dysfonctionnements" si fréquents.) Que faire donc si le peuple vote pour les terroristes, le mauvais projet, les mauvaises personnes? Revoter jusqu'à ce que le peuple vote "comme il faut"? On dirait la politique de l'Union Européenne pour faire avaler la Constitution!
La démocratie n'a rien à voir avec la liberté et n'offre aucune garantie d'aucune sorte sur la paix tant a l'intérieur qu'à l'extérieur des frontières. Même en Corée du Nord et en Iran, il y a une "démocratie" et des élections régulières. Ce sont des "démocraties" avec les guillemets, parce que chaque régime, indépendamment du fait qu'il soit une démocratie, une monarchie ou quoi que ce soit, n'offre aucune protection des droits individuels contre... Ceux qui sont au pouvoir, justement, qu'ils soient démocratiquement élus ou pas.
Ce qui importe, ce n'est pas le mécanisme de prise de décision de la collectivité, c'est un régime qui garantisse au mieux la liberté et la défense de la propriété privée (dont sa propre vie), contre les autres et contre le gouvernement, c'est-à -dire, en démocratie, contre la majorité.
Et comme un bon dessin vaut toujours mieux qu'un long discours...
Publié par Stéphane le 8 août 2006 à 23:14
Tous les régimes sont démocratiques, même dans les dictatures l'armée, la Police et les institutions en générales sont entre les petites mains du peuple et des enfants du peuple, machette oblige ! "... Ce qui importe, ce n'est pas le mécanisme de prise de décision de la collectivité, c'est un régime qui garantisse au mieux la liberté et la défense de la propriété privée (dont sa propre vie), contre les autres et contre le gouvernement, c'est-à -dire, en démocratie, contre la majorité..." Pour cela, une seule solution, tous Citoyens Soldats avec un haut standart d'éducation et de culture comme la Suisse, Israël et...
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 9 août 2006 à 22:50
@ Fass 57,
Je ne vois pas ce qui différencie le "patriotisme inconditionnel" du fanatisme... A force de combattre une ennemi, on commence à lui ressembler !
Publié par ofrens le 10 août 2006 à 13:08
Au passage l'armée française dispose en Afghanistan du même "taux d'attrition" que les Etats-Unis en Irak.
Ce qui signifie, pour faire moins journaliste, que la proportion des morts francais par rapports aux troupes deployées est equivalente au déploiement US en Irak
Vous avez vu le "bourbier afghan" vous, dans les médias ? Non ...
Publié par vehme le 11 août 2006 à 16:55
Ne pas confondre une force "légére" de 2 000 h avec une force "lourde" de 130 000 h.
Publié par Frédéric le 11 août 2006 à 18:33
mon message est pas passé
un info comme ca en passant :
le taux d'attrition des forces françaises en afghanistan est equivalent aux pertes US en irak !
en clair, en proportion des forces déployés par les 2 pays les pertes sont identiques mais je n'entends jamais parler du bourbier afghan...
Publié par vehme le 11 août 2006 à 18:56
à toutes fins utiles, le statisticien Michel Volle tient à jour à peu près chaque mois, je crois, un bilan et une analyse statistique des pertes US à partir des données du Washington Post :
http://www.volle.com/statistiques/pertesus.htm
Publié par FrédéricLN le 30 août 2006 à 11:50