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2 janvier 2006

Le piège de la liberté

Ces derniers jours, les informations en provenance de Palestine ont souligné la dégradation continue de la situation dans la bande de Gaza et la détérioration de la réputation palestinienne auprès des audiences internationales. L'augmentation des rapts d'expatriés occidentaux, la destruction d'un bar privé des Nations Unies, l'occupation de bâtiments publics par des hommes en armes, la mise en fuite d'observateurs européens à la frontière avec l'Egypte notamment ont souligné le chaos qui règne à Gaza ; les menaces sur la tenue des élections, la fin unilatérale de la trêve annoncée par les groupes terroristes, le soutien affiché aux appels iraniens à l'éradication d'Israël, et plus encore le soutien majoritaire aux attentats terroristes en Occident ainsi qu'à l'adoption d'un régime de type islamiste heurtent de plein fouet les perceptions que les Palestiniens ont réussi à imposer au fil des ans. On est très loin des louanges tressées par les médias occidentaux voici presque une année, après l'élection présidentielle.

La situation est diamétralement opposée du côté israélien, où les fruits de la victoire obtenue lors de la deuxième Intifada palestinienne ont été engrangés : l'économie a connu en 2005 une année faste, avec une croissance du PIB de 5,2%, une augmentation de la consommation de 3,3% et un volume record d'investissements étrangers. Le Gouvernement Sharon a réussi à trouver un compromis efficace entre la neutralisation de la menace terroriste et la maîtrise des propres actions armées, ce qui lui a permis de repousser le prix de la victoire, à savoir la démobilisation des Israéliens. L'élément central de ce compromis a été l'amputation stratégique opérée avec le retrait de Gaza, dont le déroulement impeccable a préservé la majorité nationale autour de la conduite de la guerre, mais aussi réduit la légitimité des Palestiniens à combattre alors même que la construction de la barrière de sécurité réduisait déjà leur capacité.

Ceux-ci sont donc tombés dans le piège de la liberté : largement privés d'ennemi faute de possibilité de l'atteindre, renvoyés à eux-mêmes par une autonomie réelle et placés sous l'oeil critique de la communauté internationale, les Palestiniens se sont divisés et ont perdu le contrôle de leurs actions comme de leurs messages. La manoeuvre des Israéliens, par une soustraction progressive du conflit, à amené la violence générée par la société palestinienne à se retourner contre elle-même. Désormais s'impose de plus en plus l'image d'une population tellement fanatisée et belliciste que lui accorder un Etat reviendrait à créer une menace plus grande encore, à sanctifier une gigantesque fabrique à monstres. En d'autres termes, les Israéliens sont en bonne voie de parvenir à une normalisation internationale partielle en démontrant qu'ils s'opposent à la fois à un chaos meurtrier et à un terrorisme islamiste. L'intention affichée par Ariel Sharon de poursuivre les retraits, en plus de son fondement démographique, vise certainement à cette normalisation.

La question est de savoir combien de temps il faudra à la communauté internationale pour changer de perception à l'endroit des Palestiniens. Jusqu'ici, elle avait fait preuve d'une tolérance exceptionnelle à leur endroit, marginalisant les manifestations haineuses, l'instrumentalisation des enfants, les manipulations médiatiques ou encore la systématisation du terrorisme en raison de l'occupation des territoires conquis lors de la Guerre des Six Jours. Peut-être l'élément décisif de ce changement sera-t-il la question iranienne...

COMPLEMENT I (2.1 1825) : Il vaut la peine de lire ce billet de Wretchard sur la situation à Gaza. Un chiffre souligne cette privation d'ennemi et ce retournement de la violence dont j'ai parlé ci-dessus : le pourcentage de Palestiniens tués par balles à Gaza par d'autres Palestiniens est passé de 5% en 2004 à 51% en 2005 ; le rapport dont est tiré ce chiffre fournit d'autres éléments allant dans ce sens.

COMPLEMENT II (3.1 1100) : La tenue des élections le 25 janvier est officiellement remise en question par Mahmoud Abbas, qui invoque la question des votes à Jérusalem pour ce faire. Pourtant, le groupe terroriste Hamas tient au maintien des élections à la date prévue, tant il est sûr de recevoir de nombreux suffrages ; le succès électoral d'une organisation appelant à la destruction d'Israël aura son importance dans l'évolution des perceptions à l'étranger. Quant aux Israéliens, ils ont hier éliminé un leader du Djihad islamique dans une frappe air-sol au nord de la bande de Gaza. Preuve que la contrebande de missiles sol-air n'a pas encore d'effet.

Publié par Ludovic Monnerat le 2 janvier 2006 à 14:03

Commentaires

"Le Gouvernement Sharon a réussi à trouver un compromis efficace entre la neutralisation de la menace terroriste et la maîtrise des propres actions armées, ce qui lui a permis de repousser le prix de la victoire, à savoir la démobilisation des Israéliens."

Doit on en conclure que pour Israël, il n'y a de salut que dans l'"état de guerre", et que la paix, si un jour elle est gagnée induira des effets pervers tant sur sa capacité de défense que sur la qualité de ses appuis extérieurs ainsi que son économie?

Je crois effectivement comme vous le soulignez que tout réside dans le compromis et le choix d'Israël, soit d'entretenir à ses portes un territoire "autonome" générateur pertpétuel de troubles, de violences et matrice des combats régionaux de demains, soit un "Etat Palestinien" qui verra rapidement l'éviction du Fata au profit de Hamas et/ou du Hezbolah dont la démagogie sans borne et les subsides importants amèneront l'avénement d'une mini république islamique. Le choix entre le feu et la glace, inélucatable à plus ou moins long terme, les précédant "Murs" de l'histoire n'ayant jamais tenu tous les espoirs placés en eux...

Quant à la perception de la communauté internationale, elle est comme bien souvent dictée par l'idéologie plus que par l'analyse objective des faits. Vous en savez quelque chose. A mon sens, il y a peu à attendre de se côté là ...

Publié par Winkelried le 2 janvier 2006 à 15:04

l'"état de guerre" ou l'"état de paix" j'oserais remplacer ces termes par "état d'acceptation" ou "état de non acceptation" d'une situation qui peut être intolérable pour certains et tolérable pour d'autres. Enfin je ne sais pas si je suis très compréhensible mais je pense que guerre ou paix ne veulent rien dire de nos jours marqués par la vitesse de propagation des idées et de la mobilité des individus et évidemment des armées. Au sujet du mur construit en Israël, il y a une dimension dont on ne parle pas, c'est qu'il est mobile, qu'on peut le refaçonner et qu'il pose un défi au Palestiniens en leur laissant le choix de le garder. Je pense que c'est la première fois qu'un état construit une forteresse en disant à ses ennemies, quand vous serez prêt on l'enlèvera. Chapeau à ce petit pays qui une fois de plus nous donne des leçons.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 2 janvier 2006 à 17:53

Les Palestiniens démontrent de plus en plus leur incapacité de gérer leurs propres affaires de manière civilisée et paisible. Je l'ai dit hier sur mon blog, j'ai toujours été en principe plutôt favorable à l'idée d'une sorte d'Etat palestinien à côté d'Israël. Cependant, et une fois de plus, l'expérience historique nous apprend bien des choses sur les intentions et les capacités des voisins d'Israël. "Donner" un Etat souverain à ces gens reviendrait à récompenser la violence arabe et à tolérer une source étatique de terrorisme et de fanatisme religieux. Pour Israël, la priorité est évidente: terminer la construction de la barrière de sécurité (qui est un premier pas vers la séparation et non vers l'annexion), et rappeller aux Palestiniens que l'histoire ne les attendra pas.

Quant à l'Occident, je pense que l'opinion publique peut être très "flexible" (ou labile) et qu'il est parfaitement possible qu'elle retrouve des sympathies envers Israël. Peut-être suis-je naïf, mais il est vrai que les Palestiniens font tout pour dégoûter le monde de leurs "cause". Je leur souhaite bon succès.

Publié par Sisyphe le 2 janvier 2006 à 17:56

Mince alors, nous n'avons vraiment plus de vie privée. Un panier garni à monsieur Monnerat s'il nous dit de quelles couleurs étaient leurs chaussettes...

Blague à part, c'est proprement sidérant tout ce qu'on peut savoir à partir d'une simple connexion. C'est une véritable traçabilité. Que faites vous donc de toutes ces informations? Elles sont automatiquement détruites au bout d'un certain temps?

Publié par Winkelried le 2 janvier 2006 à 19:00

51%... C'est sidérant. À la fin, on va encore accuser les Israéliens d'être la cause de ces maux-là ; après tout, ils ne sont plus là pour maintenir l'ordre...

Peut-être faudrait-il leur demander de ré-occuper Gaza, afin de rétablir cet ordre et de faciliter les élections.....

Publié par Sisyphe le 2 janvier 2006 à 19:29

Euh, Winkelried, êtes-vous sûr de ne pas vous être trompé de billet pour ce commentaire ? ;)

Publié par Ludovic Monnerat le 2 janvier 2006 à 19:46

Affirmatif, vous m'en voyez fort marri...

Publié par Winkelried le 2 janvier 2006 à 19:58

Le nombre de candidats à l'attentat suicide attrapés en provenance de Gaza a lui aussi largement baissé, il est passé de plus d'une centaine en 2004 à 6 en 2005. (source: Jerusalem Post)

Publié par Sotek le 2 janvier 2006 à 21:30

Les nouvelles donnees du Shin-bet, parues hier ds "ynet" du Yedihot Haharonot israelien et que j'ai postees sur PAF:
les effets de la "treve" declaree le 22 Janvier 2005 par les organisations terroristes palestiniennnes
Nombre d'attaques contre Israel: 2990
Nombre de morts israeliens: diminution de 60 %
nombre de blesses israeliens: baisse de 30%

Le nombre d'attaques a augmente en Judee-Samarie de 288 attaques en 2004 a 379 en 2005, et diminue Gaza, passant de 2637 en 2004 a 1205 en 2005. Par contre les tirs de Kassam est passe de 309 a 377.
De plus, 160 candidats au suicides ont ete arretes cette annees en Judee Samarie.

Ce sont la les effets de la "treve" levee avant-hier par ces organisations

Publié par Ram Zenit le 2 janvier 2006 à 22:33

A propos de la barriere de securite:
Notons que le nombre d'Israeliens tues ds des attentats en 2002 etait superieur a 400, la majorite etant des civils bien sur. Il est decendu de pres de 50 % en 2003 avec le debut de la construction de la barriere de securite, puis a 115 avec l'extension de la barriere et une recrudescence des operations de renseignement du Shin-bet et autres. Enfin il est tombe a 45 tues en 2005, cette diminution etant le produit de la treve proclamee par le Hamas: sur 6 attentats, 5 on ete perpetres par le Djihad Islami et 1 seul, a la station centrale d'autobus de Beer-Sheva, par le Hamas. Cet attentat n'a pas fait de morts, a par le suicide, deux gardiens civils de la compagnie de bus ayant repere le terroriste avaient reussi a le devier de son but. Ils ont ete tres grievement blesses.
Cette analyse a ete donnee aujourd'hui au journal de 20 heure de la chaine TV-10. D'apres le specialiste des affaires militaires de cette chaine, on doit s'attendre a une recrudescence des attentats mortels avec la reprise des actions et la fin de la treve du Hamas.
De plus EL Kaida qui semble avoir des bases bien implantees ds le Sinai et le Hezbolla essayent de noyauter les actions contre israel aussi bien a la frontiere nord que par la Jordanie (tir de rokets sur le terrains d'aviation d'Eilat et de Akaba il y a qlqs mois) et bien sur a la frontiere egyptienne qui est totalement ouverte.
A propos de la societe palestinienne et sa fuite en avant, comme il a ete ecrit et analyse ds l'excellent site "primo-europe", je me demande ds quelle mesure le chaos qui y regne n'est pas due a une volontee bien determinee, plutot que le resultat d'une politique malheureuse. En effet Arafat avait une parfaite maitrise du pseudo-chaos qui regnait ds les territoires de l'AP bien avant l'intifada: on sait aujourd'hui par les archivent prises a la Moukata pendant le siege d'Arafat, que ce dernier etait de connivance avec le Hamas, en particulier avec Mohamed Deif, chef des forces armees du Hamas, les Brigades El Kassam, aux moment des fameux attentats des annees 90, apres les accords d'Oslo. L'impotence de Abbu Abbas me semble mimee: si il avait voulu vraiment se debarrasser du hamas il aurait put le faire et aurai recu toute l'aide exterieure necessaire. Mais sa politique est differente. Quoi qu'il en soit il semble maintenant que c'est le Hamas qui va l'eliminer!

Publié par Ram Zenit le 2 janvier 2006 à 22:59

PS:
Ouppps....
1) Brigades El Kassam =Brigades Ezzedine Al Kassam
2)Abbu Abbas = Mahmoud Abbas

Publié par Ram Zenit le 3 janvier 2006 à 7:48