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17 octobre 2005

Une catastrophe lointaine

Neuf jours après le tremblement de terre survenu au Cachemire, le bilan s'élève à 53'000 morts et 3,3 millions de sans abri, et le nombre de disparus fait redouter jusqu'à 100'000 victimes. En d'autres termes, il s'agit d'une catastrophe gigantesque, d'une destruction massive somme toute analogue à celle engendrée par le tsunami en Asie du Sud-Est. Et pourtant sa couverture médiatique reste plutôt modeste. Ce qui s'explique bien entendu par deux raisons : premièrement, l'absence quasi totale de citoyens occidentaux parmi les victimes, qui limite les enjeux pour les médias ; deuxièmement, la situation du Pakistan en général et du Cachemire pakistanais en particulier, qui limite les activités des médias.

Les catastrophes naturelles ont donc un traitement tout différent selon l'endroit où elles se déroulent : l'ouragan Katrina aux Etats-Unis a donné lieu à une couverture apocalyptique, visant à blâmer au plus vite l'administration Bush sans la patience et l'honnêteté que requiert l'examen des faits, alors que le tremblement de terre au Cachemire est suivi avec une compassion de bon aloi, sans une recherche exacerbée du scandale en dépit du déroulement assez maladroit des opérations de secours. Deux phénomènes viennent ici se superposer : la motivation économique, qui recherche un sujet rentable en terme d'audience, et la motivation politique, qui recherche un sujet malléable en terme d'influence.

Dans une perspective moins analytique et plus émotionnelle, les images du Pakistan me rappellent évidemment les scènes de désolation auxquelles j'ai assisté voici presque 8 mois à Sumatra. Les catastrophes d'une telle ampleur ont tellement tendance à dépasser l'entendement que c'est uniquement sur place que l'on mesure un peu mieux les souffrances qu'elles entraînent, le nombre épouvantable de vies qu'elle transforme, obère ou anéantit. Dans ce contexte, se focaliser sur les manquements des secours amène en général à négliger l'essentiel, soit la solidarité spontanée, la générosité inconditionnelle et l'empathie instinctive dont les êtres humains sont capables de faire preuve face aux événements de la pire gravité.

COMPLEMENT (18.10, 1955) : On constate que les opérations d'aide humanitaire suivent un déroulement assez proche par certains aspects de ceux en Asie du Sud-Est. Les hélicoptères sont les seuls moyens permettant d'accéder à l'ensemble des localités sinistrées, et les Etats-Unis déployent des moyens massifs, susceptibles de leur valoir des retombées très positives en terme d'image au Pakistan.

Publié par Ludovic Monnerat le 17 octobre 2005 à 18:56

Commentaires

Je profite de ce billet pour attirer l'attention du nombre très important de morts. Ces hécatombes suites à des tremblement de terre sont presque en totalité le résultat de " modernisation " de la façon de construire ou pour être plus précis on construit traditionnel avec des matériaux qui ne le sont plus pour des raisons de rapidité et de facilité. En gros dans ces pays du pourtour de la méditerranée on élève traditionnellement des murs de pierres, d'adobe ou de pisé. le toit le plus souvent plat comprend une série de perches que l'on recouvre de pisé. Le modernisme a consisté à élevé les murs en parpaings de ciment ( aucun ceinturage de béton armé car c'est trop onéreux ) sur lesquels on coule une dalle de ciment ( le ciment est de très pauvre qualité par économie ). Le résultat suite à un tremblement de terre de cette intensité ( ou l'on trouve des fentes en croix ) ressemble à d'immenses Big Mac à 1, 2, 3 ou 4 étages d'où il faut extirper les sinistrés qui sont le plus souvent des cadavres. Ce fut le cas à Agadir Maroc 29 février 1960 ( dont je suis l'un des rescapés ), en Algérie, en Iran, en Turquie etc. Pour les Immeubles de plusieurs étages, la raison principale est la mauvaise qualité du béton et l'omission criminel du nombre réglementaire de ronds béton ainsi que de l'utilisation du sable de mer qui contient du sel ( les immeubles qui se sont écroulés à Agadir avaient tous mauvaise réputation au sujet de leur construction, les autres ont été fortement endommagés mais ne sont pas tombés ). Avec des maisons à ossature de bois comme on les construit au Québec Canada, il n'y aurait pratiquement aucun morts mais le bois et les toitures en tôle ou autres coûtent très chère.

http://www.agadir1960.com/

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 18 octobre 2005 à 2:07

"... Dans ce contexte, se focaliser sur les manquements des secours amène en général à négliger l'essentiel..."

Très juste, d'autant qu'une catastrophe de cet envergure engendre le Chaos. Personne ne peut être tenu responsable du Chaos et aucun système ne peut répondre à la demande d'un Chaos. Réagire au Chaos consiste à dresser deux listes : ce que l'on possède et ce qui nous manque. enfin recruter des bras quand il en reste et malheureusement attendre, attendre, attendre, l'intervention internationale, qui est toujours du bout du monde et l'on se sent seul, seul, seul et désespéré...

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 18 octobre 2005 à 2:31

J'avoue ne pas comprendre votre analogie avec les pays méditerranéens... Les techniques de construction sont-elles semblables en asie???

Publié par Ares le 18 octobre 2005 à 9:15

Bien que la qualité ou plutot le manque de qualité des constructions sont pour beaucoup dans le lourds bilan des tremblement de terre de Mexico en 85 à ceux en Turquie, Gréce, Algérie et ailleurs. Il me semble dans ce cas précis que les villages rasé au Cachemire étaient plutot des habitation "traditionnelles", et méme des batiments renforcés comme les bunkers de la "ligne de front" indo pakistanaise n'ont pas tenue le coup.

Concernant le chaos et les éventuelles implications policiques, je vous signale cette article :

http://www.lefigaro.fr/international/20051018.FIG0131.html?144115

Il montre la limites des capacitées de l'armée Pakistanaises et des partis politiques dont les islamistes locaux à faire face à ce désastre.

Au fait sur les chaines françaises, on ne montre quasiment jamais les hélicos de l'US Army qui font le gros du boulot, méme en toile de fond, bizarre non ?

Publié par Frédéric le 18 octobre 2005 à 16:06

Vouloir circonscrire le type de bâtiment à un continent ne mène nul part. Une partie de l'Asie a subi l'influence méditerranéenne par les Romains ( la villa romaine ) et les Arabes qui ont repris ce concept avec la villa mauresque ou les toits de tuiles ont été remplacés par les terrasses. La religion musulmane en " confinant " les Femmes dans leurs demeures, celles-ci ont colonisé les terrasses en créant une vie parallèle dominant la vie rampante des Hommes. Avec les terrasses on a la maîtrise de la communication ( téléphone arabe ), on a la maîtrise d'un passage presque secret ( dans la bataille d'Alger les terrasses ont certainement joué un grand rôle ), On a la maîtrise de l'intrigue ( on peut recevoir son amant par les toits, on peut découvrir son visage et envoyer quelques douros aux musiciens troubadour qui chanteront ailleurs la beauté de la Belle). De cette villa mauresque seules ont subsisté avec l'essore de la religion musulmane, la terrasse et c'est le cas de bien des zones périphérique du monde arabo musulman, alors l'Asie est loin au Pakistan et beaucoup plus prêt en Indonésie. Le drame moderne de cette terrasse est la maudite dalle de béton que l'on pose comme toit car au contraire de la terrasse de pisé et de perches c'est une pierre tombale de plusieurs centaines de kilos qui en tombant enferme, écrase et mutile et ne laisse aucune chance de sauvetage à main nue. Dans les gravas d'une terrasse en pisé et de perches on peut gratter et sauver. Une dalle de béton ça prend des moyens modernes motorisés. La dalle de béton posée sans ceinturage de béton armé est un non sens que la pauvreté propage. Des sacs de ciment se transportent " facilement " dans les plus hautes montagnes par des chemins de mulet, ce qui n'est pas le cas d'un engin mécanisé.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 18 octobre 2005 à 16:55

" Frédéric " "... et méme des batiments renforcés comme les bunkers de la "ligne de front" indo pakistanaise n'ont pas tenue le coup..."

Certainement mais la grande différence c'est qu'en étant ceinturé d'acier il peuvent se fendre, laisser tomber des éclats de béton MAIS ils n'écrase pas... C'est ça la différence mais ça demande de le vivre pour le savoir ou d'être spécialisé dans la construction assismique. D'autre part il faut être prudent quand on parle de constructions traditionnelles car le ciment ( et la dalle de béton ) a envahi le monde dans ses moindres recoins mais pas le rond béton car il coûte cher et ne se transporte pas facilement.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 18 octobre 2005 à 17:15

"sa couverture médiatique reste plutôt modeste. Ce qui s'explique bien entendu par deux raisons: premièrement, l'absence quasi totale de citoyens occidentaux parmi les victimes, qui limite les enjeux pour les médias ; deuxièmement, la situation du Pakistan en général et du Cachemire pakistanais en particulier, qui limite les activités des médias."

J'y ajouterais une de plus: il n'y a pas de moyens de pratiquer la Schadenfreude (en blamant les pays capitalistes), alors que dans le cas du tsunami un système d'alerte aurait pu limiter le nombre de victimes, et de plus il y a une théorie que veut que le réchauffement planétaire sont en partie responsable.

Publié par JAG le 18 octobre 2005 à 19:33

Pour Yves Marie, il est vrai que bien que mon pére soit maçon, je ne soit pas spécialiste du batiment mais il certain que ma maison construite il y a 20 ans ne resisterait pas à un séisme, méme de moyenne puissance. Les normes anti sismiques existent mais méme dans un pays comme la France, guere de maisons individuelles les respectent.


Publié par Frédéric le 18 octobre 2005 à 20:52

" Frédéric " Ce que j'essaie d'expliquer c'est qu'une maison en maçonnerie avec une charpente et un toit de tuiles qui s'écroule par exemple ne vous tuera pas forcément. Il sera également plus facile de vous sortir de là que si le toit est une dalle de plusieurs centaines de kilo. L'effet sandwich est catastrophique et explique le nombre de morts très importants dans tous ces pays ou la dalle de béton s'est imposé depuis 80 ans environ et qu'aucun ceinturage de béton armé n'est fait. On pose la dalle sur des mures qui se désagrègent à la première secousse. Je suis sure que votre père serait d'accord avec moi. De plus les ratios de ciment ne sont pas respectés. Je m'amusais étant jeune à briser des parpaings de ciment sur les genoux au Maroc, le jour ou en vacance je l'ai fait en France, j'ai boité pendant une semaine et mon parpaing était intact.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 19 octobre 2005 à 1:26

" JAG " Vous avez mille fois raison mais il ne faut pas oublier que pour le Tsunami, les photos, les vidéos pris sur le vif ont circulé par les Blogs qui ont eu un nombre de visites records. J'ai mis un post dont j'avais soigneusement choisi les mots clefs ;-) " Vidéo tsunami " sur http://www.curiosus.org/toplink/ dont je suis membre et j'ai eu 5770 visites pour une moyenne de +/- 100 visites pour d'autres posts, traitant d'autres sujets.

Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 19 octobre 2005 à 1:53