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29 juillet 2005
Double tranchant militaire
L'une des questions avancées dans le débat ci-dessous, et régulièrement discutées lors de menaces pour la sécurité intérieure, reste l'emploi de l'armée pour le rétablissement et le maintien de l'ordre public. J'entends ici une opération sous commandement militaire, et non un engagement subsidiaire par lequel les formations de l'armée renforcent ou appuient les autorités civiles ; c'est-à -dire une opération dans secteur clairement délimité, avec un chef militaire qui en assure l'entière responsabilité et qui dispose pour son fonctionnement des organes civils dédiés et des moyens militaires attribués. Dans l'armée suisse, où l'on dispose de bases légales et de compétences techniques très avancées en la matière, on parle de sûreté sectorielle pour désigner ce type d'opération - en la qualifiant de préventive pour faire face à une menace asymétrique et de dynamique pour une menace symétrique ou dissymétrique.
Comment peut-on se représenter cela ? Imaginons par exemple qu'un groupe terroriste - appuyé par des sympathisants en voie de radicalisation rapide - décide d'exercer une pression politique sur le Conseil fédéral en annonçant et en démontrant son intention d'interrompre le trafic nord-sud du pays. Dans un tel cas d'école, l'armée pourrait recevoir la mission de protéger les transversales alpines à la fois routières, ferroviaires et énergétiques ; un secteur lui serait attribué le long des axes, et elle devrait sécuriser ceux-ci avec des contrôles de trafic et de personnes, des patrouilles, des escortes, des postes d'observation et des dispositifs de protection autour d'objets-clefs. Dans ce secteur, les militaires auraient des pouvoirs bien plus développés que les forces de l'ordre en situation normale, grâce au droit d'urgence et aux dispositions du service actif fournis par le code pénal militaire.
A l'école d'état-major général, pour mieux préparer les officiers à ce type d'opération, on projette en alternance aux travaux de planification le film Couvre-Feu, avec Denzel Washington et Bruce Willis ; cette fiction hollywoodienne a en effet le mérite de montrer, outre des terroristes islamistes conformes à la réalité, une grande partie des problèmes qui surviennent lorsque l'armée - je parle naturellement de formations de combat, pas de gendarmes ou de carabinieri - prend le contrôle d'une ville ou d'un quartier. Le passage d'une procédure judiciaire à une procédure militaire dans le traitement d'une menace aboutit ainsi à un déni de plusieurs droits fondamentaux, et notamment au remplacement de la présomption d'innocence par la culpabilité par défaut. Le métier de soldat n'est pas celui de policier, et inversement. Même si les deux sont aujourd'hui simultanément nécessaires.
Je suis en train de terminer la lecture de La bataille d'Alger, de Pierre Pellissier. Cette narration très détaillée des premiers mois de 1957 montre parfaitement les défis auxquels a dû faire face la 10e division parachutiste, et notamment celui - capital - du renseignement. Les paras de Massu ont accueilli avec mépris le travail de policier, d'enquêteur, voire de briseur de grève qui leur est échu, mais ils l'ont fait avec abnégation et efficacité ; à ceci près que leurs officiers se sont sali les mains et l'âme en usant régulièrement de méthodes inacceptables pour obtenir les informations nécessaires. L'armée française a gagné la bataille d'Alger contre le FLN, mais a perdu la bataille pour les cœurs et les esprits. Et c'est bien le risque principal que fait courir l'emploi des armées dans la sécurité intérieure : un effet sécuritaire obtenu au prix de divisions, de polarisations et de résistances accrues, et qui finalement s'avère contre-productif. Un remède de cheval qui, administré à doses trop fortes et trop longues, cause la perte du patient.
Mais les armées changent, abandonnent peu à peu les réflexes hérités de la guerre froide, et se préoccupent de maîtriser la violence au lieu d'en faire un usage maximal. Les opérations de stabilisation contemporaines ne leur en laissent d'ailleurs pas le choix : si les forces armées américaines se comportaient en Irak ou en Afghanistan comme elles l'ont fait au Vietnam, voilà bien longtemps que les populations locales se seraient soulevées contre elles, au lieu d'accepter leur présence pour une durée limitée. Les soldats engagés dans ces opérations doivent ainsi être capables de changer de métier, c'est-à -dire de mentalité, en un claquement de doigts ; alterner les rôles au cours d'une même mission, passer de l'ami à l'ennemi ou au neutre en fonction des milieux et des comportements, et ainsi adhérer aux fluctuations des risques et des opportunités.
L'emploi des armées pour la sécurité intérieure, en utilisant les compétences aujourd'hui développées dans les opérations extérieures, ne mène donc pas nécessairement à la quasi-dictature, et donc à l'échec. Mais il doit être strictement limité dans l'espace et dans le temps pour ne pas en faire autre chose qu'une mesure extraordinaire.
Publié par Ludovic Monnerat le 29 juillet 2005 à 15:57
Commentaires
Quand le travail policier devient... militaire !
Les policiers ont pris un «risque insensé» pour arrêter le «terroriste» Omar
Le chef de la police londonienne estime que les policiers n'ont pas respecté les règles prescrites en utilisant un pistolet paralysant lors de l'arrestation de l'un des poseurs de bombes présumés du 21 juillet.
Paul Majendie
Liberation
vendredi 29 juillet 2005
LONDRES - Les policiers britanniques ont pris un "risque insensé" et n'ont pas respecté les règles prescrites en utilisant un pistolet paralysant lors de l'arrestation de l'un des poseurs de bombes présumés du 21 juillet dans les transports en commun londoniens, estime Ian Blair, chef de la police londonienne.
Yasin Hassan Omar, auteur présumé de la tentative d'attentat dans la station de métro Warren Street, a été arrêté lors d'une opération menée mercredi à l'aube à Birmingham, dans le centre de l'Angleterre. Les policiers ont fait usage à cette occasion d'un Taser, un pistolet paralysant envoyant des décharges électriques.
Malgré la polémique déclenchée par la mort d'un jeune Brésilien tué par des policiers qui l'avaient pris à tort pour un kamikaze, Ian Blair a désapprouvé la méthode suivie à Birmingham et a rappelé que les policiers avaient pour instruction de "tirer pour tuer" en présence d'un éventuel poseur de bombe.
"C'était un risque insensé d'utiliser un Taser contre un kamikaze car le Taser peut lui-même faire détoner (la bombe) et ce n'est pas la politique préconisée", a déclaré le chef de la police londonienne sur l'antenne de la BBC jeudi soir.
"Je n'arrive pas à comprendre pourquoi on a utilisé (cette arme). Nous utilisons souvent les Tasers à Londres mais un Taser envoie une décharge électrique dans le corps. S'il y a une bombe sur ce corps, alors la bombe peut exploser", a-t-il ajouté.
"Malgré tout ce qui a été dit, il n'y a qu'une seule manière d'arrêter un kamikaze, qui est de tuer cette personne", a insisté Ian Blair.
"Tout autre choix - à moins de persuader (le suspect) de se déshabiller dans un endroit dégagé - tout autre choix fait que la balle atteint sa cible mais que la bombe explose", a-t-il poursuivi.
Publié par jc durbant le 29 juillet 2005 à 16:37
Mais puisqu'on vous dit que c'est pas une... guerre !
"Ce n'est pas tout à fait un hasard que ceux qui ont présenté la lutte contre le terrorisme comme étant une nouvelle guerre mondiale soient aussi ceux qui, au nom de cette lutte, sont partis guerroyer en Irak ! La formule n'est pas seulement fausse mais aussi dangereuse. Dire cela ne revient pas à minimiser les dangers et la violence de la situation actuelle : l'hyperterrorisme illustre une vraie rupture avec notre polémologie traditionnelle, mais s'avère irréductible à un concept académique de guerre."
"la difficulté induite par l'absence de chef d'orchestre m'évoque les attentats perpétrés par les anarchistes à la fin du XIXe. Avec une technicité certes moins développée qu'aujourd'hui, ils avaient tué le président des Etats-Unis William McKinley, le président français Sadi Carnot, le premier ministre espagnol Antonio Canovas, le roi Humbert d'Italie, l'impératrice Elisabeth d'Autriche ou encore le tsar Alexandre II. Cette longue liste d'attentats ne pouvait positivement pas être opérationnellement coordonnée. Ce parallèle me semble d'autant plus pertinent que les attentats de Londres - et aussi dans une certaine mesure à Madrid - étaient le fait de gens qui, souvent, ne s'étaient pas préalablement signalés par leur comportement auprès des services de sécurité. Ils appartenaient à la société dans laquelle leur famille vivait depuis parfois deux ou trois générations et faisaient partie du tissu social occidental. En termes de renseignement et d'action préventive, la situation offre un niveau de complication semblable à celle des luttes contre les Brigades rouges en Italie ou contre la Rote Armée Fraktion (RAF) de l'Allemagne des années 70."
"Ce n'est qu'à travers un travail assidûment opéré par la police, par les services de renseignements et de sécurité que l'on peut remonter ce type de filières. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un défi du même type puisqu'il ne s'agit pas de lutter contre «l'autre», mais contre une partie de nous-mêmes. Il se trouve que les terroristes actuels se réclament d'une certaine interprétation de l'islam. Mais ce n'est pas l'islam qui en est la cause. Il faut toujours se souvenir, lorsqu'on veut analyser ce type de situation, que d'autres sources idéologiques peuvent conduire à des comportements apocalyptiques. En ce qui nous concerne aujourd'hui, la principale référence idéologique est bien une certaine interprétation de l'islam. Mais gardons bien à l'esprit que la religion n'est que le support de cette violence et non la cause."
"Il s'agit également d'éviter les confusions en termes d'entendement géopolitique. On entend trop souvent que la résolution du conflit israélo-palestinien induirait celle de l'hyperterrorisme. Il n'en n'est rien. Ces deux situations sont disctinctes et réclament des traitements spécifiques. J'en veux d'ailleurs pour preuve qu'al-Qaida a prospéré dans les années 90, alors que s'amorçait une période de calme au Proche-Orient."
Francois Heisbourg : «Quatrième guerre mondiale, une scabreuse expression»
Entretien.
Le Figaro, 28 juillet 2005
http://www.lefigaro.fr/cgi/edition/genimprime?cle=20050728.FIG0169
Publié par jc durbant le 29 juillet 2005 à 17:05
"! Mais ce n'est pas l'islam qui en est la cause. Il faut toujours se souvenir, lorsqu'on veut analyser ce type de situation, que d'autres sources idéologiques peuvent conduire à des comportements apocalyptiques. En ce qui nous concerne aujourd'hui, la principale référence idéologique est bien une certaine interprétation de l'islam. Mais gardons bien à l'esprit que la religion n'est que le support de cette violence et non la cause! "
Certes vous avez raison mais nous ne pouvons pas fermer les yeux et passer sous silence les appels à la haine de la Sourate 9 quand dans la même foulé on fait des procès en France, au Canada et ailleurs de révisionnistes et autres neo-fascistes. Ce n'est malheureusement pas " une certaine interprétation de l'Islam ". Tout est perfectible, à condition qu'on le veuille. Je ne serais pas étonné d'entendre Dieu nous dire un jour qu'il s'excuse pour l'inquisition, le Jihad etc. Ça le rendrait plus crédible! Pour en revenir au Post de LM " Double tranchant militaire " montre bien comment il est difficile de concilier Police et Armée et de ne pas provoquer une situation pire que celle que l'on vit ( l'expérience des Québécois durant la crise d'Octobre en est un bon exemple d'écraser une mouche avec une masse et je suis sure que d'autres exemples ne manquent pas .)
http://www.independance-quebec.com/flq/octobre/texte_analyse.html
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 29 juillet 2005 à 18:15
Petit commentaire à propos de la guerre d'Algérie: il semblerait que les massacres absolument insoutenables ( réellement: qui soulèvent le coeur ) commis par les fellagas avaient pour but de déclencher une réaction démesurée de l'armée francaise afin de radicaliser la population algérienne, considérée comme trop indécise, voir défavorable aux action des indépendentistes.
Publié par fingers le 29 juillet 2005 à 18:20
"... Les paras de Massu ont accueilli avec mépris le travail de policier, d'enquêteur, voire de briseur de grève qui leur est échu, mais ils l'ont fait avec abnégation et efficacité ; à ceci près que leurs officiers se sont sali les mains et l'âme en usant régulièrement de méthodes inacceptables pour obtenir les informations nécessaires... "
« Si la France reconnaissait et condamnait ces pratiques, je prendrais cela pour une avancée »
Entretien avec le général Jacques Massu, vainqueur de la bataille d'Alger.
http://www.algeria-watch.de/farticle/1954-62/1954-62_Massu.htm
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 30 juillet 2005 à 4:59
De la guerre antisubversive à la guerre totale ils ont tous serré la main du diable.
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 31 juillet 2005 à 17:49
Mais qu'est-ce qu'on fai avec les cretins utiles du nazislamisme ?
Comme l'ecrivait hier Guy Milliere,
« Nous ne pouvons continuer à accepter d'être informés par des idiots utiles que si nous voulons nous suicider. Nous devons considérer les idiots utiles comme une cinquième colonne préparant le terrain du totalitarisme islamiste, et nous devons avoir pour eux le respect qu'on a pour une cinquième colonne en temps de guerre."
http://www.les4verites.com/articles/Guy+Milli%E8re%20Guy+Milli%E8re-706.html
«New York City is now searching the bags of subway riders ! Someone on Air America, the liberal talk radio network, suggested that riders carry many bags to confuse and irritate the cops. »
« Mayor Michael Bloomberg, normally a sane fellow, has ordered that the searches be entirely random, to avoid singling out any one ethnic or religious group. So if someone fits the suicide bomber profile--young Muslim male, short hair, recently shaved beard or mustache, smelling of flower water (a preparation for entering paradise)--the police must look away and search the nun or the Boy Scout behind him »
« Secret sympathy, even fascination with violence among men and women who think of themselves as 'militants,' is a disease, and recovery is slow."
USNWR
8/8/05
By John Leo
It's All Our Fault
http://www.usnews.com/usnews/opinion/articles/050808/8john.htm
Publié par jc durbant le 1 août 2005 à 21:25
Le drame avec les idiots c'est qu'ils sont idiots et quand les idiots sont majoritaires on vit en pleine folie et tout discours rationnel tombe dans le vide . Captaine on est mal barré !
Publié par Yves-Marie SENAMAUD le 2 août 2005 à 3:25