« Alerte à la folie furieuse (3) | Accueil | Le courage des soldats »
20 janvier 2005
Le discours de Bush
Je viens de regarder le 19h30 de la Télévision Suisse Romande (TSR), qui a consacré à l'investiture de Georges W. Bush un reportage - comme toujours - centré sur l'accessoire, soit les cérémonies à coloration texane. Le discours prononcé à cette occasion représente pourtant une déclaration d'intention de première importance. Le commentaire de l'ineffable correspondante de la TSR aux Etats-Unis, Françoise Weilhammer, est - comme toujours - d'une affligeante inexactitude, parlant de "présidence qui se rêve impériale", de "conquérant de la liberté" alors que rien n'évoque ou ne mentionne cette notion de conquête.
Mais il y a plus grave : Mme Weilhammer fait croire à son auditoire captif - il y a une seule chaîne de télévision romande, qui plus est publique - que ce discours n'amène rien de nouveau. En fait, ce texte mérite d'être analysé en détail et comporte des éléments significatifs, comme l'indique ce bref extrait :
Today, America speaks anew to the peoples of the world:
All who live in tyranny and hopelessness can know: the United States will not ignore your oppression, or excuse your oppressors. When you stand for your liberty, we will stand with you.
Democratic reformers facing repression, prison, or exile can know: America sees you for who you are: the future leaders of your free country.
Il faut en prendre conscience : l'antiaméricanisme constitue un danger pour l'Europe dès lors qu'il empêche toute analyse objective et fausse l'appréciation de la situation. D'ailleurs, ce discours sera certainement perçu d'une manière très différente selon les continents... Raison de plus pour le lire soi-même et en tirer les enseignements qui s'imposent.
COMPLEMENT I : On trouvera deux commentaires diamétralement opposés à ce discours qui illustrent la diversité des médias américains - avec l'hebdomadaire de gauche The Nation et l'hebdomadaire de droite The Weekly Standard. L'un dans l'autre, ils fournissent une bonne image des aspects saillants et contradictoires de cette déclaration d'intention.
COMPLEMENT II : L'une des meilleures analyses lues depuis 2 jours sur ce discours d'investiture est en fait un parallèle historique avec la présidence de William McKinley, marquée par l'incident du Maine, la guerre hispano-américaine, les victoires à Cuba et aux Philippines, et la contre-insurrection sur une partie de celles-ci qui a coûté la vie à 4000 soldats américains. Plutôt intéressant !
Publié par Ludovic Monnerat le 20 janvier 2005 à 19:51
Commentaires
Il me semble que Bush parle là d'une situation comme elle s'est par exemple présentée en Ukraine. Les américains y auraient soutenu le mouvement d'opposition. Ce qui n'est d'ailleurs pas une mauvaise chose à mon goût. Les Européens sont les premiers à avoir un intérêt à une Ukraine orientée vers eux. Sans l'Ukraine, la Russie perd un élément essentiel de ses aspirations post-soviétiques et de son influence sur l'Europe.
Est-ce que Bush souhaite que l'Iran se dirige dans la même direction que l'Ukraine? Des éléctions y ont lieu en printemps... J'en doute et je ne sais surtout pas si ces élections pourraient apporter du nouveau et surtout du meilleur. Mais je pense qu'il est extrêment important que le "problème iranien" trouve une solution, c'est-à -dire le désarmement. C'est une bien trop grande menace qui est en train de se mettre en place. Le blabla et les soi-disantes négociations de l'UE avec l'Iran n'ont mené qu'à une seule chose: prouver que les mollahs restent les maîtres de la manipulation et qu'ils ne veulent que gagner du temps.
Il est également vrai que la journaliste de la TSR du téléjournal n'avait rien compris au discours de Bush. Elle a réduit la guerre en Irak et les problèmes qu'y rencontrent les USA à la suite logique d'un "rêve impérial" américain et une conception apparament nouvelle des Etats unis de vouloir apporter la démocratie aux autres - unilatéralement s'il le faut. C'est un peu facile. D'abord cette idée d'une sorte d'altruisme en affaires étrangères est tout sauf nouvelle. Depuis Wilson tous les présidents américains s'y sont référés (peut-être sauf Nixon). Ensuite, préfère-t-elle de "bons dirgeants" comme Chirac et Schröder? Le premier était tout aussi unilatéral à Mururoa, le deuxième est le meilleur "partenaire" de la Russie despotique de Poutine. Et les deux étaient partants pour attaquer le Kosovo (ce qui était encore bien plus "illégal" que la guerre d'Irak et qui reste un problème impossible à résoudre) et les deux sont encore plus partants pour fournir des armes aux chinois. Est-ce que c'est ça la morale qui devait régir les relations internationales, respectivement le "multilatéralisme" paralysé et paralysant de l'Elysée?? Je préfère en tous les cas de loin l'approche "réaliste" d'un Kissinger, d'un Bismarck, voire d'un Sharon...
Soit ce genre de journalistes n'est pas formé en affaires étrangères et ils feraient par conséquent mieux de présenter les élections de Miss Suisse romande. Ou alors ils sont d'une mauvaise foi phénoménale. Quoi qu'il en soit, cela prouve que la médiocrité des médias européens n'a pas encore fini de m'étonner.
Publié par Robert Desax le 20 janvier 2005 à 21:53
Je vais parler de ce que je connais.
J'ai passé ma petite enfance au Ghana, et j'ai vécu un coup d'état à travers le ventre de ma mère quelques jours avant ma naissance. Ma mère a même pensé faire une fausse couche à cause des ondes de choc de l'artillerie qui tirait à côté de notre jardin. Mes parents m'en ont forcément beaucoup parlé, et, gardant un profond attachement pour ce pays, j'y suis souvent retourné depuis que la famille est rentrée en Suisse.
Jusque là , le Ghana n'avait eu comme gouvernement qu'une bande de despotes plus ou moins psychopathes qui se renversaient les uns les autres tout en saignant la population.
A mon dernier voyage, il y a exactement une année , je suis retourné voir notre anciene maison à la capitale : elle est est actuellement une dépendance de l'ambassade US. Après enquête, la représentation américaine au Ghana s'est énormément étendue ces 5 dernières années, englobant désormais plus d'une dizaine de bâtiments.
En 2004, ils ont offert 500 voitures de police au pays.
En fait, la diplomatie américaine y pratique une ingérence soft dont l'efficacité est inimaginable pour qui n'a pas eu la chance de voir les changements. Le Ghana est devenu une VRAIE démocratie, la corruption, bien que gardant des proportions alarmantes, s'est largement résorbée... etc.
Je ne prends pas de gros risque en disant qu'il s'agit probablement du pays d'Afrique noire qui va le mieux. Partout, on construit, travaille.
Ce n'est pas aux Français que les Ghanéens doivent cete chance, mais bien au "parrainage" américain.
Je dis bravo!
Concernant l'Iran : oui, c'est une problème extrêmement grave, et je ne sais pas trop coment il faudra le résoudre. Il est certain que l'on ne peut pas laisser la théocratie chiite se doter du "pétard", en plus de ses missiles à longue portée.
On ne peut pas non plus laisser le risque d'obliger Israël à mener une nécessaire opération préventive de type Osirak si l'Iran devait poursuivre ses démarches. Ce serait désastreux, mais Israël n'aurait pas le choix, tant cette menace pèserait sur son existence même.
Par ailleurs, l'Europe serait rapidement à portée également, et comme nous n'avons pas été assez "stupides" pour nous doter d'une protection stratégique anti-missiles "comme Bush"...
Le mieux serait probablement d'encourager un coup d'état. Reste à savoir si l'on ale temps pour ça
Publié par Ruben le 21 janvier 2005 à 1:36
Ce discours reste très classique ! La lutte contre la Tyrannie (d'hier, d'aujourd'hui ou de demain) a toujours été « la marque » de fabrique des grandes puissances de notre temps. A cela s'ajoute le discours de Dick Cheney et la célèbre maxime toute persistante à vouloir détruire le terrorisme, qui faut-il le rappeler, est une forme de lutte armée! LA révolution et la qualité du discours sont loin d'être là ou d'égaler celle de ces prédécesseurs. Bref peu de révolution.
Quant à la « nouvelle » présence US en Afrique, elle représente au mieux le repositionnement stratégique de celle-ci et des dissensions directes, qu'elle engendre avec l'Europe en ce qui concerne les zones d'influences. Et comme trop souvent, l'Europe n'a pas les moyens de sa politique. Pour la situation en Afrique, là aussi nous disposons d'une vision tronquée, se limitant à des massacres, des maladies et autres tragédies, alors que le continent avance, malgré « l'information » que l'on reçoit.
La question de l'Iran se limite pour beaucoup à éviter une nouvelle Corée du Nord. Mais le point, que je souhaiterai souligner et notre « vision orientée ou héritée » de la légitimité d'une action militaire. Beaucoup considèrent comme normal ou légitime de bombarder les installations nucléaires d'un état souverain comme l'Iran, que l'attaque soit portée par Israël ou l'USA. En effet, l'Iran menace ouvertement ces deux nations. Sans tomber dans la « nouvelle » politique d'attaque préventive, pourquoi ne pas légitimer une frappe syrienne sur les installations nucléaires d'Israël, qui les menaces directement ?! Quel sera notre réaction, en cas « d'invasion » de Taiwan par la Chine ou de l'Inde sur le Pakistan, dans la ligne droite « du nouveau droit » d'attaque préventive! En effet, en quoi « notre » vision serait plus « légitime » qu'une autre ?! Sans oublier que les coups d'état n'apportent pas toujours LA solution, surtout dans une époque, qui veut lutter contre « les tyrannies ». Les Etats-Unis, comme beaucoup d'autres, ont un lourd passif dans ce domaine et soutenaient la révolution islamique iranienne à ses débuts pour le résultat qu'on connaît! .
Quant aux priorités de l'Europe de la défense, elles sont ailleurs ! Comme disposer de troupes et de moyens propres et légitimes. Malgré tout les tentatives existent. Avant de disposer d'un bouclier antimissile et de réarmer l'espace, il faut rappeler que le vieux continent vient juste de se doter de son propre système de positionnement global : « Galileo », ce qui le rendra, après rééquipement, « virtuellement » indépendant du « GPS » US, actuellement disponible « gratuitement ».
Publié par ZC le 21 janvier 2005 à 19:45
Bien qu'appréciant certains arguments, il n'est pas possible d'adhérer à ce genre de discours :
"""
pourquoi ne pas légitimer une frappe syrienne sur les installations nucléaires d'Israël, qui les menaces directement ?!
"""
Ce genre de théorie a certainent le mérite d'obtenir les faveurs des rédactions européennes, car il s'agit encore d'une entreprise, volontaire ou pas, de désinformation.
1. En comparant l'incomparable, on met sur un pied d'égalité 2 pays que tout sépare. Israël est une démocratie. La seule de toute la région, tandis que la syrie est une dictature héréditaire.
2. 2e comparaison irrecevable pour qui est de bonne foi : Israël qui pourrait subir une frappe préventive au même titre que l'Iran. Cela n'a absolument aucun sens. L'Iran clame à qui veut l'entendre que la destruction d'Israël constitue l'un de ses objectifs depuis la révolution islamique, tandis qu'Israël n'a jamais manifesté de prétention sur la Syrie. Em revenche, l'état hébreu a du se défendre lors de 3 guerres offensives menées par ses voisins.
"Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde".
(A. Camus)
Publié par Ruben le 21 janvier 2005 à 21:22
Merci de ne pas adhérer, le but n'est pas là ! Comparer l'incomparable et présenter l'irrecevable est chose courante ! Mais malheureusement la logique, le jugement impartial et de bonne foi se limite souvent à un point de vue! Cet exemple vous semble irrecevable, voir choquant, mais d'autre le jugeront recevable, là est le problème ! Vous soulevez la question d'Israël qui n'est qu'un exemple (très sensible je vous l'accorde)! L'Etat Hébreux est notre ami et un allié traditionnel, un allié de la Syrie ou de l'Iran pourrait argumenter de même! Sans oublier, que si on y ajoute ses intérêts propres! Le débat n'est pas nouveau et n'est pas prêt de changer. La question (au sens large) est la limitation de nos visions stratégiques. Les théories du chaos ou/et du pire semblent inexistantes.
1) Face à « l'égalité », il existe « le 2 poids 2 mesures »!
2) « La bonne foi » se limite souvent aux intervenants et à l'auditoire. En ce limitant au droit international, une frappe préventive n'est jamais légitime, quelle que soit la nature ou l'histoire de l'état qui est visé!
3) La question du Moyen Orient, dans notre perception des choses, est plus que sensible, mais représente bien nos automatismes/habitudes/sensibleries stratégiques. Sans oublier la complexité de celle-ci, son aspect irréel et l'affectivité qu'elle peut provoquer. Mais il ne faut pas oublier que pour d'autres elle n'est rien.
Ce qui est à souligner, c'est l'application « de guerre préventive » et sa légitimation par les USA. Cette politique menée par un ami, ne nous pose pas trop de problème, même s'il y beaucoup de bruit autour du résultat. Mais quant sera t'il si ce genre d'action est réalisée par un état voyou ou/et par un état d'importance, disposant des moyens, de la volonté et d'une vision contraire à la nôtre ?!
« La véritable amitié, je crois, sait être lucide quand il faut, aveugle quand elle doit. »
« Il est bon de remettre tout en question, chaque jour. »
Francis Blanche
Publié par ZC le 22 janvier 2005 à 1:54
Merci pour ces remarques. Ca fait toujours plaisir d'échanger des idées avec respect et intelligence.
J'apprécie vos arguments et les adopte pour une bonne part. Il est évident que dans le cas d'Israël, par exemple, les argumentations trouvent toujours des racines émotionnelles. Je n'ai certainement pas la prétention de faire exception à ce sujet.
Cependant, vouloir tout relativiser est l'un de nos travers de "vieux occidentaux". Je pense que nous devrions retrouver le courage de voir qu'il existe des absolus.
Ce n'est, par exemple, pas une vue de l'esprit, quand j'avance qu'Israël est la seule démocratie de la région. Libre à qui veut de soutenir des gangsters théocrates et nihilistes n'accordant aucune valeur à la vie humaine. Mes mots sont choisis, et c'est volontairement que j'évite le débat de fond, car discuter indéfiniment d'événements historiques n'apporte probablement rien au débat, et la simple observation de ce que sont et ce que font les deux parties me suffit déjà pour trancher.
Mais le plus grand problème de cette façon de relativiser réside surtout dans le fait que nous ne sommes PAS un éléments extérieur des situations dont nous parlons ici. Nous nous situons forcément dans un absolul, et en tant que victimes potentielles, nous ne sommes pas de simples spectateurs.
Vous le dites d'ailleurs très bien vous même en écrivant
"Mais quant sera t'il si ce genre d'action est réalisée par un état voyou ou/et par un état d'importance, disposant des moyens, de la volonté et d'une vision contraire à la nôtre ?!"
La situation que vous décrivez porte un nom : la guerre.
Bon week end à tous!
Ruben.
Publié par Ruben le 22 janvier 2005 à 3:45
Effectivement, le parallèle va très loin parce que l'intervention de Mc Kinley à Cuba était et est considérée par certains historiens comme la naissance du droit d'ingérence humanitaire face à la première entreprise de concentration massive de civils et aux premiers camps de (re)concentration qui feront des dizaines de milliers de morts ...
Publié par jc durbant le 9 février 2005 à 21:29
Effectivement, le parallèle va très loin parce que l'intervention de Mc Kinley Cuba était et est considérée par certains historiens comme la naissance du droit d'ingérence humanitaire face à la premire entreprise de concentration massive de civils et aux premiers camps de (re)concentration qui feront des dizaines de milliers de morts ...
Publié par jc durbant le 9 février 2005 à 21:32